samedi 20 septembre 2014

Dimanche avant la Croix

HOMÉLIE POUR LE DIMANCHE AVANT LA CROIX

Le Seigneur dit : Nul n'est monté au ciel, hormis celui qui en est descendu, le Fils de l'homme qui est au ciel. Et comme Moïse éleva le serpent au désert, ainsi faut-il que soit élevé le Fils de l'homme, afin que tout homme qui croit en lui ne périsse pas, mais qu'il ait la vie éternelle. Dieu en effet a tant aimé le monde qu'il a donné son Fils unique, afin que tout homme qui croit en lui ne périsse pas, mais qu'il ait la vie éternelle. Car Dieu n'a pas envoyé son Fils dans le monde pour condamner le monde, mais pour que le monde soit sauvé par lui. (Jn 3,13-17)


Aujourd’hui, nous fêtons le dimanche avant la Croix et aussi la Nativité de la Toute-Sainte.
L’évangile nous parle de Moïse qui éleva un serpent dans le désert. Voici ce que dit l’Écriture : «Le Seigneur dit à Moïse : Fais-toi un serpent brûlant, et place-le sur une perche; quiconque aura été mordu, et le regardera, conservera la vie.» (Nom 21,8-9) Pourquoi un serpent qui est un animal maudit par Dieu au paradis après la chute ? «Le Seigneur Dieu dit au serpent : Puisque tu as fait cela, tu seras maudit entre tout le bétail et entre tous les animaux des champs, tu marcheras sur ton ventre, et tu mangeras de la poussière tous les jours de ta vie. Je mettrai inimitié entre toi et la femme, entre ta postérité et sa postérité : celle-ci t’écrasera la tête, et tu lui blesseras le talon.» (Gen 3,14-15) Ce serpent que Moïse montra au peuple préfigure précisément la Croix du Sauveur. Comme le serpent fut maudit, ainsi la croix était une malédiction. Voici ce que dit l’Apôtre : «Christ nous a rachetés de la malédiction de la loi, étant devenu malédiction pour nous, car il est écrit : Maudit est quiconque est pendu au bois.» (Gal 3,13)
Quand Moïse éleva ses mains, lors du combat contre Amalek, il préfigurait également la Croix, et tant que ses mains restaient élevées, le peuple élu était vainqueur. 

Donc si nous regardons avec foi vers la Croix du Sauveur, nous serons sauvés. C’est cela que veut dire, entre autres, l’évangile d’aujourd’hui.
Encore quelques mots concernant la Nativité de la Toute-Sainte. La Vierge fut conçue selon les lois de la nature et miraculeusement à la fois. Anne la stérile, l’a conçue dans son âge avancé miraculeusement, mais la conception s’est fait par l’union de Joachim et d’Anne. Puisque la tache du péché originel se transmet par l’accouplement, la Vierge a eu cette tache qui ne fut effacée qu’à l’Annonciation. Ce n’est que le Christ qui était exempt de cette tache, car c’est par l’Esprit saint que Marie la Vierge a conçu. Les protestants s’imaginent qu’elle a conçu d’autres enfants par la suite et les catholiques s’égarent dans l’autre extrême en dogmatisant l’Immaculé Conception, c’est-à-dire que la Vierge n’a jamais eu cette tache du péché. Cela n’est pas étonnant, car quand on commence par boutonner dimanche avec lundi, tout le boutonnage sera fait de travers.
Revenons à la Nativité de la Vierge. Elle est née comme tout homme, après neuf mois dans le sein de sa mère. Sur l’icône de la fête, nous voyons à la fois sainte Anne sur sa couche, Anne et Joachim qui s’unissent et leur prière à eux avant cette union, à la Porte Dorée, qui a infléchi le Seigneur de miséricorde et leur a donné cette enfant bénie.
Concluons. Qu’est-ce que ces deux fêtes ont en commun ? N’est-ce pas la Toute-Sainte, – qui naît aujourd’hui, – qui se tenait près de la Croix en regardant son Fils suspendu, et dont l’âme fut transpercée, selon la prophétie de Syméon ? (Lc 2,35)
Je pourrais ajouter encore une exhortation morale, mais à chacun de tirer ses leçons. 

archimandrite Cassien


« Que la terre prenne confiance ! Enfants de Sion, réjouissez-vous dans le Seigneur votre Dieu, car le désert a verdoyé : celle qui était stérile a porté son fruit. Joachim et Anne, comme des montagnes mystiques, ont fait couler le vin doux. Sois dans l’allégresse, Anne bienheureuse, d’avoir enfanté une femme. Car elle sera Mère de Dieu, Porte de la Lumière, Source de Vie, et elle réduit à néant l’accusation qui pesait sur la femme. »


Homélie de saint Jean Damascène

samedi 13 septembre 2014

HOMÉLIE POUR LE QUATORZIÈME DIMANCHE DE MATTHIEU


    Le Seigneur dit cette parabole : Le royaume des cieux est semblable à un roi qui fit un festin de noces pour son fils. Il envoya ses serviteurs convier les invités à la noce, mais ils ne voulurent pas venir. De nouveau il envoya d'autres serviteurs avec mission de dire aux invités : Voyez, j'ai préparé mon festin, on a tué mes bœufs et mes bêtes grasses, tout est prêt, venez aux noces. Mais ils ne tinrent pas compte de cette invitation et s'en allèrent, qui à son champ, qui à son commerce, et les autres s'emparèrent des serviteurs, les maltraitèrent et les tuèrent. Quand il apprit cela, le roi fut irrité et envoya ses troupes qui firent périr les meurtriers et incendièrent leur cité. Alors il dit à ses serviteurs : Le festin est prêt, mais les invités n'en étaient pas dignes; allez donc dans les carrefours et conviez aux noces tous ceux que vous pourrez trouver. Les serviteurs s'en allèrent par les chemins, ramassèrent tous ceux qu'ils trouvèrent, les mauvais comme les bons, et la salle de noces fut remplie de convives. Le roi entra pour voir les convives, et il aperçut un homme qui ne portait pas l'habit nuptial. Il lui dit : Mon ami, comment es-tu entré ici sans avoir un habit nuptial ? L'homme resta muet. Alors le roi dit aux serviteurs : Jetez-le, pieds et poings liés, dans les ténèbres extérieures, où il y aura des pleurs et des grincements de dents. Car il y a beaucoup d'appelés, mais peu nombreux sont les élus. (Mt 22,2-14)


L’évangile d’aujourd’hui nous parle de deux groupes d’invités. D’abord de ceux qui furent invités mais qui dédaignèrent l’invitation et ensuite ceux qui initialement n’étaient pas invités, mais le furent par la suite.
    On peut appliquer cela au peuple juif – le peuple élu –, qui a rejeté le Christ, l’Époux de l’Église, et pour le second groupe, aux Gentils qui furent invités par la suite. C’est le premier sens de l’évangile et c’est dans ce sens que le Seigneur parla aux Juifs autrefois. 
    L’Apôtre explique cela en ces termes, en parlant des Juifs et des Gentils : «si quelques-unes des branches ont été retranchées, et si toi, qui étais un olivier sauvage, tu as été enté à leur place, et rendu participant de la racine et de la graisse de l’olivier.» (Rm 11,17) Pourtant dans la nature, ce n’est pas ainsi que cela se passe. Ce n’est pas une branche sauvage qu’on greffe sur un tronc cultivé, mais l’inverse. Dans la vie spirituelle, c’est bien le contraire qui peut arriver, comme l’explique l’évangile, que nous avons entendu il y a deux semaines : «C'est impossible pour les hommes, mais tout est possible pour Dieu.» (Mt 19,26)
    Dans un autre sens, l’évangile d’aujourd’hui peut s’appliquer à ceux qui rejettent Dieu, qui ne «tinrent pas compte de cette invitation, et s'en allèrent, qui à son champ, qui à son commerce,» c’est-à-dire qui mènent une vie mondaine sans référence à Dieu, et ceux, de l’autre côté, qui croient et pratiquent l’évangile, ceux qui ont revêtu l’habit nuptial dans le baptême. 
    Mais qui est alors cet homme qui est bien venu aux noces, mais qui n’avait pas l’habit nuptial ? C’est celui qui fut bien baptisé, mais qui ne s’est pas dévêtu de l’ancien homme, l’homme du péché, et qui n’a pas revêtu l’homme nouveau, «créé selon Dieu dans une justice et une sainteté», comme dit l’Apôtre (Ép 4,24).
    Ne serait-ce pas par hasard, moi, c’est-à-dire chacun de nous, cet homme ? Nous qui sommes bien baptisés mais qui avons encore un pied dans la fange du péché, de nos vilaines passions ? L’ancien du désert, à qui le démon demanda qui sont les boucs et qui sont les brebis, répondit : «Le bouc, c’est moi et les brebis, Dieu les connaît.» 
    C’est bien cela la leçon essentielle de l’évangile, le devoir de nous reconnaître pécheurs, de nous frapper sans cesse la poitrine et d’être conscients que nous n’avons pas encore bien appliqué ce que nous avions promis au baptême en répondant affirmativement aux questions : «Renonces-tu à Satan ?» et «Adhères-tu au Christ ?»
    Qui sont ces serviteurs dont parle l’évangile ? Ce sont les anges. «Celui qui fait de ses anges ses serviteurs.» (Héb 1,7)
    «Les serviteurs s'en allèrent par les chemins, ramassèrent tous ceux qu'ils trouvèrent, les mauvais comme les bons.» Ceux qui entrent dans l’Église ne sont pas forcément bons en entrant. Il y en a qui ont un passé chargé des péchés. Par la suite pourtant, ils revêtent l’habit nuptial, se transforment complètement. Ce n’est pas le début qui compte, mais la fin, l’état dans lequel nous sortons de cette vie, – c’est la fin qui couronne. 
    Au dernier Jugement, j’espère que nous ne serons pas obligés, comme cet homme, de «rester muet,» parce que nous n’aurons rien à présenter pour notre défense. Dieu nous a appelés, mais serons-nous aussi élus ? C’est cela la question essentielle de notre vie.
    Certes, il y a encore plein de leçons à tirer de cet évangile, mais ce sera pour la prochaine fois, dans une année, si Dieu nous prête encore vie.


Archimandrite Cassien

mardi 2 septembre 2014

HOMÉLIE SUR LE JEUNE HOMME RICHE

De ce jeune homme riche, dont parle l’évangile d’aujourd’hui, nous ne savons pas le nom, mais nous le connaissons tous, puisque nous avons déjà entendu maintes fois cet évangile. Cette histoire nous concerne-t-elle, puisque personne parmi nous n'a de grands biens ? 
    Ce ne sont pas de grands biens matériels qui nous hantent mais nos passions coupables. Pour l’un c’est l’orgueil, pour l’autre l’attachement à la nourriture, tandis qu'un troisième rêve de beautés vaines. D’ailleurs le fait d’avoir de grands biens n’est pas mauvais en soi, mais cet attachement passionnel, dont la tristesse est témoin chez le jeune homme. Il «s’en alla tout triste; car il avait de grands biens.» (Mt 19,22) On appelle cela des biens. Ils sont des biens en eux-mêmes, mais ils deviennent mauvais dès que notre cœur s’y attache passionnément. Être content d’une vertu ou d’un talent que Dieu nous a donnés, c’est louable, mais le considérer comme venant de nous, c’est de l’orgueil. Manger avec appétit n’est pas répréhensible, mais la gourmandise l’est. Regarder une femme n’est pas un péché, mais qui la regarde «pour la convoiter a déjà commis un adultère avec elle dans son cœur.» (Mt 5,28)
    Toutes ces «richesses» coupables sont comme des lacets qui nous retiennent sur notre chemin et nous rendent tristes chaque fois que nous tombons dans le péché. Certes, Dieu ne nous condamnera pas à l'enfer pour cela, pourvu que ce ne soient que de «petits» péchés, car Il est miséricordieux et Il connaît la fragilité humaine. Pourtant une chose est d’être sauvé par miséricorde et une autre d’être aimé par Dieu. «Qui aime les justes et fait miséricorde aux pécheurs,» disons-nous chaque jour dans la prière «Toi qui en tous temps…»
    Qui était finalement le plus heureux ? Ce jeune homme riche avec ses grands biens ou les apôtres qui avaient tout quitté ? De toute façon, un jour il devra quitter ses richesses et peut-être cette nuit même, comme dit un autre évangile : «Mais Dieu lui dit : Insensé ! cette nuit même ton âme te sera redemandée; et ce que tu as préparé, pour qui cela sera-t-il ?» (Lc 12,20) Et Luc continue : «Il en est ainsi de celui qui amasse des trésors pour lui-même, et qui n’est pas riche pour Dieu.» C’est ce repliement, cet égocentrisme qui est mauvais, qui rend notre âme malade, c’est-à-dire viciée.
    Il ne s’agit pas nécessairement de quitter physiquement, comme pour ce jeune homme, mais avec le cœur. C’est du cœur que viennent les mauvaises pensées, c'est là que sont nichés les vices. C’est plus radical de quitter matériellement ces biens, comme font les moines et les moniales, mais chacun doit le faire selon les circonstances dans laquelle il vit. Que sert-il aux moines d’avoir quitté le monde s’ils n’arrivent pas à se détacher de ce monde avec le cœur ? Bienheureux, par contre, celui qui, étant dans le monde, se purifie spirituellement, comme tant de saints l’ont fait, qui étaient mariés, rois ou autres. 
    L’année prochaine, quand nous entendrons de nouveau cet évangile, si Dieu nous prête encore vie, nous ferons le bilan pour voir si nous avons piétiné encore sur place ou si nous avons vraiment fait des progrès.


archimandrite Cassien