mercredi 4 décembre 2013

Homélie sur l'Entrée de l'Enfantrice de Dieu au Temple

de saint Grégoire Palamas

Si un arbre est connu par son fruit, et qu'un bon arbre porte de bons fruits (Mt 7,17; Lc 6,44), alors la Mère de la Bonté elle-même, elle qui porta la Beauté éternelle, n'est-elle pas incomparablement plus excellente que tout bien, que ce soit dans ce monde ou dans celui d'en haut ? Par conséquent, l'Image coéternelle et identique de la Bonté, prééternelle, transcendant tout être, Lui qui est le Verbe préexistant et bon du Père, touché par son indicible Amour pour le genre humain et sa Compassion pour nous, S'est revêtu de notre image, afin qu'Il puisse se réapproprier pour Lui-même notre nature qui avait été entraînée de force jusqu'aux fins fonds de l'Hadès, afin de renouveler cette nature corrompue et de l'élever jusqu'aux hauts des cieux. À cet effet, Il avait dû assumer une chair qui était à la fois nouvelle et la nôtre, afin qu'Il puisse nous refaçonner à partir de nous-mêmes. Maintenant, Il trouve une servante qui convient parfaitement à ces nécessités, et qui Lui fournit sa propre nature intacte, la Toujours-Vierge que nous chantons maintenant, et dont nous célébrons aujourd'hui l'Entrée miraculeuse au Temple, dans le Saint des Saints. Dieu la prédestina avant les siècles pour le salut et la réappropriation de notre race. Elle fut choisie, non pas juste dans la foule, mais dans les rangs des élus de tous les âges, connus pour leurs piété et intelligence, ainsi que pour leurs paroles et actes agréables à Dieu.
Au commencement, il n'y en avait qu'un pour s'élever contre nous : l'auteur du mal, le serpent, qui nous entraîna dans l'abîme. Beaucoup de raisons l'incitèrent à s'élever contre nous, et il y avait de nombreux moyens par lesquels il asservit notre nature : l'envie, la rivalité, la haine, l'injustice, la perfidie, la ruse, etc. En plus de tout cela, il a aussi, en lui, le pouvoir d'apporter la mort, qu'il engendra lui-même, étant le premier à s'éloigner de la vraie vie.
L'auteur du mal était jaloux d'Adam, quand il le vit être conduit de la terre au ciel, d'où lui, il a été, à juste titre, jeté en bas. Plein d'envie, il se jeta sur Adam avec une terrible férocité, et souhaita même le revêtir de l'habit de la mort. L'envie est génératrice non  seulement de la haine, mais aussi du meurtre, que ce serpent haïssant l'homme provoqua en nous. Car il voulait être maître de ce qui est né sur terre pour la ruine de celui qui a été créé à l'image et à la ressemblance de Dieu. Puisqu'il n'était pas assez courageux pour attaquer directement, il eut recours à la ruse et à la tromperie. Cet intrigant vraiment terrible et malicieux prétendit être un ami et un conseiller utile en assumant la forme physique d'un serpent, et il parvient, hélas, en cachette, à atteindre son but. Par son conseil opposé à Dieu, il insuffle dans l'homme son propre pouvoir apportant la mort, comme un poison.
Si Adam avait été assez fort pour garder le commandement divin, il se serait montré alors vainqueur de son ennemi, et aurait résisté à sa mortelle attaque. Mais puisqu'il s'abandonna volontairement au péché, il fut vaincu et fait pécheur. Comme il est la racine de notre race, il nous a produits comme des pousses portant la mort. Ainsi, il était nécessaire pour nous, pour prendre revanche sur sa défaite et proclamer sa victoire, de nous débarrasser de ce poison mortel dans l'âme et le corps, et d'absorber la vie, éternelle et indestructible.
Il était nécessaire pour nous d'avoir une nouvelle racine pour notre race, un nouvel Adam, non pas Un qui soit simplement sans péché et invincible, mais Un qui soit capable aussi de pardonner nos péchés et de libérer du châtiment ceux qui y étaient sujets. Et qui non seulement eût la vie en Lui, mais aussi la capacité de restaurer la vie, de sorte qu'Il pût aussi accorder à ceux qui Lui sont fidèles, et qui Lui sont liés par la race, la vie et le pardon des péchés, restaurant à la vie non seulement ceux qui vinrent après Lui, mais aussi ceux qui étaient déjà morts avant Lui. Par conséquent, saint Paul, cette formidable trompette de l'Esprit saint, s'exclame : «Le premier homme, Adam, devint une âme vivante. Le dernier Adam est devenu un esprit vivifiant …» (I Cor 15,45)
Dieu excepté, il n'y a personne qui soit sans péché, ou créateur de vie, ou capable de remettre le péché. Par conséquent, le nouvel Adam doit être non seulement Homme, mais aussi Dieu. Il est à la fois Vie, Sagesse, Vérité, Amour, Miséricorde, et toutes les autres bonnes choses, afin qu'Il puisse renouveler le vieil Adam et le restaurer à la vie par la miséricorde, la sagesse et la justice. Ce sont les contraires des choses que l'auteur du mal utilisa pour apporter la vieillesse et la mort.

Comme le meurtrier de l'humanité s'éleva contre nous avec envie et haine, ainsi la Source de la Vie fut élevée [sur la Croix] par sa Bonté et son Amour incommensurables pour le genre humain. Il désira intensément le salut de sa créature, c'est-à-dire que sa créature soit restaurée par Lui-même. Contrairement à cela, l'auteur du mal voulait ruiner la créature de Dieu, et par là même soumettre le genre humain à son propre pouvoir, et nous affliger de façon tyrannique. Et exactement comme il acheva la conquête et la chute du genre humain au moyen de l'injustice et de la ruse, par tromperie et sa supercherie, ainsi le Libérateur amena la défaite de l'auteur du mal et la restauration de sa propre créature par la Vérité, la Justice et la Sagesse.
C'était un acte de la justice parfaite que notre nature, qui était volontairement asservie et détruite, reprît la lutte pour la victoire et se défît de son asservissement volontaire. Par conséquent, Dieu daigna recevoir de nous notre nature, S'unissant hypostatiquement à elle d'une façon merveilleuse. Mais il était impossible d'unir cette Nature très haute, dont la pureté est incompréhensible par la raison humaine, à une nature pécheresse, avant qu'elle ne fût purifiée. Par conséquent, pour la Conception et la Naissance du Donateur de la pureté, une Vierge toute pure et parfaitement sans tache était requise.
Aujourd'hui, nous célébrons la mémoire des choses qui contribuèrent, ne serait-ce qu'une fois, à l'Incarnation. Lui qui est Dieu par nature, le Verbe et Fils de Dieu sans commencement et coéternel au Père transcendant, devient le Fils de l'homme, le Fils de la Toujours-Vierge. «Jésus Christ est le même hier, aujourd’hui, et éternellement» (Heb 13,8), immuable dans sa Divinité et irréprochable dans son Humanité, Lui seul, comme l'avait prédit le  prophète Isaïe, «ne commit point de violence et il n’y eut point de fraude dans sa Bouche.» (Is 53,9) Lui seul ne fut ni engendré dans l'iniquité, ni conçu dans le péché, contrairement à ce que dit le prophète David de lui-même et de chaque homme; (Ps 50,5) Même dans ce qu'Il assume, Il est parfaitement pur et n'a pas besoin de Se purifier. Mais pour nous, Il accepta purification, souffrance, mort et résurrection, afin qu'Il pût nous les transmettre.
Dieu est né de la sainte Vierge sans tache, ou pour mieux dire, de la très pure et toute sainte Vierge. Elle est au-dessus de toute souillure charnelle, et même de toute pensée impure. Sa conception n'était pas l'effet de la concupiscence charnelle, mais du très saint Esprit, qui la couvrit de son ombre. Un tel désir lui étant complètement étranger, c'est par la prière et la promptitude spirituelle qu'elle déclara à l'ange : «Je suis la servante du Seigneur ; qu’il me soit fait selon ta parole» (Lc 1,38), et qu'elle conçut et enfanta. Donc pour rendre la Vierge digne de ce but sublime, Dieu marqua cette Fille toujours-vierge que nous honorons maintenant, depuis avant les siècles, et depuis l'éternité, la choisissant parmi ses élus.
Faites attention donc au moment où ce choix a commencé. Des fils d'Adam, Dieu choisit le merveilleux Seth, qui se montra un ciel vivant par son comportement seyant, et par la beauté de ses vertus. C'est pourquoi il fut choisi, et de lui, la Vierge s'épanouit comme un char divinement seyant à Dieu. Elle était requise pour enfanter et pour rassembler ceux de la terre pour la filiation céleste. Pour cette raison aussi, tout le lignage de Seth fut appelé «fils de Dieu», parce que de ce lignage un fils d'homme allait naître Fils de Dieu. Le nom Seth signifie surgissement ou  résurrection, ou, plus spécifiquement, il signifie le Seigneur qui promet et accorde la vie immortelle à tous ceux qui croient en Lui.
Et combien précisément exact est ce parallèle ! Seth naquit d'Ève, comme elle l'a dit elle-même, à la place d'Abel, que Caïn avait tué par jalousie (Gn  4,25); et Christ, le Fils de la Vierge, naquit pour nous à la place d'Adam, que l'auteur du mal avait tué également par jalousie. Seulement Seth n'a pas ressuscité Abel, puisqu'il était seulement un archétype de la résurrection. Mais notre Seigneur Jésus Christ a ressuscité Adam, puisqu'Il est la Vie même et la Résurrection de ceux qui sont nés sur la terre, pour l'amour desquels les descendants de Seth reçoivent la divine adoption en espérance, et sont appelés enfants de Dieu. C'était à cause de cette espérance qu'ils étaient appelés fils de Dieu, comme il est évident d'après l'Unique qui fut appelé ainsi le premier, le successeur dans le choix. Ce fut Énoch, le fils de Seth, qui, comme Moïse l'écrivit, commença, le premier, à invoquer le Nom du Seigneur. (Gn 4,26)
De cette manière, le choix de la future Mère de Dieu, commençant par les fils même d'Adam et continuant à travers toutes les  générations des temps, par la Providence de Dieu, passe au Roi-Prophète David et les successeurs de sa royauté et son lignage. Quand le moment choisi fut venu, alors de la maison et de la postérité de David, Joachim et Anne sont choisis par Dieu. Bien qu'ils fussent sans enfant, ils étaient, par leur vie de vertu et leur bonne disposition, les meilleurs de tous les descendants de la ligne de David, et dans leurs prières, ils supplièrent Dieu de les délivrer de leur stérilité, et promirent de Lui consacrer leur enfant dès son bas âge. C'est par Dieu Lui-même que la Mère de Dieu fut proclamée et donnée à eux comme enfant, pour que la toute-vertueuse enfant fût élevée par des parents aussi vertueux. De cette manière donc, la chasteté unie à la prière fructifia en produisant la Mère de la virginité, donnant naissance dans la chair à Celui qui naquit de Dieu le Père, avant les siècles.
Maintenant que les justes Joachim et Anne virent leur désir  accordé, et la promesse divine faite à eux réalisée dans le fait, alors eux, de leur part, comme de vrais amants de Dieu, se hâtèrent de remplir le vœu qu'ils avaient fait à Dieu, dès que l'enfant fut sevrée. Ils ont conduit alors cette enfant de Dieu véritablement sanctifiée, maintenant la Mère de Dieu, cette Vierge, au Temple de Dieu. Et elle, remplie de Dons divins dès cet âge si tendre, elle, plutôt que d'autres, détermina ce qui lui serait fait. À sa manière, elle montra qu'elle n'était pas tant présentée au Temple, mais qu'elle allait elle-même entrer au service de Dieu, de son propre accord, comme si elle eût des ailes, aspirant à cet amour sacré et divin. Elle considéra désirable et convenable qu'elle entrât au Temple et vécût dans le Saint des Saints.
Par conséquent, le grand prêtre, voyant que cette enfant, plus que d'autres, avait en elle de la divine Grâce, souhaita l'installer à l'intérieur du Saint des Saints. Il convainquit tous ceux qui étaient présents d'accueillir cela, puisque c'était Dieu qui l'avait anticipé et approuvé. Par son ange, Dieu assista la Vierge et lui envoya de la nourriture mystique, par laquelle sa nature était fortifiée, pendant que son corps arrivait à maturité et fut fait plus pur et plus exalté que les anges, ayant les esprits célestes pour serviteurs. Elle fut conduite dans le Saint des Saints, non pas seulement pour une fois, mais fut acceptée par Dieu d'y séjourner avec Lui pendant toute sa jeunesse, afin que par elle, les demeures célestes pussent être ouvertes et données comme éternelles habitations à ceux qui croient à son miraculeux enfantement.
C'est ainsi, et c'est pourquoi elle, depuis le commencement du temps, fut choisie parmi les élus. Elle qui est manifestée comme le Saint des Saints, qui a un corps plus pur même que les esprits purifiés par la vertu, est capable de recevoir le Verbe hypostatique du Père sans commencement. Aujourd'hui, la toujours-vierge Marie, comme un Trésor de Dieu, est conservée dans le Saint des Saints, afin qu'en temps voulu, (comme cela s'est passé plus tard) elle serve d'enrichissement et d'ornement au monde entier. Par conséquent, le Christ Dieu glorifie aussi sa Mère, avant la naissance comme après la naissance.
Nous qui comprenons le salut commencé pour nous par la très sainte Vierge, nous lui rendons grâce et louange selon notre capacité. Et vraiment, si la femme reconnaissante (dont nous parle l'évangile), après avoir entendu les paroles salvatrices du Seigneur, bénit et remercia sa Mère, élevant sa voix au-dessus de la clameur de la foule, disant au Christ, «Heureux le sein qui t’a porté ! heureuses les mamelles qui t’ont allaité !» (Lc 11,27), alors nous qui avons les paroles de la Vie éternelle, écrites pour nous en toutes lettres, et non seulement les paroles, mais aussi les miracles et la Passion, et la résurrection des morts de notre nature, et son ascension de la terre au ciel, la promesse de la vie immortelle et le salut inaltérable, comment ne chanterions-nous et ne bénirions-nous alors sans cesse la Mère de l'Auteur de notre salut et du Donateur de Vie, célébrant sa conception et son enfantement et maintenant son Entrée dans le Saint des Saints ?
Maintenant, frères, transportons-nous des choses terrestres aux célestes. Changeons notre chemin de la chair à l'esprit. Changeons notre désir des choses temporelles à celles qui perdurent. Méprisons les délices de la chair, qui servent à séduire notre âme et disparaissent. Désirons les dons spirituels, qui restent intacts. Détournons notre raison et notre attention des soucis terrestres et élevons-les aux demeures inaccessibles des Cieux, au Saint des Saints, où réside maintenant la Mère de Dieu.

Par conséquent, de cette manière nos chants et prières à elle trouveront accès, et ainsi par sa médiation, nous serons héritiers des biens éternels à venir, par la Grâce et l'Amour pour l'homme de Celui qui est né d'elle pour nous, notre Seigneur Jésus Christ, à qui soient gloire, honneur et adoration, avec son Père sans commencement et son Esprit coéternel et créateur de vie, maintenant et toujours et aux siècles des siècles. Amen.

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