lundi 30 décembre 2013

Dimanche des Ancêtres de Dieu 
– La parabole du souper

Luc 14,16-24
De l'Explication de l'évangile de saint Luc
par le bienheureux Théophylacte, archevêque d'Ochrid et de Bulgarie

16-20. Et Jésus lui répondit : Un homme donna un grand souper, et il invita beaucoup de gens. À l'heure du souper, il envoya son serviteur dire aux conviés : Venez, car tout est déjà prêt. Mais tous unanimement se mirent à s'excuser. Le premier lui dit : J'ai acheté un champ, et je suis obligé d'aller le voir; excuse-moi, je te prie. Un autre dit : J'ai acheté cinq paires de bœufs, et je vais les essayer; excuse-moi, je te prie. Un autre dit : Je viens de me marier, et c'est pourquoi je ne puis aller. Puisque l'homme qui était assis avec Lui à table dit : Heureux celui qui prendra son repas dans le royaume de Dieu ! le Seigneur prend un temps assez long à lui apprendre ce que signifie festoyer avec Dieu, en disant cette parabole. 
Par un homme, le Seigneur entend son Père, l'Ami de l'homme. Chaque fois que l'Écriture évoque le pouvoir punitif de Dieu, Il est appelé un panthère, un léopard ou un ours (Os 13,7-8). Mais chaque fois qu'elle fait allusion à l'Amour de Dieu pour l'homme, Il est présenté comme un homme, comme c'est le cas ici. Puisque la parabole traite de l'extrême Amour de Dieu pour l'homme et de l'Économie divine de l'Incarnation qu'Il opéra en nous, nous rendant participants de la Chair de son Fils, la parabole appelle Dieu un homme et son Économie divine un grand Souper. C'est un souper parce que le Seigneur vint dans les derniers jours, au soir de cette ère, pour ainsi dire. Et ce souper est grand parce que grand est, en effet, comme nous le confessons, le mystère de notre salut. (I Tim 3,16) À l'heure du souper, il envoya son serviteur. Qui est ce serviteur ? Le Fils de Dieu, qui assuma la forme d'un serviteur et devint homme, et Il fut envoyé en tant qu'homme, est-il dit. Notez qu'Il ne dit pas : «un serviteur», mais au lieu de cela, employant l'article défini, le serviteur (de lui) .
Le Christ est le seul et unique Serviteur qui fût, dans sa nature humaine, parfaitement obéissant et plût à Dieu. Car le Christ plaît au Père non seulement en tant que Fils et Dieu, mais aussi en tant qu'Homme. Il est l'Unique sans péché, qui réalisa tous les décrets et commandements du Père et accomplit toute justice, et en ce sens, Il est dit de servir Dieu le Père. Lui seul peut être appelé le vrai Serviteur de Dieu. Il fut envoyé à l'heure du souper, c'est-à-dire, au temps assigné et approprié. Car il n'y avait aucun autre moment opportun pour notre salut que le règne de César Auguste, lorsque l'iniquité atteignit son sommet et la purification devenait indispensable. Exactement comme les médecins laissent éclater un abcès suppurant et malin pour libérer tout son pus malodorant, et n'appliquent qu'alors le remède, de même il était nécessaire que le péché manifestât d'abord toutes ses formes, et que le Grand Médecin appliquât alors son remède. C'est juste pour cette raison que le Seigneur attendit que le diable remplît la pleine mesure d'iniquité, et c'est alors que le Fils de Dieu prit chair pour guérir toutes formes d'iniquité par tous les aspects de sa sainte Vie. Par conséquent, Il fut envoyé à cette heure, c'est-à-dire, à cette époque convenable et opportune, dont David dit : «Ceins ton épée à ton côté, vaillant guerrier, dans ta Splendeur et ta Beauté» . L'épée ici signifie le Verbe de Dieu (Heb 4,12), tandis que les mots à ton côté indiquent sa Nativité dans la chair qui fut en beauté, c'est-à-dire, au moment juste et approprié. Il fut envoyé pour parler à ceux qui furent appelés. Qui sont ceux qui furent appelé? Peut-être cela se réfère-t-il à tous les hommes. Car Dieu a appelé tous à la connaissance de Lui-même, au moyen de l'ordre et de l'harmonie de la création visible, et au moyen de la loi naturelle. Mais ceux qui furent appelés sont aussi, de façon plus spécifique, les enfants d'Israël, qui furent appelés par la Loi et les Prophètes. En premier lieu donc, le Seigneur fut envoyé aux brebis de la maison d'Israël. (Mt 15,24) Le Seigneur disait à tous les Juifs : Venez, car tout est déjà prêt, quand Il proclama la bonne nouvelle que le royaume des cieux est proche (Mt 4,17), et au milieu de vous (Lc 17,21).
Et tous unanimement se mirent à s'excuser, c'est-à-dire, comme sur un signe. Car tous les chefs des Juifs refusèrent d'avoir Jésus comme leur roi, et ainsi ils furent trouvés indignes du souper, l'un à cause de son amour de la richesse, l'autre à cause de son amour du plaisir. L'homme qui avait acheté un champ, et celui qui avait acheté cinq paires de bœufs signifient ceux qui aiment la richesse, tandis que l'homme qui avait épousé une femme signifie ceux qui aiment le plaisir. En outre, l'homme qui avait acheté un champ signifie l'homme qui ne peut pas accepter le mystère de la foi parce qu'il est gouverné par la sagesse de ce monde. Le champ représente le monde, et en général, la nature, et l'homme qui doit aller voir son champ est celui qui voit seulement la nature, et ne peut accepter ce qui est au-delà de la nature. Donc le pharisien, par exemple, «voit son champ», c'est-à-dire, il considère seulement les lois de la nature et ne peut pas accepter qu'une vierge donne naissance à Dieu, parce que c'est au-delà de la nature. Puisqu'ils examinent ce «champ», c'est-à-dire, la nature, aucun de ceux qui se targuent de sagesse extérieure n'ont reconnu Jésus, qui renouvela la nature. L'homme qui avait acheté cinq paires de bœufs, et les essaya, représente aussi un homme qui aime le monde matériel. Il a attelé les cinq sens de l'âme aux cinq sens du corps et a transformé l'âme en chair. Pour cette raison, il se soucie seulement de la terre et ne désire pas communier au Souper raisonnable, car comme dit la Sagesse : Comment deviendrait-il sage celui qui gouverne la charrue ? «Ec 38,25). Celui qui s'attarde à cause d'une épouse est un ami du plaisir, qui s'est dévoué à la chair, partenaire de l'âme. En s'accrochant à la chair, il ne peut plaire à Dieu. Vous pouvez entendre ces choses aussi bien littéralement. Nous nous éloignons également de Dieu à cause de champs, à cause de paires de bœufs, à cause de mariages, quand nous devenons si attachés à ceux-ci qu'ils consument notre vie entière et que nous nous laissons emporter jusqu'au point de verser notre sang pour eux. Alors il n'y a pas de pensée ou de paroles divines que nous puissions pratiquer, ou même simplement comprendre.
21-24. Le serviteur, de retour, rapporta ces choses à son maître. Alors le maître de la maison irrité dit à son serviteur : Va promptement dans les places et dans les rues de la ville, et amène ici les pauvres, les estropiés, les aveugles et les boiteux. Le serviteur dit : Maître, ce que tu as ordonné a été fait, et il y a encore de la place. Et le maître dit au serviteur : Va dans les chemins et le long des haies, et ceux que tu trouveras, contrains-les d'entrer, afin que ma maison soit remplie. Car, je vous le dis, aucun de ces hommes qui avaient été invités ne goûtera de mon souper. 

Les gouverneurs des Juifs furent rejetés, et pas un seul d'eux ne crut au Christ. Et ils se vantaient même de leur malice, disant : Y a-t-il quelqu'un des chefs ou des pharisiens qui ait cru en Lui ? (Jn 7,48) Donc ces docteurs de la  loi et ces scribes, comme dit le prophète, devinrent insensés et tombèrent en disgrâce. Mais les simples parmi les Juifs sont comparés aux boiteux, aux aveugles et aux estropiés. Ce sont les insensés selon le monde, les humbles, qui furent appelés. Car la multitude s'émerveilla des paroles de grâce qui sortaient de la Bouche de Jésus, et ils se réjouissaient de son enseignement. Mais après la venue à Lui de ceux parmi les fils d'Israël, c'est-à-dire, parmi les élus, que Dieu avait prédestinés pour sa Gloire, tels que Pierre et les fils de Zébédée et les dizaines de milliers de Juifs qui crurent, la Bonté de Dieu fut déversée aussi sur les Gentils. Car ceux qui sont dans les chemins et le long des haies signifient les Gentils. Les Israélites étaient à l'intérieur de la cité, en ce qu'ils avaient reçu la Loi et hérité d'une manière de vivre civique et morale. Mais les Gentils étaient étrangers aux Testaments, et la Loi du Christ leur était étranger. Ils n'étaient pas concitoyens des saints, et ne voyageaient pas sur le seul sentier véridique, mais suivaient plutôt beaucoup de chemins d'illégalité et de grossièreté, et se trouvaient dans les haies, c'est-à-dire, dans les péchés. Car le péché est une grande haie et une cloison qui nous séparent de Dieu. Par chemins, Il entend la façon de vivre grossière des Gentils, qui les mena à tant de fausses croyances. Par haies, Il entend leur vie de péchés. Le maître ne commanda pas à son serviteur d'appeler simplement tous ceux qui sont sur les chemins et dans les haies, mais de les contraindre d'entrer, bien que chaque homme soit libre de croire ou non. Mais Il se sert du mot contraindre pour nous enseigner que c'est un signe de la grande Puissance de Dieu que les Gentils, qui avaient été dans une telle ignorance, se mirent à croire. Si le pouvoir de la prédication et la puissance de la Parole de Vérité n'avaient pas été aussi grands, comment des gens qui étaient rendus fous par le culte des idoles et pratiquaient des choses épouvantables auraient-ils pu être soudain persuadés à connaître le vrai Dieu, et à mener à bien une vie spirituelle ? Il appela cela une «contrainte», pour montrer le caractère miraculeux de leur changement. On pourrait dire que les Grecs païens ne voulaient pas quitter leurs idoles et leurs riches festins, ils furent cependant contraints de les fuir par la Vérité de l'Évangile. Aussi, le pouvoir des miracles qu'Il opérait était une forte pression qui les entraîna à se convertir à la foi en Christ. Chaque jour, ce souper est préparé et nous sommes tous invités au royaume que Dieu a préparé pour l'homme avant même la fondation du monde. Mais nous ne sommes pas dignes de ce souper – certains d'entre nous à cause de vaines rêvasseries philosophiques, d'autres à cause de l'amour des choses matérielles, encore d'autres à cause des plaisirs de la chair. Mais Dieu, dans son Amour pour l'homme, dispense gratuitement ce royaume aux autres pécheurs, aux aveugles qui n'ont pas de vision spirituelle pour percevoir la Volonté de Dieu; ou s'ils peuvent la percevoir, à ceux qui sont boiteux et incapables de faire un pas pour faire la Volonté de Dieu. En somme, Il accorde le royaume des cieux à tous les pauvres qui sont tombés loin de la Gloire d'en haut, et même aux estropiés qui ne peuvent pas manifester en eux-mêmes une vie  irréprochable. Pour inviter au Souper ces pécheurs qui vagabondent dans les rues et les larges avenues du péché, le Père envoie son Fils, devenu un Serviteur selon la chair, et qui n'est pas venu pour appeler les justes, mais les pécheurs. Tous ceux-là, Il les régale généreusement, à la place de l'habile, du riche, et de ceux qui se livrent à la chair. Par les jugements connus de Lui seul, Il envoie des maladies et des dangers à beaucoup, les amenant, même malgré eux, à renoncer à cette vie. C'est ainsi qu'Il les mène à son Souper, les «contraignant» au moyen des dangers. Il y a beaucoup d'exemples de cela. Comprise d'une façon plus simple, cette parabole nous enseigne aussi à favoriser les pauvres et les boiteux plutôt que les riches, exactement comme Il nous a exhortés à faire un peu plus tôt. (Lc 14,13-14) C'est pour cette raison qu'Il dit cette parabole, pour confirmer que nous devons donner l'hospitalité aux pauvres. Et cela nous enseigne aussi le devoir d'être si empressés et généreux à accueillir nos frères que, même s'ils sont réticents, nous devions les contraindre à participer de nos bonnes choses. C'est aussi un bon conseil pour des maîtres : enseignez ce qui est nécessaire, même si les disciples sont peu disposés.

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