dimanche 28 juillet 2013

DÎMES ET PRÉMICES


Vu mon devoir de prêcher la bonne parole, et vu la disette actuelle de cette bonne parole, je me force, une fois de plus, à écrire quelques mots, comptant sur votre indulgence. On prêche certes encore la bonne parole, mais à la façon des faux prophètes qui ne parlent que de paix et de sécurité.
Dans l’évangile, il est par deux fois question de l’impôt (tribut). Une fois, les hérodiens demandèrent au Christ, pour l’éprouver, s’il fallait payer le tribut à Cesar ou non. Connaissant leur fourberie, le Seigneur leur répliqua : «Rendez donc à César ce qui est à César, et à Dieu ce qui est à Dieu.» (Mt 22,21)
Puisque le chrétien a un pied sur terre et l’autre au ciel, – sa vraie patrie, – il doit s’occuper aussi de ce qui est terrestre : suivre l’école, gagner son pain à la sueur de son front, payer l’impôt et le reste. Il est dans ce monde même s’il n’est pas de ce monde.
  Lorsque vous entendez le Sauveur déclarer qu’il faut rendre à César ce qui est à César, comprenez qu’il n’a voulu parler que de ce qui ne peut nuire en rien à la religion, car, s’il en était autrement, ce ne serait plus le tribut de César, mais le tribut du démon. Pour leur ôter ensuite tout prétexte de dire : Vous nous soumettez donc tout entier à la puissance des hommes, il ajoute : «Et à Dieu ce qui est à Dieu.» Saint Jean Chrysostome. (hom. 70)
Une autre fois, on demanda au Christ de payer l’impôt. Pour ne pas scandaliser, le Maître fit payer l’impôt bien que cet impôt ne soit dû que par les étrangers. (cf. Mt 17,24-27).
L’apôtre Paul parle dans le même sens : «Il est donc nécessaire d’être soumis, non seulement par crainte de la punition, mais encore par motif de conscience. C’est aussi pour cela que vous payez les impôts. Car les magistrats sont des ministres de Dieu entièrement appliqués à cette fonction. Rendez à tous ce qui leur est dû : l’impôt à qui vous devez l’impôt, le tribut à qui vous devez le tribut, la crainte à qui vous devez la crainte, l’honneur à qui vous devez l’honneur.» (Rom 13,5-7)
Dans l’Ancien Testament, les Juifs devaient déjà payer l’impôt chaque fois qu’ils étaient dominés par une puissance étrangère. (voir Ez 4,20 et 7,24). Quand le peuple juif était libre et vivait sous la Théocratie, il offrait la dîme et les prémices. (la dîme c’est le dixième du revenue et les prémices les premiers fruits de la récolte). Déjà Abraham offrait à Melchisédek la dîme : «Et Abram lui donna la dîme de tout.» (Gen 14,18)
Abel et Caïn offraient les prémices de leur travail au Seigneur (Gen 4,4). Pourtant l’offrande de Caïn, qui n’était pas pur, fut rejetée par Dieu. 
Nos prémices spirituels, par exemple, la prière du matin. Si elle n’est pas sans tache et sans tare, mais faite seulement marginalement, à la hâte, pour ainsi dire par contrainte, parce qu’il faut le faire, sera rejetée également. Et si nous ne donnons ce qui reste au Seigneur, – s’il en reste,– je crains que cela ne sera pas agréable au Seigneur non plus, comme le sacrifice de Caïn. Voilà la leçon à tirer de tout ce que je viens de dire. 
Une autre fois je parlerai peut-être de la piété, qui est soeur de la crainte de Dieu, qui est, elle, fille de la foi.

Archimandrite Cassien

samedi 6 juillet 2013

REFLEXIONS


A bâtons rompus, je livre quelques réflexions qui me viennent à l’esprit, réflexions qui ne sont pas fortuites mais peut-être les seules qui comptent dans cette vie, ou au moins les plus importantes. 

«Quand vous entrez dans une hôtellerie, vous occupez-vous de l'embellir, je vous le demande ? Nullement; vous mangez, vous buvez, puis vous reprenez votre voyage. Ici-bas, c'est l'hôtellerie. Nous y sommes entrés, le temps de la vie s'achève; tâchons d'en sortir avec une légitime espérance, ne laissons rien derrière nous, ce serait une perte pour l'avenir.» (saint Jean Chrysostome, seconde homélie sur Eutrope)

Pour toi, qui te hâtes vers la patrie céleste,… (Règle de saint Benoît, chapitre 73). Dans cette image nous voyons le voyageur qui presse ses pas afin d’arriver dans la ville avant que les portes ne se ferment à la tombée de la nuit. Aujourd’hui cette image est dépassée car les villes n’ont plus de portes qui se ferment le soir; seuls nos monastères ferment encore au coucher du soleil. Dans notre vie c’est bien pire encore car nous ne savons quand notre pèlerinage s’achève et la mort nous surprendra. Nous ne sommes donc pas seulement passagers dans cette vie terrestre, mais il faudra aussi se hâter.
Il y a aussi l’image du voyageur qui a chargé son sac à dos plein de victuailles, et au fur et mesure qu’il avance, le sac se vide. Ainsi tous nos rêves s’évanouissent avec l’âge, comme un brouillard, quand nous arriverons au terme de notre vie. Les forces s'épuisent et les maladies s’installent, tel ce voyageur qui arrive épuisé à la fin de son parcours. Et qu’est-ce que nous amènerons finalement avec nous dans l’autre vie ? Maisons, argent, diplômes ? Rien ! Il faudra même quitter nos proches. L’évangile dit : «Insensé, ces choses que tu as préparées, pour qui seront-elles ? Cette nuit même, on va te redemander ton âme.» (Lc 12,20)
Qu’est-ce que nous pouvons finalement amener dans l’autre vie ? Ne sont-ce pas les fruits de nos bonnes oeuvres (prières, aumône, jeûne etc.); dans d’autres termes une âme ornée des vertus ?
Tel le voyageur qui voit défiler le paysage, ainsi nos problèmes d’aujourd’hui dans peu auront perdu de leur importance et auront fait place à d’autres. Ainsi sera toute notre vie ici-bas. Pourtant à travers ces problèmes il faudra avancer spirituellement et ce sont eux précisément qui devraient nous aider au lieu d’être cause d’obstacles. À nous de voir qu’ils soient tombe ou trésor, perte ou gain. Ils nous aiguillonnent afin de nous faire avancer et à empêcher de nous installer dans cette vie.
Est-ce qu’on construit une maison sans faire d’abord un plan, envisager les dépenses, les possibilités etc. ? Dans notre vie il faudra faire de même et tout faire concorder vers le but final. Est-ce qu’on construit un mur qui ne s’accorde pas avec l’ensemble de la construction ? Mêmement il faut que tout dans notre vie concoure, s’harmonise avec l’ensemble, le but final. 
Dans l’iconographie, souvent les bâtisses sont alogiques si on regarde d’un point de vue purement matériel, mais si on regarde de l’autre côté, du côté divin, tout a un sens et s’harmonise. Dans notre vie, c’est la même chose : ce qui semble n’avoir pas de sens, être négatif, vu du côté de de la foi trouve son plein sens.
Je termine ces réflexions, «car l'important n'est pas que je vous dise beaucoup de choses, mais que vous reteniez ce que je vous dis.» (Saint Jean Chrysostome, homélie sur la Génèse 13)
Archimandrite Cassien