jeudi 11 mai 2017

SI L’HOMME VOULAIT ...

L'abbé Alonius disait : «Si l'homme le voulait, une seule journée lui suffirait, du matin jusqu'au soir, pour atteindre à la mesure de la divinité.» 
Cette sentence m’intrigue, et parfois j’y pense et j’essaie de la comprendre. 
Qu’est-ce que «la mesure de la divinité» ? L’évangile nous le dit : «Soyez donc parfaits, comme votre Père céleste est parfait.» (Mt 5,48) Cette perfection, qui nous est demandée, consiste dans l’impassibilité sur laquelle se greffent toutes les vertus. 
Le mot «voulait», en est la clé pour comprendre. C’est notre volonté, – la volonté propre – qui fait obstacle. Cette volonté qui est conditionnée par nos passions déréglées et s’oppose à la Volonté de Dieu, qui seul sait et veut notre vrai bien. 
Certes, ce n’est pas notre volonté seule qui peut nous faire arriver à la mesure divine, mais en synergie avec la Grâce de l’Esprit saint, cela devrait être possible. 
Vouloir simplement, même avec l’Aide de Dieu, me semble insuffisant. Il faudra aussi payer le prix : se donner entièrement à Dieu, sans rien se réserver de son ego, même pas la part du feu. 
«Voici, Je me tiens à la porte, et Je frappe. Si quelqu’un entend ma voix et ouvre la porte, J’entrerai chez lui, Je souperai avec lui, et lui avec Moi,» est-il écrit dans l’Apocalypse (3,20). Ouvrir la porte, renoncer à son ego, se vider de ce qui fait obstacle, ce sont de différentes façons pour exprimer la même chose. 
Il reste quand même ce «du matin au soir.» Je veux bien croire que l’on peut y arriver après de longues années de lutte, mais en si peu de temps ? 
Abba Alonius, en disant ces paroles avait compris ce qu’il avançait. Pourtant il lui fallait des années des lutte pour y arriver. Une fois arrivé, il a pris conscience qu’il aurait pu y arriver en peu de temps et qu’il a erré, dans son ignorance, pendant des années, tel le peuple d’Israël qui a erré pendant quarante ans dans le désert. Ce n’est que Moïse, en montant sur le Sinaï, qui a parlé avec Dieu face à face, – ce en quoi consiste la perfection de l’homme –, pendant que le peuple restait au pied de la montagne, «un peuple au cou raide». Moïse parla à Dieu face à face mais ne pouvait voir la Face de Dieu, car «car l’homme ne peut Me voir et vivre.» (Ex 33,20) 
Cette ignorance, dont je viens de parler, qui nous fait préférer les «caroubes» à l’Amour du Père, constitue donc, avec la volonté propre, l’obstacle au but recherché. 
Après ces réflexions il reste plus de questions que je n’en ai résolues, et l’énigme de la sentence reste entier. 
a. Cassien 

mercredi 10 mai 2017

Voyage en Grèce

Plaise à Dieu, je partirai lundi prochain (après le dimanche de la Samaritaine) en Grèce, pour le temps que Dieu voudra et que lui seul connait pour l'instant. Donc …


En Christ, a. Cassien

Ce voyage est remis finalement aux calendes grecs.

samedi 6 mai 2017

HOMÉLIE SUR L’HOMME PARALYTIQUE


    En ce temps-là, Jésus monta à Jérusalem. Or il existe à Jérusalem, près de la porte des Brebis, une piscine qu'on appelle en hébreu Béthesda. Elle a cinq portiques, sous lesquels gisait une foule d'infirmes – aveugles, boiteux, paralytiques – qui attendaient le bouillonnement de l'eau. Car l'ange du Seigneur descendait par intervalles dans la piscine et l'eau s'agitait; et le premier qui y entrait, après que l'eau eut bouillonné, se trouvait guéri, quelle que fût sa maladie. Il y avait là un homme qui était infirme depuis trente-huit ans. Jésus, le voyant étendu et sachant qu'il était dans cet état depuis longtemps déjà, lui dit : Veux-tu guérir ? L'infirme lui répondit : Seigneur, je n'ai personne pour me plonger dans la piscine quand l'eau se met à bouillonner; et, le temps que j'y aille, un autre descend avant moi. Jésus lui dit : Lève-toi, prends ton grabat et marche ! A l'instant l'homme fut guéri; il prit son grabat et marcha. Or c'était un jour de sabbat. Les Juifs dirent donc à celui qui venait d'être guéri : C'est le sabbat, il ne t'est pas permis de porter ton grabat ! Il leur répondit : Celui qui m'a guéri m'a dit : Prends ton grabat et marche ! Ils lui demandèrent : Quel est l'homme qui t'a dit : Prends ton grabat et marche ? Mais le paralytique l'ignorait, car Jésus avait disparu dans la foule qui se pressait en ce lieu. Plus tard Jésus le rencontra dans le Temple et lui dit : Te voilà guéri, ne pèche plus désormais, de peur qu'il ne t'arrive plus grande infirmité ! L'homme s'en alla pour annoncer aux Juifs que c'était Jésus qui l'avait guéri. Jean (5,1-15)




    Quelques mots sur l’évangile d’aujourd’hui. Qu’a donc ce miracle de particulier, parmi tant de miracles que le Sauveur a opéré ?
    Il supplante un miracle qui se faisait à cet endroit de temps en temps, quand l’eau s’agitait. La guérison se fait, une fois de plus, un jour de sabbat, au grand dam des juifs. 
    Par ailleurs, cet épisode a des parallèles avec l’évangile qu’on lira dans deux semaines concernant l’aveugle-né. Le paralytique fut guéri à la piscine des brebis et l’aveugle-né à la piscine de Siloé. Pourtant ce n’est pas l’eau de la piscine qui guérit par elle-même, mais, une fois c’est l’ange qui descend et, l’autre fois, le Seigneur lui-même. Voici ce qu’en dit saint Jean Chrysostome :
    « Cette eau ne guérissait pas les malades en vertu de sa nature (autrement, elle aurait toujours eu cette efficacité), mais seulement lorsque l'ange descendait : Un ange du Seigneur descendait à certain temps dans la piscine, et l'eau s'agitait. Il en est de même dans le baptême, l'eau n'agit point par elle-même, mais ce n'est qu'après avoir reçu la grâce de l'Esprit saint, qu'elle efface tous les péchés.»
    Les deux fois, cela s'est passé un jour de sabbat et les Juifs s’indignaient, s’attachant plus à la lettre de la loi qu’à l’esprit. 
    Voici ce qu’en dit encore le même saint :
    «Quant aux Juifs, leur question cache une intention perfide : «Ils lui demandèrent : Quel est cet homme qui vous a dit : Prenez votre lit et marchez ? Ils ne disent pas : Quel est celui qui vous a guéri ? Ils insistent sur ce qui pouvait être regardé comme une violation de la loi.»
    L'homme guéri, par contre, disait bien aux Juifs que Jésus l'avait guéri, et non qu'il lui avait commandé d'emporter son lit. D’un côté, on voit la perfidie des Juifs et de l’autre côté l’honnêteté de ces deux hommes miraculés, qui ne savaient pas d’abord qui les avait guéris.
    J’avais parlé récemment de ces dix lépreux, dont un seul retourna en arrière pour remercier Jésus. Lui seul avait réellement profité de sa guérison, car les autres continuaient dans leur ingratitude sur le chemin du péché. De même, nous voyons le paralytique qui se rend dans le temple pour adorer Dieu et le remercier de sa guérison.   
    «Cet homme une fois guéri ne va pas se mêler aux bruits tumultueux des affaires du monde, ni se livrer aux voluptés sensuelles ou à la vaine gloire, il va tout droit dans le temple, ce qui est une preuve de son grand esprit de religion.» (saint Jean Chrysostome)
    « Te voilà guéri, ne pèche plus désormais, de peur qu'il ne t'arrive plus grande infirmité !» La maladie du paralytique venait apparemment de ses péchés. A la femme adultère, le Christ parla de la même manière : «va, et ne pèche plus.» (Jn 8,11) Dans le cas de l’aveugle-né, ce ne furent pas ses péchés, mais «c'est pour qu'en lui se manifestent les œuvres de Dieu.» (Jn 9,2). Donc, nos maladies peuvent avoir des causes différentes : nos propres péchés, la faute de nos parents, la gloire de Dieu et peut-être d’autres origines encore. Ce qui compte pourtant, c'est ce que nous en faisons, car elles peuvent aussi bien nous faire nous perdre comme elles peuvent contribuer à notre salut. L'essentiel n'est pas que ces deux malades fussent guéris corporellement, mais qu’ils se fussent tournés ensuite vers Dieu. 
    Pourquoi le Christ a-t-il dit au paralytique : « Lève-toi, prends ton grabat et marche !» ? Il aurait pu dire simplement : Lève-toi, te voilà guéri. Le Seigneur savait pourtant ce que les Juifs allaient dire ensuite et il prit donc sur lui-même ce qui semblait une faute. L’obstination des Juifs – «au cou raide» – ne se dissipa aucunement et ils persécutèrent notre Sauveur jusqu’à la mort sur la croix. 
    Si on résume ce que je viens de dire, on peut le faire en deux mots : le Dieu de miséricorde et l’homme pécheur. 


archimandrite Cassien