dimanche 27 avril 2014

2e Dimanche de Pâques (Antipâques)

2e Dimanche de Pâques (Antipâques)
Dimanche de Thomas
Jean 20,19-31
De l'Explication de l'évangile de saint Jean
par le bienheureux Théophylacte, archevêque d'Ochrid et de Bulgarie

19-23. Le soir de ce jour, qui était le premier de la semaine, les portes du lieu où se trouvaient les disciples étant fermées, à cause de la crainte qu'ils avaient des Juifs, Jésus vint, Se présenta au milieu d'eux, et leur dit : La paix soit avec vous ! Et quand Il eut dit cela, Il leur montra ses Mains et son Côté. Les disciples furent dans la joie en voyant le Seigneur. Jésus leur dit de nouveau : La paix soit avec vous ! Comme le Père M'a envoyé, Moi aussi Je vous envoie. Après ces paroles, Il souffla sur eux, et leur dit : Recevez le saint Esprit. Ceux à qui vous pardonnerez les péchés, ils leur seront pardonnés ; et ceux à qui vous les retiendrez, ils leur seront retenus.

Lorsque Marie Madeleine apporta ses nouvelles aux disciples, il est fort possible qu’ils aient réagi de l’une de ces deux façons : soit ils ne l’ont pas crue du tout, soit, s’ils l’ont crue, ils étaient déconfits, parce qu’ils n’étaient pas jugés dignes de voir le Christ. En attendant, la crainte des Juifs augmentait le désir des disciples de voir le Seul qui pouvait soulager leur anxiété. Ainsi donc, le Seigneur leur apparut le soir même, lorsqu’ils étaient tous ensemble rassemblés. Il est écrit qu’Il apparut, les portes étant fermées, ce qui veut dire qu’Il entra par les portes fermées. C’était pour montrer qu’Il était ressuscité de la même manière alors que l’entrée du tombeau était fermée par une pierre. On penserait qu’ils auraient pu Le prendre pour un fantôme, mais le témoignage de Marie Madeleine avait grandement fortifié leur foi. Aussi, Il Se manifesta de façon à calmer leurs pensées agitées : La paix soit avec vous ! – dit-Il doucement, signifiant : «N’ayez pas peur». C’était pour leur rappeler ce qu’Il leur avait dit avant la crucifixion : Je vous donne ma Paix. (Jn 14,27) Alors les disciples étaient joyeux quand ils virent le Seigneur. Cela aussi, Il l’avait prédit avant sa Mort : Je vous reverrai et votre cœur se réjouira. (Jn 16,22) Il était bon qu’Il leur dise de nouveau : Paix, parce que les disciples étaient maintenant engagés dans un combat désespéré avec les Juifs. Comme Il avait dit : Réjouissez-vous ! aux femmes (Mt 28,9), parce que la tristesse était leur lot, Il accorde de même la paix aux disciples, qui étaient maintenant, et le seront toujours, en guerre avec les Juifs.

Il convient qu’Il accorde de la joie aux femmes, condamnées qu’elles sont à porter des enfants dans la douleur et la souffrance ; et de la paix aux hommes, en raison de la guerre qui va les engloutir pour leur prédication de l’évangile. En même temps, Il révèle que la croix a inauguré la paix : «La croix a apporté la paix… maintenant Je vous envoie pour la proclamer.» Pour fortifier et encourager les disciples, Il déclare : «Comme mon Père M’a envoyé, Je vous envoie aussi. C’est mon Travail que vous avez entrepris de faire, faites-le donc avec courage ; Je serai avec vous.» Voyez l’autorité de son Ordre : «C’est Moi qui vous envoie (̓Εγὼ πέμπω ὑμᾶς).» Il ne condescend plus aux limitations de leur entendement, en disant, comme Il l’a souvent fait avant la Résurrection : «Je demanderai à mon Père, et Il vous enverra.» Maintenant, Il souffle sur eux et leur donne le saint Esprit — mais non le Don entier, qu’Il impartira à la Pentecôte. Recevez le saint Esprit veut dire : «Que ce Don partiel de Grâce vous rende prêts à recevoir plus tard la Plénitude du saint Esprit.» Les mots : Ceux à qui vous pardonnerez les péchés, ils leur seront pardonnés indiquent le Don particulier qu’Il accorde maintenant aux disciples, le pouvoir de pardonner les péchés. Plus tard, à la Pentecôte, le saint Esprit Lui-même descendra en toute sa Puissance, prodiguant aux apôtres tout don et pouvoir spirituels pour accomplir des œuvres merveilleuses, comme ressusciter les morts.

Il vaut la peine de considérer pourquoi Jean note seulement que le Christ a apparu à ses disciples à Jérusalem, alors que Matthieu et Marc disent qu’Il leur promit de leur apparaître en Galilée (v. Mt 26,32, Mc 14,28). Quelques-uns l’ont expliqué de cette façon : «Le Christ n’a jamais dit qu’Il apparaîtrait aux disciples seulement en Galilée et pas à Jérusalem. À Jérusalem, Il apparut aux douze, alors qu’en Galilée Il apparut à tous ses disciples, en accord avec sa Promesse. Le fait qu’Il Se montra plusieurs fois aux douze indique qu’Il les honorait davantage que les autres.» Cela nous montre encore une fois qu’il n’y a pas de désaccords irréconciliables entre les récits des évangélistes. Il y eut beaucoup d’apparitions du Seigneur après sa Résurrection, et chaque évangéliste choisit certaines d’entre elles à consigner. Lorsque deux évangélistes décrivent le même événement, le second raconte en général ce que le premier a omis. Et maintenant, ô lecteur, réfléchis sur le rang divin de la prêtrise. Le pouvoir de pardonner les péchés est un pouvoir divin ; partant, nous devons montrer du respect aux prêtres comme à Dieu. Même s’ils sont indignes, ils sont cependant ministres des Dons divins, et la Grâce leur donne de la force (ἐνεργεῖ διʹαὐτῶν), exactement comme elle en a donné à l’âne de Balaam, le rendant capable de parler (v. Nb 22,28-30). La fragilité humaine n’empêche pas la Grâce d’œuvrer. Par conséquent, puisque la Grâce est accordée par l’intermédiaire des prêtres, honorons-les.

24-29. Thomas, appelé Didyme, l’un des douze, n’était pas avec eux lorsque Jésus vint. Les autres disciples lui dirent donc : Nous avons vu le Seigneur. Mais il leur dit : Si je ne vois dans ses Mains la marque des clous, et si je ne mets mon doigt dans la marque des clous, et si je ne mets ma main dans son Côté, je ne croirai point. Huit jours après, les disciples de Jésus étaient de nouveau dans la maison, et Thomas se trouvait avec eux. Jésus vint, les portes étant fermées, Se présenta au milieu d’eux, et dit : La paix soit avec vous ! Puis Il dit à Thomas : Avance ici ton doigt, et regarde mes Mains ; avance aussi ta main, et mets-la dans mon Côté ; et ne sois pas incrédule, mais crois. Thomas Lui répondit : Mon Seigneur et mon Dieu ! Jésus lui dit : Parce que tu M’as vu, tu as cru. Heureux ceux qui n’ont pas vu, et qui ont cru ! 

Thomas… n’était pas avec les disciples, peut-être parce qu’il n’était pas encore retourné de là où il se cachait après que les disciples s’étaient dispersés. Ailleurs, nous avons appris que le nom hébreu «Céphas» veut dire «Rocher» (Πέτρος, v. Jn 1. 42) ; ici, on nous dit que «Thomas» signifie «Jumeau» (Δίδυμος). L’évangéliste note ici le sens du nom pour indiquer que Thomas était enclin à être de deux avis — porté au doute, par nature. Il doutait des nouvelles que les autres lui avaient apportées, non parce qu’il les croyait menteurs, mais parce qu’il considérait impossible qu’un homme ressuscite des morts. Et son doute le rendait extrêmement curieux. La crédulité est un signe d’étourderie ; mais une résistance obstinée à la Vérité est une indication sûre d’un esprit borné. Thomas ne voulait même pas croire à ses yeux, mais exigeait une preuve par le toucher, le moins subtil des sens : si je n’… enfonce ma main dans son Côté. Comment Thomas savait-il qu’il y avait des plaies dans les Mains et le Côté du Christ ? Parce que les autres disciples le lui avaient dit. Et pourquoi le Seigneur attend huit jours avant de lui apparaître ? Pour laisser le temps à chacun de ses condisciples de lui dire ce qu’ils avaient vu. Entendre la même histoire de chacun individuellement le rendait plus apte à croire et augmentait son désir de voir le Seigneur. Pour montrer qu’Il était invisiblement présent huit jours plus tôt lorsque Thomas exprima son incrédulité, le Seigneur n’attend pas que Thomas prenne la parole. Au lieu de cela, Il lui propose tout de suite exactement ce que Thomas désirait, citant ses propres paroles.

D’abord, Il réprimande Thomas, en disant : Avance ici ta main, puis, Il l’admoneste : et ne sois pas incrédule, mais crois. Il est clair d’après cela que la cause du doute de Thomas était le manque de foi, et non pas qu’il était très soucieux de vérifier les faits (comme le disent certains : désireux de les voir sous un meilleur éclairage). Mais dès que Thomas eut touché le Côté du Seigneur, il se révéla un superbe théologien, proclamant les deux Natures et l’unique Hypostase du seul Christ. Thomas se réfère à la Nature humaine du Christ en L’appelant Seigneur ; car le terme «Seigneur» (Κύριος) ne s’applique pas seulement à Dieu, mais aussi à des hommes. (Pensant que Jésus était le jardinier, Marie Madeleine Lui avait dit : «Seigneur (Κύριε), si c'est toi qui L'as emporté… (v. Jn 20,15). Mais quand Thomas s’écrie : …et mon Dieu, il confesse l’Essence divine du Christ, et affirme que les noms Seigneur et Dieu se réfèrent à une seule et même Personne. En déclarant : Heureux ceux qui n’ont pas vu, et qui ont cru !, le Seigneur nous enseigne que la foi signifie l’acceptation des choses non vues. Il Se réfère en premier lieu aux disciples qui avaient cru sans toucher son Côté ou la marque des clous, et en second lieu à ceux qui croiront plus tard (sans aucune confirmation physique). Il ne prive pas Thomas de sa part de béatitude, mais encourage tous ceux qui n’ont pas vu. Il y avait un adage : «Heureux sont les yeux qui ont vu le Seigneur». Le Christ, cependant, loue ceux qui vont croire sans voir, les déclarant vraiment heureux.

Une question se pose : comment un corps incorruptible peut-il montrer les marques de clous et être touché de mains humaines ? La réponse est que telles choses sont possibles en tant que faits de l’économie divine : elles sont les manifestations de la Condescendance de Dieu et son Amour de l’homme. En entrant dans la chambre, les portes étant fermées, le Christ fait comprendre tout à fait clairement qu’après la résurrection, son Corps n’est plus le même : il est maintenant léger et subtil, libre de toute grossièreté matérielle. Mais pour confirmer que c’est vraiment leur Seigneur et Maître qui leur a apparu, Il permet que son Corps ressuscité, portant les plaies de la crucifixion, soit touché. Pour la même raison, quand Il marchait sur l’eau avant la Passion (v. Mc 6,48), son Corps était inchangé par rapport à celui qui marchait sur la terre ferme, et cela rassurait les disciples. Mais bien qu’Il permette que l’on touche son Corps ressuscité, il est maintenant impassible et incorruptible. Quand le Christ mange maintenant avec ses disciples, ce n’est plus pour satisfaire un besoin physique de son Corps (car il n’y en avait plus): La nourriture qui entre dans la bouche va dans le ventre, puis est jeté dans les lieux secrets (v. Mt 15,17). Mais cela n’en était pas ainsi pour le Christ après la résurrection. La nourriture qu’Il mangeait pendant ce temps était consumée par un pouvoir divin invisible. Sa seule raison de manger était de confirmer la réalité de sa Résurrection, et Il permit à son Corps incorruptible de porter la marque des clous et d’être touché, pour la même raison. Vois-tu, ô lecteur, comment, pour sauver une âme sceptique, le Seigneur n’épargnait pas sa propre Dignité, mais condescendit à dénuder son Côté ? Nous non plus, nous ne devons pas mépriser le moindre de nos frères.

30-31. Jésus a fait encore, en présence de ses disciples, beaucoup d'autres miracles, qui ne sont pas écrits dans ce livre. Mais ces choses ont été écrites afin que vous croyiez que Jésus est le Christ, le Fils de Dieu, et qu'en croyant vous ayez la vie en son Nom.

À quels autres miracles l’évangéliste se réfère-t-il ? À ceux que Jésus a fait après sa Résurrection, et non ceux d’avant sa Crucifixion, comme on le supposerait. L’évangéliste parle de miracles que Jésus fit en présence de ses disciples seulement. Les miracles avant la Passion furent opérés devant la multitude, et révélèrent Jésus à tous comme Fils de Dieu. Les miracles après la résurrection furent opérés quand Il était seul avec ses disciples pendant les quarante jours : leur but était de les convaincre qu’Il était toujours le Fils de l’homme, avec un corps humain, bien que maintenant incorruptible, plus ressemblant à Dieu et n’étant plus sujet aux lois de la chair. Des nombreux miracles après la résurrection, ceux-ci seuls sont écrits. Ils ne sont pas décrits de façon ostentatoire, pour vanter la Gloire du Seul-Engendré, mais simplement, comme dit l’évangéliste — afin que vous croyiez. Donc quel est ici le bénéfice et à qui profite-t-il ? Certainement pas au Christ, car que gagne-t-Il par notre foi ? C’est nous qui gagnons. L’évangéliste lui-même nous dit qu’il écrit afin qu'en croyant vous ayez la vie par le Nom de Jésus. Quand nous croyons que Jésus est ressuscité des morts et vit, nous gagnons pour nous-mêmes la vie éternelle. Il est ressuscité et est vivant, pour notre bien. Mais quiconque imagine que le Christ est mort, et ne S’est pas levé du tombeau n’a pas la vie en lui. En effet, en pensant ainsi, il confirme et assure sa propre mort éternelle et sa corruption.


dimanche 13 avril 2014

Dimanche de Pâques

Dimanche de Pâques
Au commencement était le Verbe
Jean 1,1-17
De l'Explication de l'évangile de saint Jean
par le bienheureux Théophylacte, archevêque d'Ochrid et de Bulgarie

1. Au commencement était le Verbe.

Je redirai ici ce que j'ai déjà dit dans la Préface, c'est-à-dire que les autres évangélistes rapportent longuement la Naissance du Seigneur dans la chair, son Enfance, sa Croissance jusqu'à l'âge adulte, tandis que Jean omet tout cela, parce que cela a été traité suffisamment par ses condisciples. Au lieu de cela, il prend pour sujet la Divinité, qui est devenue homme pour nous. Mais si vous considérez attentivement, les autres évangélistes ne négligeaient pas non plus de parler de la Divinité du Fils Seul-Engendré. Eux aussi l'ont déclarée, mais pas longuement. Jean n'était pas non plus si déterminé à exalter davantage le Verbe qu'il négligeât l'économie de l'Incarnation ; car c'est un seul et même Esprit qui animait et inspirait les évangélistes. Jean parle donc du Fils, car le Père était déjà connu de l'Ancien Testament. Cependant, Jean ne se tait pas pour autant au sujet du Père ; au contraire, il mentionne le Père pendant qu'il parle du Fils. Il montre que le Seul-Engendré est éternel, quand il dit : Au commencement était le Verbe, ce qui veut dire : «Depuis le commencement». Puisqu'Il est depuis le commencement, il n'y  pas de temps où Il n'était pas. «Comment savez-vous», pourrait-on demander, «que Au commencement veut dire la même chose que «Depuis le commencement» ? Nous le savons à la fois par le sens commun des mots et en particulier, parce que ce même évangéliste le dit dans une de ses épîtres : Ce qui était dès le commencement, ce que nous avons entendu. (I Jn 1,1) Voyez-vous comment l'apôtre bien-aimé lui-même interprète ces mots ? «Oui», pourrait-on répondre, «mais je comprends que Au commencement veut dire ce que cela voulait dire pour Moïse, quand il a dit : Au commencement, Dieu créa les cieux et la terre (Gn 1,1). Au commencement, là, ne veut pas dire que les choses que Dieu créa sont éternelles ; pourquoi donc Au commencement, ici, voudrait dire que le Seul-Engendré est éternel ?» C'est ainsi que parle l'hérétique. Mais à une telle chicane, nous disons ceci : «Ô sophiste rusé, pourquoi ne dis-tu rien des mots qui suivent ? Mais nous les mentionnerons, même si tu ne le fais pas. À cet endroit, Moïse dit : Au commencement, Dieu créa les cieux et la terre. Mais ici, Jean dit : Au commencement était le Verbe. Quelle ressemblance y a-t-il entre les mots créa et était ? S'il était écrit ici : «Au commencement, Dieu créa le Fils», je ne dirais rien. Mais ce qui est écrit, c'est : Au commencement était. Cela me fait comprendre que le Verbe est éternel et n’est pas d'un moment ultérieur dans le temps, comme tu le dis dans ton babillage. Pourquoi l'évangéliste dit-il : Au commencement était le Verbe, et non «Au commencement était le Fils» ? Écoute : il le fait en raison de la faiblesse de ses auditeurs, afin que nous, en entendant parler d'un «Fils» dès les tout premiers mots, n'imaginions pas un enfantement passionné et charnel. Il L'appelle Verbe, pour que vous appreniez, ô lecteurs, que de la même manière qu'une parole naît de l'intellect sans passion, le Verbe fut engendré du Père sans passion. Il L'appela Verbe également parce que Christ le Verbe nous proclama les choses du Père, exactement comme chaque mot et chaque discours proclame les pensées de l'intellect. Il est appelé Verbe aussi pour montrer que le Verbe est coéternel au Père. Tout comme il est impossible de dire que l'intellect ait jamais existé sans paroles, il est également impossible que Dieu le Père ait jamais été sans le Fils. L'évangéliste dit le Verbe, utilisant l'article défini, parce qu'il y a beaucoup d'autres paroles de Dieu, comme par exemple les prophéties et les commandements. Il est dit de ses anges qu'ils sont puissants en force, qui exécutent ses Ordres (Ps 102,18), c'est-à-dire ses Commandements. Mais le Verbe Lui-même est Essence divine et Personne.  

1. Et le Verbe était avec Dieu, et le Verbe était Dieu.

Ici, il montre plus clairement que le Fils est coéternel avec le Père. Afin que vous n'imaginiez pas que le Père ait jamais été sans le Fils, l'évangéliste déclare que le Verbe était avec Dieu (pros ton Theon), c'est-à-dire ensemble avec Dieu dans le Sein du Père. Vous devez comprendre que pros ici veut dire «avec», comme ailleurs dans l'Écriture : Et ses sœurs ne sont-elles pas ici parmi nous (pros hemas) ? (Mc 6,3). Cela veut dire : «vivant avec nous et parmi nous». Il n'est pas possible que Dieu soit jamais sans parole et raison, sans sagesse ou sans puissance. Par conséquent, comme le Fils est le Verbe (Logos), la Sagesse et la Puissance de Dieu, nous croyons qu'Il a toujours été avec Dieu, c'est-à-dire avec le Père. Mais comment est-ce possible d'être le Fils et ne pas venir après le Père ? Apprenez-le d'après un exemple dans le monde matériel. La clarté du soleil vient bien du soleil, n'est-ce pas ? Assurément. Vient-elle alors après le soleil, de sorte que le soleil peut être compris comme avoir été sans clarté autrefois ? C'est impossible. Comment le soleil peut-il ne pas avoir de clarté ? Combien plus est-ce vrai de Dieu le Père et de Dieu le Fils. Puisque le Fils est le reflet de la Gloire du Père, comme le dit l'apôtre Paul (Héb 1,3), nous devons croire que le Fils a toujours resplendi ensemble avec le Père, et n'est pas venu après Lui. Considérez comment Sabellius le Lybien est réfuté par ces mots. Il enseigna que le Père, le Fils et le saint Esprit étaient une Personne, et que cette unique Personne apparut tantôt comme le Père, tantôt comme le Fils et tantôt comme le saint Esprit. Sabellius bafouillait ces choses, étant lui-même le fils du père des mensonges, et rempli d'esprit malin. Il est réfuté ouvertement par ces mots : et le Verbe était avec Dieu. L'évangéliste dit très clairement ici que le Verbe est une chose, et Dieu le Père en est une autre. Parce que le Verbe était ensemble avec Dieu, il est clair que deux Personnes sont présentes, mais ces deux partagent une seule nature. La preuve qu'il y a une nature est ceci : et le Verbe était Dieu. Voyez-vous que le Verbe est Dieu ? Le Père et le Fils ont donc une seule et même nature, car il y a une Divinité. Que soient couverts de honte, tous les deux, Arius et Sabellius. Arius, qui a dit que le Fils était une créature et l'œuvre du Père, est couvert de honte par ceci : Au commencement était le Verbe et le Verbe était Dieu. Et Sabellius, qui a dit qu'il y avait une Unité et non pas une Trinité de Personnes, est couvert de honte par ceci : le Verbe était avec Dieu. Le grand Jean proclame ici clairement que le Verbe et le Père sont différents l'un de l'autre, mais non différents en espèce. Ils sont différents en leurs Personnes, mais un et même en leur nature. Je vais donner un exemple pour clarifier encore l'idée. Pierre et Paul sont différents l'un de l'autre, parce qu'ils sont deux personnes différentes ; mais ils ne sont pas différents en espèce parce qu'ils ont la même nature humaine. C'est ainsi que nous devons enseigner concernant le Père et le Fils : Ils sont différents en leurs deux Personnes ; mais ils ne sont pas différents en espèce, car ils partagent la même Nature divine.

2. Il était au commencement avec Dieu.

Dieu le Verbe ne fut jamais séparée de Dieu le Père. Comme il avait dit que le Verbe était Dieu, il voulut dissiper tout soupçon diabolique qui pût nous troubler, selon lequel peut-être, parce que le Verbe était Dieu, ll aurait pu S'élever contre le Père et Se séparer de Lui, et devenir adversaire du Père, comme se comportent les dieux dans la mythologie grecque. C'est pourquoi Jean dit que, tandis que le Verbe est effectivement Dieu (et égal en puissance au Père), Il est cependant toujours ensemble avec le Père et jamais séparé de Lui. Nous devons aussi nous adresser aux ariens. Écoutez, vous, hommes sourds, qui dites que le Fils est l'œuvre et la création de Dieu le Père. Comprenez quel nom l'évangéliste a donné au Fils de Dieu. Il L'appela Verbe. Mais vous L'appelez œuvre et création. Il est Verbe, non pas œuvre et création. Le «verbe» est double. Il y a la parole intérieure (diathetos logos), que nous possédons tous, même quand nous ne parlons pas, à savoir la faculté de parler. Quand un homme ne parle pas, et même quand il dort, le pouvoir de parole et de discours est cependant en lui. Il y a aussi la parole extérieure (prophorikos logos), quand nous articulons avec nos lèvres le pouvoir intérieur de discours, en le mettant en activité et action. Donc la «parole» est double, pourtant aucun des deux aspects ne décrit correctement le Fils de Dieu. Car le Verbe de Dieu n'est ni la parole prononcée, ni le pouvoir intérieur de discours. Ces choses appartiennent au monde naturel et à nous. Le Verbe du Père est au-dessus de la nature et n'est sujet à aucune analyse des choses de ce monde. Donc, le sophisme de Porphyrios le Grec fut rendu inutile et vain quand il essaya de réfuter l'évangile en usant de telles distinctions. Si le Fils de Dieu est Parole, disait-il, Il l'est soit comme une parole prononcée, soit comme le pouvoir intérieur de discours. Mais comme Il n'est ni l'un ni l'autre, Il ne peut pas être Parole du tout. Mais l'évangéliste avait prévu cet argument et le désarma en disant que la distinction entre discours intérieur et extérieur est utilisée en référence à nous et au monde naturel. Mais pour ce qui est au-delà de la nature, il n'y a rien de tel. Il faut dire aussi que le nom de Parole était vraiment digne de Dieu, et s'Il était appelé ainsi au sens littéral et essentiel, alors le doute du Grec serait justifié. Mais ce n'est pas le cas. Non seulement ce nom, Parole, ne s'applique pas littéralement et essentiellement à Dieu, mais on ne peut trouver aucun autre nom qui puisse le faire. Il indique uniquement l'engendrement sans passion du Fils par le Père, comme une parole surgit de l'intellect, et il montre que le Fils est un ange de la Volonté du Père. Par conséquent, pourquoi donc mets-tu la main sur le nom avec ton sophisme, misérable Porphyrios ? Et comment se fait-il que, quand tu entends Père, Fils et Esprit, tu t'abaisses à des choses matérielles et imagines, dans ton intelligence charnelle, des pères et des fils, et un esprit aérien, comme le vent du Nord et le vent du Sud, ou quelque chose d'autre qui fouette des tempêtes. Mais si tu désires apprendre quelle sorte de Parole est le Verbe de Dieu, écoute ce qui suit.

3. Toutes choses ont été faites par Lui, et rien de ce qui a été fait n’a été fait sans Lui.

Ne pensez pas, dit l'évangéliste, que le Verbe est comme une parole prononcée qui est dite pour disparaître ensuite dans l'air. Le Verbe est le Créateur de tout, aussi bien de ce qui est perçu par l'intellect que ce qui est perçu par les sens. Encore une fois, les ariens bondissent à l'attaque en disant : «On peut dire aussi qu'une porte a été faite par une scie, c'est-à-dire par un outil, pourtant l'artisan qui utilise l'outil est très différent de l'outil lui-même. Donc là où il est écrit que toutes choses ont été faites par le Fils, cela ne veut pas dire que le Fils est le Créateur, mais qu'Il est un instrument, exactement comme une scie. Dieu le Père est le Créateur qui Se sert du Fils comme son outil. Par conséquent, le Fils est quelque chose qui fut créé dans le but de faire toutes les autres choses, exactement comme une scie est faite comme l'outil par lequel des objets fabriqués sont produits.» Voilà comment parle la méchante bande des ariens. Comment répondons-nous ? Simplement et directement, en disant que si, comme ils le prétendent, le Père créa le Fils pour être l'instrument par lequel Il façonna le monde, alors le Fils serait moins en honneur que le monde créé. Les objets faits avec une scie sont plus précieux que la scie elle-même, qui n'est qu'un outil. La scie a été faite en vue des choses qu'elle créerait ; les objets fabriqués n'ont pas été faits en vue de la scie. Dans la même veine, la création serait plus hautement honorée que le Fils seul-engendré, puisque le Père fit le Fils, disent-ils, en vue de la création, et s'Il n'avait pas eu l'intention de créer l'univers, Il n'aurait pas formé non plus le Fils seul-engendré. Que peut être plus insensé que ces paroles ? «Mais», proteste l'arien, «pourquoi l'évangéliste ne dit-il pas directement : "Le Verbe Lui-même a fait toutes choses", mais plutôt que le Père a fait toutes choses par (dia) le Fils ?» Pourquoi ? Pour que vous ne pensiez pas que le Verbe, parce qu'Il fut incréé et sans commencement, était aussi un adversaire et un rival de Dieu. Imaginez un roi qui a l'intention de construire une ville nouvelle et qui confie le travail à son fils. Si quelqu'un disait : La ville a été fondée par le fils du roi, cela ne voudrait pas dire que le fils du roi est un serviteur. Cela montrerait, au contraire, que le fils a un père et qu'il n'agit pas tout seul. C'est la même chose ici : quand l'évangéliste dit que toutes choses ont été faites par le Fils, il montre que le Père Se servit de Lui, pour ainsi dire, comme d'un intermédiaire dans l'acte de création, non pas comme de quelqu'un d'inférieur à Lui-même, mais au contraire, comme Un d'égal pouvoir, capable d'exécuter un aussi grand commandement. J'ajouterai ceci : au cas où la préposition par vous dérange toujours et que vous vouliez trouver dans l'Écriture une expression qui dit que le Verbe Lui-même créa toutes choses, écoutez ce que dit David. Au commencement, Seigneur, Tu as fondé la terre et les cieux sont l’ouvrage de tes Mains. (Ps 101, 25-26) Vous voyez qu'il ne dit pas : «Par Toi les cieux ont été faits et la terre a été fondée», mais Tu as fondé et «ces choses sont l’ouvrage de tes Mains». Que David a dit cela au sujet du Fils seul-engendré et non pas du Père, vous pouvez l'apprendre de l'apôtre Paul lui-même, qui a utilisé ces lignes dans son Épître aux Hébreux (Héb 1,8-10). C'est aussi très clair dans le même psaume. Car lorsqu'il dit que le Seigneur a regardé du haut des cieux sur la terre, pour entendre les gémissements des captifs, pour délivrer les fils des victimes, afin qu’ils publient dans Sion le Nom du Seigneur (Ps 101, 20-21), à qui d'autre peut-il se référer sinon au Fils de Dieu ? Car c'est Lui qui a regardé sur la terre, c'est-à-dire soit cette terre où nous évoluons, soit notre nature devenue terrestre, soit notre chair dont il a été dit : Tu es poussière (Gn 3,20). C'est cette chair terrestre qu'Il prit sur Lui et nous délia, nous qui étions liés par les liens de nos propres péchés, et nous délivra, nous, les fils des tués, Adam et Ève, et déclara dans Sion le Nom du Seigneur. Car Il Se tenait debout dans le Temple et enseigna concernant son Père, comme II le dit Lui-même : J'ai fait connaître ton Nom aux hommes que Tu M'as donnés du milieu du monde. Ils étaient à Toi, et Tu Me les as donnés. (Jn 17,6) À qui ces choses s'appliquent-elles, au Père ou au Fils ? Elles s'appliquent, à coup sûr, au Fils. Car le Fils a déclaré le Nom du Père quand Il enseignait. Après avoir dit ces choses, le bienheureux David ajoute ces mots : Au commencement, Seigneur, Tu as fondé la terre et les cieux sont l’ouvrage de tes Mains. (Ps 101, 25-26). David ne présente-t-il pas clairement le Fils comme le Créateur, et non pas comme un instrument ? Mais si la préposition dia vous semble encore indiquer quelque chose de moins, d'inférieur, que direz-vous quand Paul utilise cette même préposition pour se référer au Père ? Car il écrit : Dieu est fidèle, Lui, par (dia) qui vous avez été appelés à la communion de son Fils, Jésus Christ notre Seigneur. (I Cor 1,9) Pour sûr, Paul ne veut pas suggérer ici que le Père est un instrument. Et aussi : Paul, appelé à être apôtre de Jésus Christ par (dia) la Volonté de Dieu (I Cor 1,1). Mais nous en avons assez dit : revenons là où nous avons commencé. Toutes choses ont été faites par Lui. Moïse décrivit la création visible et ne nous révéla rien de la création du monde intelligible. Mais l'évangéliste, d'un seul mot, inclut tout. Toutes choses ont été faites par Lui, les visibles comme les intelligibles. Et rien de ce qui a été fait n’a été fait sans Lui. L'évangéliste dit d'abord que toutes choses ont été faites par le Fils. Puis, pour dissiper toute idée que le Fils aurait créé le saint Esprit, il définit soigneusement les mots : toutes choses. Tout ce qui est créé par sa nature, a été fait par le Verbe. Mais l'Esprit ne fait pas partie de la nature créée, Il n'a donc pas été fait par le Fils. Sans le Pouvoir du Verbe, rien n'a été fait qui était de la nature créée.

4. En Lui était la Vie, et la Vie était la lumière des hommes.

Les pneumatomaques lisent ainsi ce verset et le précédent : «Et sans Lui, rien n'a été fait». Ici, ils mettent le point et lisent les mots suivants comme le début d'une nouvelle phrase : «(Ce) qui a été fait était Vie en Lui.» Ils interprètent le passage selon leur propre entendement, prétendant qu'ici, l'évangéliste décrit le saint Esprit,  et disant que le saint Esprit était Vie. Les adeptes de Macédonius font cette interprétation dans leur empressement à montrer que le saint Esprit est une chose créée et de Le classer parmi les choses qui ont été créées. Nous ne donnons pas une telle interprétation au texte, mais mettons un point après les mots : qui ont été faites, et lisons les mots : En Lui était la Vie, comme le début d'une nouvelle phrase.
Parce qu'il avait parlé de la création des choses, que toutes choses ont été faites par Lui, maintenant il parle de la providence et du soin qu'a le Verbe pour sa création. Il dit que le Verbe a non seulement créé le monde et S'en est retiré ensuite, mais que c'est Lui-même qui maintient la Vie de tout ce qui a été créé. Car il dit : En Lui était la vie. Je sais qu'un des saints a lu ce passage comme suit : Et sans Lui rien n'a été fait de ce qui était fait en Lui. Ici, il met le point et commence la nouvelle phrase : Il était la Vie. Je considère que cette lecture n'est pas erronée, et qu'elle contient le même entendement orthodoxe. Ce saint pensait de manière orthodoxe que sans le Verbe, rien n'a été fait de ce qui était fait en Lui. Car je dis que chaque chose qui a été faite et créée en Lui, le Verbe, n'était pas faite sans Lui. Alors, dans la nouvelle phrase Il était la Vie et la Vie était la lumière des hommes , l'évangéliste nomme le Seigneur Vie, parce que c'est Lui qui maintient la vie de toutes choses vivantes et qui donne la vie spirituelle à toutes créatures raisonnables. Il est Lumière, non pas une lumière perceptible par les sens, mais une lumière intelligible qui éclaire l'âme elle-même. Il ne dit pas que le Seigneur est la lumière des Juifs seulement, mais de tous les hommes. Car nous pouvons dire que tous les hommes ont été éclairés par Lui, dans la mesure où nous avons tous reçu l'intellect et la raison (logos) du Verbe (Logos) qui nous a créés. Car la raison qui nous est impartie, pour laquelle nous sommes appelés des créatures raisonnables (logikoi), est une lumière pour nous guider vers ce que nous devons, et ne devons pas, faire.

5. Et la lumière luit dans les ténèbres, et les ténèbres ne l'ont point reçue.

La Lumière, à savoir le Verbe de Dieu, luit dans les ténèbres, ce qui veut dire qu'Elle luit dans la mort et l'erreur. Même lorsque Lui-même était mort, Il a vaincu si complètement la Mort qu'Il obligea la Mort à rendre ceux qu'elle avait avalés avant Lui. Et la Prédication du Verbe luit aussi au milieu de l'erreur des Grecs païens. Et les ténèbres ne l'ont point reçue. Ni la mort ni l'erreur ne la vainquirent, car cette Lumière, Dieu le Verbe, est inconquérable. Il y en a qui ont pensé que les ténèbres signifiaient «chair» et «vie». Car le Verbe jaillit pendant qu'Il était incarné et dans cette vie. Et les ténèbres, c'est-à-dire le pouvoir adverse du Malin, tentaient et persécutaient la Lumière, mais La trouvèrent inattaquable et invincible. Les ténèbres signifient la «chair», non pas selon la nature de la chair – loin de là ! –, mais à cause du péché. La chair n'a absolument rien de mauvais lorsqu'elle est dirigée en accord avec sa nature. Mais quand elle est dirigée contre sa nature et poussée à servir le péché, elle est appelée, et elle devient, en effet, ténèbres.


Il y eut un homme envoyé de Dieu : son nom était Jean.

L'évangéliste, après nous avoir déclaré l'existence de Dieu le Verbe d'avant les siècles, et parce qu'il va parler du Verbe qui devient chair, insère ici un récit du Précurseur. Puisque Jean est le Précurseur du Seigneur, ne convient-il pas qu'un récit de la nativité du Précurseur précède celui de la Nativité du Seigneur dans la chair ? L'évangéliste dit du Précurseur qu'il y eut un homme envoyé de Dieu. Les faux prophètes ne sont pas de Dieu. Quand vous entendez qu'il était envoyé de Dieu, ne pensez pas que l'évangéliste parle de quoi que ce soit d'individuel ou d'humain. Ici, tout est divin. C'est pourquoi Jean est aussi appelé un «ange», car la vertu d'un ange est qu'il ne parle pas du tout par lui-même. Mais quand vous entendez l'appeler un «ange», ne pensez pas qu'il fût un ange par nature, ou qu'il descendît du ciel. Plutôt il est appelé un ange à cause de son œuvre et son ministère d'être un serviteur de la prédication et d'annoncer le Seigneur. Par conséquent, l'évangéliste lui-même réfute l'opinion de plusieurs qui soupçonnaient que Jean était un ange par nature, quand il dit : Il y eut un homme envoyé de Dieu.

7. Il vint pour servir de témoin, pour rendre témoignage à la Lumière, afin que tous crussent par lui.

Cet homme fut envoyé de Dieu pour rendre témoignage à la Lumière. De crainte que certains ne s'imaginent que le Seul-Engendré avait besoin de ce témoin parce qu'il Lui manquait quelque chose à Lui-même, l'évangéliste poursuit immédiatement son affirmation et dit que Jean vint pour rendre témoignage au Fils de Dieu pour une raison, à savoir que tous les hommes pussent croire par lui. Tous les hommes crurent-ils en effet par lui ? Non. En quel sens alors l'évangéliste dit-il que tous les hommes… pussent croire ? Autant que cela dépendait de lui, Jean rendit témoignage pour attirer tous les hommes à la Lumière ; si certains ne crurent pas, ce n'est pas de sa faute. Le soleil se lève tous les jours dans le but de donner sa lumière à tous. Si un homme s'enferme dans une demeure sombre et ne jouit pas des rayons du soleil, est-ce de la faute du soleil ? C'est la même chose ici. Jean fut envoyé afin que tous pussent croire. Ce n'est pas de sa faute si cela se passa autrement.  

Il n'était pas la Lumière, mais il parut pour rendre témoignage à la Lumière.

Il arrive souvent qu'un homme qui rend témoignage soit plus grand que celui à qui il rend témoignage. Donc, pour prévenir la pensée diabolique que Jean, en rendant témoignage au Christ, était plus grand que le Christ, l'évangéliste dit : «Il n'était pas cette Lumière». Mais ne pourrions-nous pas appeler Jean, ou un autre des saints, une lumière ? Si, nous pouvons appeler chaque saint une lumière. Mais nous ne pouvons pas les appeler la Lumière, avec l'article défini. Si quelqu'un vous dit : «Pour sûr, Jean est une lumière», soyez d'accord avec lui. Mais s'il vous dit : «Pour sûr, Jean est la Lumière», dites non. Car il n'est pas la Lumière Elle-même, mais une lumière par participation, qui tire sa clarté de la vraie Lumière.


9. Cette lumière était la véritable lumière, qui, en venant dans le monde, éclaire tout homme.

L'évangéliste va parler de l'Économie divine de l'Incarnation du Seul-Engendré, qui vint chez les siens et devint chair. Pour que personne ne pense que le Verbe n'existât pas avant de prendre chair, l'évangéliste conduit notre intellect vers les hauteurs, à cette existence qui est au-delà de tout commencement, et dit : "Il était, avant même de S'incarner, la vraie Lumière». Par ce moyen, il réfute l'hérésie de Photin et de Paul de Samosate, qui enseignaient que le Verbe commença à exister lorsqu'Il prit chair de Marie, et que, avant cela, Il n'était pas. Et toi aussi, ô arien, qui dis que le Fils de Dieu n'est pas vrai Dieu, écoute comment l'évangéliste L'appelle : la vraie Lumière. Et toi, ô manichéen, qui dis que nous sommes les créatures d'un méchant démiurge, écoute : la vraie Lumière, qui éclaire tout homme venant dans le monde. Si le méchant démiurge est ténèbres, comment pourrait-il éclairer qui que ce soit ? Par conséquent, nous sommes les créatures de la vraie Lumière. Comment, pourrais-tu demander, peut-Il éclairer tout homme, alors que nous en voyons qui sont dans les ténèbres ? Autant que cela dépend de Lui, Il les éclaire tous. Dis-moi, ne sommes-nous pas tous doués de raison ? Ne savons-nous pas distinguer par nature le bien du mal ? N'avons-nous pas tous le pouvoir de comprendre la différence entre le Créateur et sa création ? Donc, le logos, qui nous a été donné, qui nous enseigne par nature et qui est appelé aussi loi naturelle, peut être appelé "lumière" qui nous est donnée par Dieu. Si certains font un mauvais usage de ce logos, ils s'enténèbrent. Mais plusieurs ont déjà répondu à cette question de cette façon : le Seigneur éclaire tout homme venant dans le monde. C'est-à-dire, Il éclaire ceux qui sont arrivés à une meilleure condition, et qui désirent mettre en ordre et orner leur propre âme et ne pas la laisser désordonnée et laide.

10. Il était dans le monde, et le monde été fait par Lui, et le monde ne L'a point connu.

Il était dans le monde, étant Dieu qui est partout présent. On peut dire aussi qu'Il est dans le monde, par sa Providence, son Soin et son Maintien du monde. «Mais je ne dois pas en rester là que de dire qu'Il était dans le monde, déclare l'évangéliste, puisque le monde n'existerait même pas si Lui-même ne l'avait pas fait». À chaque point, l'évangéliste montre que le Verbe est le Créateur. De cette façon, il dissipe les délires du manichéen, qui prétend qu'un méchant démiurge a produit l'univers ; il réfute l'arien, qui dit que le Fils Lui-même est une chose créée ; et en même temps, il conduit tous les hommes à confesser l'Artisan, pour adorer le Créateur et non pas des choses créées. L'évangéliste dit : et le monde ne L'a point connu, ce qui veut dire les gens spirituellement grossiers, qui sont attachés aux choses de ce monde. Le monde signifie, premièrement, tout l'univers, comme dans la ligne précédente : le monde a été fait par Lui. Il signifie aussi ceux qui pensent d'une manière mondaine, comme ici, lorsqu'il dit : et le monde ne L'a point connu,  c'est-à-dire les hommes terrestres ne L'ont pas connu, car tous les saints et les prophètes perçurent qui Il était.

11. Il est venu chez les siens, et les siens ne L'ont point reçu.

Ici, l'évangéliste commence clairement son récit de l'économie divine de l'Incarnation. Le fil entier de ce qu'il dit est ceci : la vraie Lumière était déjà dans le monde sans la chair, et n'était pas reconnue. Alors, Elle est venue dans la chair, chez les siens. Par les siens, vous pouvez entendre soit le monde entier, soit les Juifs, qu'Il avait choisis comme lignée de son Héritage, sa Portion et sa propre Possession. Et les siens ne L'ont point reçu, ni les Juifs, ni le reste des hommes qui avaient été créés par Lui. Ici, l'évangéliste déplore la folie de l'homme et admire l'Amour du Maître pour le genre humain. Bien qu'ils soient les siens propres, tous ne L'ont pas reçu. Car le Seigneur n'attire personne à Lui de force, mais par la volonté et le choix propres de l'homme.

12. Mais à tous ceux qui L'ont reçu, à ceux qui croient en son Nom, Il a donné le pouvoir de devenir enfants de Dieu,

Qu'ils soient esclaves ou libres, enfants ou vieillards, barbares ou grecs, tous ceux qui L'ont reçu, Il leur a donné le pouvoir de devenir fils de Dieu. Qui étaient ceux qui L'ont reçu ? Ceux qui ont cru en son Nom. Ceux qui ont reçu le Verbe et la vraie Lumière L'ont reçu et accepté par la foi. Pourquoi l'évangéliste ne dit pas qu'Il les a faits fils de Dieu, mais plutôt qu'Il leur a donné le pouvoir de devenir fils de Dieu ? Écoutez, et je vous le dirai. Pour garder la pureté de l'âme et du corps, il ne suffit pas d'être baptisé. Nous devons aussi exercer beaucoup de zèle et d'effort pour préserver immaculée l'image de l'adoption imprimée sur nous dans le baptême. Par conséquent, plusieurs qui ont reçu la grâce de l'adoption par le baptême étaient paresseux et finalement, ils ne sont pas devenus fils de Dieu. On pourrait ajouter aussi que plusieurs Le reçoivent par la foi seulement, comme ceux que nous appelons les catéchumènes, mais ne sont pas encore devenus fils de Dieu. Pourtant ils ont effectivement le pouvoir de devenir fils de Dieu s'ils choisissent d'être baptisés et comptés dignes de cette grâce, c'est-à-dire de l'adoption comme fils. En outre, même si nous recevons la grâce de l'adoption par le baptême, nous recevrons la complétion et la perfection de cette grâce seulement dans la résurrection, et nous espérons recevoir à ce moment la plénitude de l'adoption. Comme le dit Paul : nous attendons l'adoption (Rm 8,23). C'est pour toutes ces raisons, donc, que l'évangéliste ne dit pas : "Tous ceux qui L'ont reçu, Il les a faits fils de Dieu", mais plutôt qu'Il leur a donné le pouvoir de devenir fils de Dieu, c'est-à-dire de recevoir cette grâce dans le siècle à venir.

13. lesquels sont nés, non du sang, ni de la volonté de la chair, ni de la volonté de l'homme, mais de Dieu.

Il fait une comparaison, pour ainsi dire, entre les naissances divines et humaines, mais il le fait non pas pour nous donner un rappel déplacé des tourments du travail de l'accouchement et de la délivrance, mais pour que nous puissions reconnaître la nature ignoble et humble de l'enfantement charnel et courir vers la divine Grâce. Il dit : lesquels sont nés, non du sang, c'est-à-dire le sang dans la matrice d'une femme, qui nourrit et fait croître l'embryon. Il est dit aussi que la semence de l'homme devient d'abord du sang, et est ensuite formée en chair et le reste du corps d'un bébé. Il était vraisemblable que certains diraient que les croyants en Christ ne sont pas nés d'une manière différente de celle d'Isaac. Lui non plus n'était pas né de sang, car le sang dans la matrice de Sarah avait cessé de couler. Puisque quelques-uns pourraient penser cela, l'évangéliste ajoute : ni de la volonté de la chair, ni de la volonté de l'homme. Même si la naissance d'Isaac n'était pas de sang, elle était de la volonté de l'homme ; sans aucun doute, l'homme désira qu'un enfant lui naquît de Sarah. Les croyants en Christ ne sont pas nés non plus de la volonté de la chair, comme Samuel était né d'Anne. Nous pourrions dire, donc, que Isaac était né de la volonté de l'homme, et Samuel de la volonté de la chair, c'est-à-dire de la volonté d'une femme, Anne. Car cette femme stérile avait désiré un enfant. Et peut-être tous les deux fils étaient nés de tous ces deux désirs. Si vous voulez apprendre quelque chose de plus, écoutez : l'acte charnel se produit parfois comme un effet de l'ardeur naturelle. Il arrive souvent que l'on ait une disposition plus fervente et que l'on soit mû plus facilement à l'acte (c'est ce que l'évangéliste appelle la volonté de la chair). L'acte charnel se produit aussi comme un effet d'inclinations vicieuses et d'appétits dissolus, lorsque la pulsion sexuelle est incontrôlable. C'est ce que l'évangéliste appelle la volonté de l'homme, quand l'acte sexuel n'est pas l'effet de la nature physique, mais celui de la dépravation d'un homme. Parce que parfois la femme est portée à l'acte, et parfois l'homme, peut-être que par la volonté de l'homme il indique le désir brûlant de l'homme, et par la volonté de la chair, il indique le désir de la femme. Tout cela a été dit dans l'intérêt de ceux qui posent des questions insensées. Pour parler de ce qui est essentiel, une idée est claire : la nature humble de la naissance dans la chair. Maintenant, les Israélites étaient aussi appelés «fils de Dieu». Qu'avons-nous de plus, nous qui croyons en Christ, que les Israélites, qui croyaient en la Loi ? Incomparablement plus. La Loi, à tous les points, contenait seulement la préfiguration des choses à venir, et elle n'accordait donc pas aux Israélites l'adoption filiale comme leur réelle possession, mais seulement en prototype et figure. Mais nous qui avons reçu en vérité l'Esprit de Dieu par le baptême, nous nous écrions : Abba, Père. (Rm 8.15; Gal 4,6) Exactement comme pour eux, le baptême n'était que prototype et préfiguration, leur adoption filiale était aussi une préfiguration de la nôtre. Ils étaient appelés fils, mais seulement comme une préfiguration de la véritable adoption filiale, que nous, nous avons maintenant par le baptême.

Et le Verbe a été fait chair.

Ayant dit que nous pouvons devenir des fils de Dieu, si nous le désirons, par la foi en Christ, il ajoute ici la cause d'un si grand don. L'évangéliste dit : «Veux-tu apprendre ce qui nous a rendus capables d'être adoptés comme fils de Dieu ? C'est que le Verbe a été fait chair.» Quand vous entendez qu'Il a été fait chair, ne pensez pas qu'Il ait abandonné sa Nature divine pour se changer en chair. Il ne serait pas Dieu s'Il avait été changé et transformé. Au lieu de cela, tout en restant ce qu'Il était, Il devint ce qu'Il n'était pas. C'est ici que Apollinaire de Laodicée forma son hérésie. Il enseigna que notre Seigneur et Dieu n'avait pas assumé entièrement la nature humaine, à savoir un corps et une âme raisonnable, mais qu'Il a pris seulement la chair et non l'âme raisonnable et spirituelle d'un homme. Christ Dieu n'avait pas besoin d'une âme humaine, disait-il, puisque sa Nature divine gouvernait son corps humain, de la même façon que nous avons une âme qui gouverne et fait mouvoir notre corps. Pour étayer son argument, comme il l'imaginait, Apollinaire utilisa ces mêmes mots : Et le Verbe a été fait chair. Il dit : «Le texte ne dit pas qu'Il est devenu homme, mais chair. Par conséquent, le Christ n'a pas assumé une âme humaine dotée d'intellect et de raison, mais seulement la chair, sans l'intellect et la raison humains.» Mais cet homme pitoyable ignorait-il que l'Écriture emploie souvent la synecdoque ? Par exemple, quand elle se réfère à l'homme entier, elle le nomme seulement par une partie, l'âme : «Que toute âme qui, le huitième jour, ne sera point circoncise soit exterminée». (v. Gn 17,14) Au lieu de dire : «Que tout homme», elle mentionne la partie, à savoir, l'âme. Dans un autre exemple, l'Écriture nomme le tout par la partie, dans ce cas, la chair, quand elle dit : Et toute chair verra le salut de Dieu (Lc 2,6, Is 40,5). Ici, toute chair veut dire «tout homme». Ici, exactement de la même manière, au lieu de dire : «Le Verbe est devenu homme», l'évangéliste dit : Le Verbe a été fait chair, nommant l'homme, composé de corps et d'âme, par une partie seulement. Parce que la chair est si étrangère à la Nature divine, peut-être l'évangéliste s'est servi du mot chair pour montrer la condescendance sans bornes de Dieu, qui nous étonne par son Amour ineffable pour l'homme, en ce que, pour notre salut, Il prit sur Lui quelque chose qui était complètement étranger et dissemblable de sa Nature divine, à savoir notre chair. Notre âme a quelque affinité avec Dieu, mais la chair ne partage absolument rien avec le divin. Je pense donc que l'évangéliste ici se sert uniquement du mot chair, non parce que l'âme n'avait pas part à ce qui était assumé, mais pour indiquer avec plus de force le redoutable et merveilleux mystère de l'Incarnation. Si le Verbe n'avait pas assumé une âme humaine quand Il a pris chair, nos âmes resteraient encore sans guérison. Car ce qu'Il n'a pas assumé, Il ne l'a pas sanctifié. L'âme était la première à tomber, car c'est elle qui a succombé d'abord aux paroles du serpent et a été trompée au Paradis, et puis la main, suivant sa patronne et maîtresse, se tendit pour toucher. Combien ridicule il est de supposer donc que la servante, la chair, doit être assumée, sanctifiée et guérie, alors que la maîtresse, l'âme, doit rester inassumée et sans guérison. À bas Apollinaire ! Quand nous entendons que le Verbe a été fait chair, nous croyons qu'Il est devenu homme parfait, car l'Écriture utilise habituellement soit "corps" soit "âme" pour se référer à l'homme entier. Nestorius est également réfuté par ces paroles. Il prétendit que Dieu le Verbe Lui-même n'est pas devenu cet Homme conçu du très saint sang de la Vierge, mais plutôt que la Vierge enfanta un homme. À cet homme, rempli de grâce et de toutes vertus, a été joint le Verbe de Dieu, lui donnant pouvoir sur des esprits impurs. Ainsi, Nestorius enseignait qu'il y avait deux fils : l'un étant l'homme Jésus, né de la Vierge, et l'autre, le Fils de Dieu, joint à l'homme et inséparable de lui, mais «inséparable» seulement par grâce, par proximité et par amour, parce que celui-ci était un homme vertueux, En enseignant ces choses, Nestorius choisit d'être sourd à la vérité. Car s'il l'avait désiré, il aurait entendu ce bienheureux évangéliste dire : Le Verbe a été fait chair. Nestorius n'est-il pas clairement réfuté ici ? Le Verbe Lui-même est devenu homme. L'évangéliste ne dit pas que le Verbe avait trouvé un homme et Se joignit à lui, mais que Lui-même, Il est devenu un homme. Eutychès, Valentinus et Mani sont également réfutés ici. Ils enseignaient que le Verbe de Dieu n’avait paru qu'en apparence. Qu'ils entendent aussi que le Verbe a été fait chair. L'évangéliste ne dit pas que le Verbe paraissait être chair, ou était imaginé être chair, mais qu'Il est devenu chair en vérité et en essence, et non pas en apparence. Il est absurde et insensé de croire que le Fils de Dieu, qui est Vérité et est appelé Vérité, ait fait un mensonge de son Incarnation. Car qu'est-ce qu'une apparence, sinon un simulacre ?

Et Il a habité en nous.

Il avait dit plus haut que le Verbe est devenu chair. Maintenant, de crainte que certains ne s'imaginent que le Christ devînt une nature, il y ajoute les mots : Et Il a habité en nous, pour nous montrer deux natures : la nôtre et celle du Verbe. Une tente a une certaine nature ; celui qui habite sous une tente en a une autre. C’est de la même façon que le Verbe habite en nous, dans notre nature, bien que sa Nature soit différente de la nôtre. Que les Arméniens (c'est-à-dire : les monophysites) soient couverts de honte, eux qui prétendent que le Christ a une seule Nature. Les mots le Verbe est devenu chair nous apprennent que le Verbe Lui-même est devenu homme, et que, tout en étant le Fils de Dieu, Il est aussi devenu le Fils d’une femme qui est appelée Théotokos, Enfantrice de Dieu, précisément parce qu’elle a donné naissance à Dieu dans la chair. Les mots Et Il a habité en nous nous apprennent à croire en deux Natures dans l’unique Christ. Bien qu’Il soit un en hypostase, c'est-à-dire en personne, Il est deux en nature, à la fois Dieu et homme. Les natures divine et humaine n’auraient pas pu s’unir si ce n’est en se manifestant dans Un, c'est-à-dire en Christ.

Et nous avons contemplé sa Gloire, une Gloire comme la Gloire du Fils seul-engendré du Père, plein de Grâce et de Vérité.

Parce qu’il a dit : le Verbe est devenu chair, ici, il ajoute : Et nous avons contemplé sa Gloire, c'est-à-dire : «Pendant qu’Il était dans la chair, nous avons contemplé sa Gloire». Les Israélites étaient incapables de regarder la face de Moïse quand elle brillait de gloire après qu’il a parlé avec Dieu. (v. Ex 34,29-35) Les apôtres auraient-ils pu être capables de supporter la pleine Divinité du Seul-Engendré, si elle ne leur avait été révélée à travers le voile de la chair ? Nous avons contemplé sa Gloire,  mais non pas une telle Gloire que reflétait la face de Moïse, ni comme la Gloire dans laquelle les chérubins et les séraphins apparurent au prophète (Éz 10,4), mais une Gloire comme il sied au Fils seul-engendré et qui Lui appartient par nature. Ici le mot comme n’exprime pas une similarité (c'est-à-dire une gloire semblable à celle du Seul-Engendré), mais bien une identité certaine et sans ambiguïté. Quand nous voyons un roi s’approcher en grande gloire, nous disons : «Il approcha comme roi», entendant par là : «Il approcha étant vraiment le roi». Ici de même, nous devons entendre que, concernant le Seul-Engendré, cela signifie : «La Gloire que nous avons contemplée était la Gloire de Celui qui est vraiment le Fils de Dieu». Plein de Grâce et de Vérité. Il était plein de grâce en ce que même son discours était gracieux, comme le dit David : La grâce est répandue sur tes lèvres. (Ps 44,2) Et l’évangéliste Luc note : Ils étaient tous étonnés des paroles de grâce qui sortaient de sa Bouche (Lc 4,22). En outre, Il dispensait gracieusement des guérisons à tous ceux qui en avaient besoin. Il était aussi plein de Vérité. Tout ce qui était dit ou fait par les prophètes, même par Moïse lui-même, était seulement une préfiguration de la Vérité. Mais tout ce que le Christ a dit ou fait est plein de Vérité, car le Christ Lui-même est Grâce et Vérité, et Il a dispensé ces choses à d’autres. Où ont-ils contemplé sa Gloire ? Peut-être quelques-uns penseront que les disciples l’ont fait sur le Mont Thabor, lors de sa Transfiguration. C’est vrai, mais non seulement sur le Mont, mais dans chaque chose qu’a dite et faite le Seigneur, ils contemplèrent sa Gloire.

15. Jean lui a rendu témoignage, et s'est écrié : C'est Celui dont j'ai dit : Celui qui vient après moi m'a précédé, car Il était avant moi.

L'évangéliste cite souvent le témoignage de Jean, non pas parce que les paroles d’un serviteur donneraient de la crédibilité au Maître, mais parce que le peuple tenait Jean en si haute estime qu’il croyait davantage à son témoignage qu’à celui de n’importe qui d’autre. En disant que Jean s'est écrié, il montre que Jean n’était pas un témoin timide dans un coin, mais s’exclama avec une grande audace concernant le Christ. Qu’a-t-il dit ? «C’est Celui dont j’ai parlé». Jean avait rendu témoignage au Christ avant même de L’avoir vu. C’était certainement la Volonté de Dieu, afin que le bon témoignage de Jean sur le Christ ne parût biaisé ou partiel au Christ. C’est pourquoi Jean dit : «Celui dont j’ai parlé», c’est-à-dire avant même qu’il ait vu le Christ, Celui qui vient après moi, c’est-à-dire : qui est né après moi,  puisque la naissance du Précurseur précéda celle du Christ de six mois, m’a précédé, c’est-à-dire en honneur et en gloire. Pourquoi ? Parce qu’Il était avant moi en sa Divinité. Les ariens ont interprété ces paroles d’une manière insensée. Ils veulent montrer que le Fils de Dieu n’était pas engendré du Père, mais a été fait comme une de ses créatures. Par conséquent, ils disent : «Regardez ! Jean rend témoignage au Christ, en disant : «Il est venu à l’existence avant moi» voulant dire «Il était né avant moi, et a été créé par Dieu comme une de ses œuvres. Leur interprétation erronée est réfutée par les paroles qui suivent. Car quel sens est   révélé par : «Lui, le Christ, est venu à l’existence avant moi», voulant dire : Il a été créé avant moi, car Il était avant moi ? Il est totalement insensé de dire : «Dieu L’a créé en premier, parce qu’Il était avant moi». C’est juste le contraire qu’il faudrait dire : «Il est avant moi, parce qu’Il est venu à l’existence, Il a été créé, avant moi.» Assez parlé des ariens. Mais nous, nous comprenons d’une manière orthodoxe : Lui qui vient après moi par sa Naissance dans la chair, de la Vierge, me précède, c’est-à-dire : en honneur et en gloire, à cause des miracles qui ont eu lieu, à cause de sa Naissance, son Éducation, et sa Sagesse. Et à juste titre, car Il était avant moi, selon son Engendrement du Père d’avant les siècles, quand bien même Il est venu après moi selon son Avènement dans la chair.

16. Et nous avons tous reçu de sa Plénitude, et grâce pour grâce.

Ce sont les paroles du Précurseur, qui continue de parler du Christ : «Nous tous, prophètes, nous avons tous reçu de sa Plénitude». Car il n’y a pas de grâce plus grande que celle qui remplissait ces hommes pneumatophores. Comme la source de toute bonne chose, de toute sagesse et de toute prophétie, [Dieu le Verbe] répand ces choses sur tous ceux qui sont dignes, tandis que Lui-même reste rempli et jamais vidé. Nous avons reçu grâce, c’est-à-dire la grâce du Nouveau Testament, pour grâce, celle de l’ancienne Loi. Parce que l’Ancien Testament est devenu vieux et faible, à sa place nous avons reçu le Nouveau. Comment pouvait-il nommer l’Ancien Testament «grâce» ? – pourrions-nous demander. Parce que les Juifs aussi ont été adoptés et acceptés comme fils par grâce. Car il est dit : «Ce n'est point parce que vous surpassez en nombre tous les peuples, que Je vous ai choisis, mais à cause de vos pères» (Dt 7, 7-8). Les anciens donc, ont été acceptés par grâce, et nous, assurément, avons été sauvés par grâce.

17. Car la Loi a été donnée par Moïse, la Grâce et la Vérité sont venues par Jésus Christ.


L'évangéliste nous explique comment nous avons reçu la plus grande Grâce à la place d’une petite grâce, disant que la Loi a été donnée par Moïse, Dieu Se servant d’un médiateur humain. Mais le Nouveau Testament est venu par Jésus Christ, qu’il appelle à la fois Grâce et Vérité. Grâce, parce que Dieu nous a gracieusement dispensé non seulement le pardon des péchés, mais l’adoption comme fils ; Vérité parce que tout ce que les anciens ont vu et ce dont ils ont parlé en figures, le Nouveau Testament proclama en une clarté radieuse. Par conséquent, le Nouveau Testament, qui est appelé Grâce et Vérité, n’avait pas un simple homme comme médiateur, mais le Fils de Dieu. Voyez comment il a dit de l’Ancien Testament qu’il a été donné par Moïse, car Moïse était un ministre et un serviteur. Mais du Nouveau Testament, il a dit, non pas qu’il «a été donné», mais qu’il est venu, montrant qu’il est venu à l’existence par notre Seigneur Jésus Christ, comme Maître et non pas serviteur, révélant Grâce et Vérité. La Loi a été donnée par la médiation de Moïse, mais la Grâce est venue, et n’a pas été donnée, par Jésus Christ. Le Verbe est venu (egeneto) est une marque de l’autorité du Maître ; a été donnée (edoth) est la marque d’un serviteur. 

dimanche 6 avril 2014

Voyage

Plaise à Dieu, je partirai demain, lors de l'Annonciation, pour l'Afrique où je resterai 5 semaines.

J'ai déjà mis sur les "Nouvelles" quelques articles qui devraient apparaître au moment donné, mais comme je vois, c'est un peu le désordre.

Vôtre en Christ, 
archimandrite Cassien

Dimanche des Palmes

Dimanche des Palmes
Entrée à Jérusalem
Jean 12,1-18
De l'Explication de l'évangile de saint Jean
par le bienheureux Théophylacte, archevêque d'Ochrid et de Bulgarie

1-3. Six jours avant la Pâque, Jésus arriva à Béthanie, où était Lazare, qu'Il avait ressuscité des morts. Là, on Lui fit un souper ; Marthe servait, et Lazare était un de ceux qui se trouvaient à table avec Lui. Marie, ayant pris une livre d'un parfum de nard pur de grand prix, oignit les Pieds de Jésus, et elle Lui essuya les Pieds avec ses cheveux ; et la maison fut remplie de l'odeur du parfum.

Le dixième jour du mois, les Juifs prennent l'agneau qui sera tué pour la Pâque, et à partir de ce moment, ils commencent les préparations pour la fête. Donc, six jours avant la Pâque, qui est le neuvième jour du mois, ils font un souper abondant, qu'ils considèrent comme un prélude à la fête. Venu à Béthanie, Jésus prend aussi le souper. Pour souligner le grand miracle de la résurrection de Lazare, dit l'évangéliste, Lazare était un de ceux qui se trouvaient à table avec Lui. Ayant apparu vivant du tombeau, il ne retourna pas peu après à la mort, mais resta parmi eux longtemps, mangeant, buvant et menant une vie normale. En disant que Marthe servait, l'évangéliste indique que le souper eut lieu dans sa maison. Voyez la foi de cette femme, qui ne permit pas à des serviteurs de faire le service, mais se chargea elle-même de la tâche. Paul dit de la veuve «recommandable par de bonnes œuvres» qu'elle «a lavé les pieds des saints» (I Tim 5,10). Marthe, donc, les sert tous, mais Marie réserve l'honneur au seul Christ, Le servant non comme un homme, mais comme Dieu. Il versa le parfum et essuya ses Pieds avec ses cheveux, non en Le considérant comme un simple homme, comme le faisaient beaucoup d'autres, mais comme Maître et Seigneur. Marie peut être comprise allégoriquement comme signifiant ce qui conduit vers le haut à la Divinité du Père et Seigneur (Kyrios) de tous. Car Marie veut dire Souveraine (Kyria). Ainsi, le Maître de tous, la Divinité du Père a oint les Pieds de Jésus, signifiant la Chair du Seigneur dans les derniers temps, à savoir Dieu le Verbe, avec l'huile de l'Esprit. Comme le dit David : C'est pourquoi, ô Dieu, ton Dieu t'a oint d'une huile d'allégresse, de préférence sur tes compagnons (Ps 44, 6). Et le grand Pierre dit : Que toute la maison d'Israël sache donc avec certitude que Dieu a fait Seigneur et Christ ce Jésus que vous avez crucifié (Ac 2, 36). La Chair, assumée par le Verbe et ointe par l'Esprit divin qui entra dans le sein de la Vierge, devint ce qu'est le Verbe : Dieu. Et Il remplit le monde de parfum, exactement comme la maison fut remplie de la fragrance du parfum de Marie. Quel sens voyons-nous dans les cheveux qui essuyaient les Pieds ? Ils représentent les saints qui ornent la Tête de Dieu et son Autorité suprême. Existant pour la Gloire de Dieu, ils peuvent être appelés son ornement et sont devenus coparticipants dans l'onction de la Chair du Christ. D'où David dit dans le Psaume cité ci-dessus : plus que tes compagnons. Et Paul dit aux Corinthiens : Et Celui qui nous affermit avec vous en Christ, et qui nous a oints, c'est Dieu (II Cor 1,21). Nous savons que partout dans le monde, ceux qui vivent selon le Christ sont appelés "Christs" . Donc les cheveux qui ont essuyé les Pieds de Jésus représentent les chrétiens, qui participent à l'onction divine. Comme les cheveux sont quelque chose de mort, ainsi ceux qui appartiennent au Christ sont morts. Ils ont crucifié la chair, mortifié leurs membres terrestres, et sont morts au monde. (v. Gal 5,24) Les cheveux sont l'ornement et la gloire du chef, et les saints sont la Gloire de Dieu, leur lumière brille devant les hommes et le Père est glorifié par eux. (v. Mt 18) Même leur manger et leur boire est à la Gloire de Dieu, qu'ils glorifient dans leurs membres. Et en ce qui te concerne, ô lecteur, Jésus a aussi ressuscité ton entendement déchu, tel un autre Lazare, et tu L'as reçu dans la maison de ton âme, et ce qui y est ressuscité soupe ensemble avec Lui. Oins donc les Pieds du Seigneur six jours avant la Pâque, avant l'aube de la Pâque du siècle à venir, tant que tu vis encore dans ce monde qui a été façonné en six jours. Les Pieds du Christ sont les Livres de l'Apôtre et de l'Évangile, en un mot, ses commandements. Par eux, c'est le Christ qui marche en nous. À ces commandements apporte du parfum, c'est-à-dire une disposition composée de beaucoup de vertus, dont la plus fine est la foi, aussi chaude, mordante que le précieux nard. Si tu ne montres pas un attachement fervent, zélé et vertueux aux commandements du Christ et ne les essuies pas avec tes membres mortifiés, comme avec des cheveux, les prenant à toi, tu ne seras pas capable de rendre ta maison parfumée. Les Pieds du Seigneur sont aussi les frères les moindres, en qui le Christ marche à la porte de chaque homme, demandant ce qui est nécessaire. Oins ceux-là aussi avec le parfum de l'aumône. Il y en a beaucoup qui donnent de l'aumône, mais en font un spectacle, et ainsi n'y gagnent rien. Car ils ont leur récompense en ce monde. (Mt 6,2) Essuie les pieds de ces frères avec les cheveux de ta tête et reçois-en le bénéfice dans ton âme, et récolte la récompense de l'aumône en cette partie principale et gouvernante de l'homme. S'il existe en toi une partie qui est morte et sans vie, comme les cheveux, oins-la avec cet excellent chrême. Car il est écrit : «Efface tes péchés avec l'aumône.» (v. Dn 4,24)

4-8. Un de ses disciples, Judas Iscariot, fils de Simon, celui qui devait Le livrer, dit : Pourquoi n'a-t-on pas vendu ce parfum trois cent deniers, pour les donner aux pauvres ? Il disait cela, non qu'il se mît en peine des pauvres, mais parce qu'il était voleur, et que, tenant la bourse, il prenait ce qu'on y mettait. Mais Jésus dit : Laisse-la garder ce parfum pour le jour de ma sépulture. Vous avez toujours les pauvres avec vous, mais vous ne M'avez pas toujours.

Amoureux de l'argent, Judas critique la façon d'honorer de Marie. Ce qu'il veut dire, c'est : «Pourquoi ne Lui as-tu pas donné de l'argent (pour que je puisse le voler) à la place du parfum ?» Comment se fait-il qu'un autre évangéliste dit que tous les disciples ont posé cette question ? (Mt 26,8-9) Nous pouvons dire que tous les disciples ont parlé de la sorte, mais les autres ne partageaient pas la disposition de Judas. La Seigneur ne le réprimande pas, sachant bien pourtant qu'il parlait dans un esprit de voleur. Il souhaitait éviter de lui faire honte, nous enseignant ainsi à nous aussi d'être patients et longanimes avec de tels individus. Mais d'une manière voilée, Il le gronde bien pour sa perfidie et sa volonté de Le trahir en Le livrant à la mort par avarice. Il mentionne sa sépulture pour blesser le cœur insensible de Judas d'un pincement de conscience, afin de le corriger, si toutefois c'était encore possible. Ses paroles suivantes ont la même finalité : «Vous avez toujours les pauvres avec vous, mais vous ne M'avez pas toujours, car bientôt, Je vais M'en aller, car tu trames ma Mort. Si Je suis gênant pour toi et que l'honneur que l'on Me fait te chagrine, attends un peu et tu seras libéré de Moi ; alors tu sauras si c'était vraiment pour les pauvres que tu avais besoin de vendre le parfum.» Si Judas était en effet un amoureux de l'argent et un voleur, pourquoi le Seigneur lui a-t-Il donné de tenir la bourse ? Pour cette raison même qu'il était un voleur, afin qu'il ne pût pas se servir de son amour de l'argent comme prétexte de sa trahison. Il avait une consolation suffisante de sa faiblesse en sa tenue de la bourse, mais en dépit de cela, il n'était pas fidèle. Il enlevait, ce qui veut dire emportait et volait, ce qui y était mis, commettant le sacrilège de prendre pour lui-même ce qui a été offert pour des buts divins. (Que les pillards de choses sacrées notent bien de qui ils partagent le destin.) Mais le comble de sa méchanceté était qu'il avait trahi le Seigneur. Voyez-vous où mène l'amour de l'argent ? À la trahison. C'est à juste titre que Paul l'appelle la racine de tous les maux, puisqu'il a conduit, dans ce cas, à la trahison du Seigneur, et dans tous les autres cas il produit la même chose (I Tim 6,10). Certains disent que Judas se voyait confier le ministère des fonds, parce que c'était une forme de service inférieure aux autres. S'occuper des fonds est un ministère inférieur à l'enseignement, comme le disent les apôtres dans le livre des Actes : Il n'est pas convenable que nous laissions la Parole de Dieu pour servir aux tables.(Ac 6,2)

9-11. Une grande multitude de Juifs apprirent que Jésus était à Béthanie ; et ils y vinrent, non pas seulement à cause de Lui, mais aussi pour voir Lazare, qu'Il avait ressuscité des morts. Les principaux sacrificateurs délibérèrent de faire mourir aussi Lazare, parce que beaucoup de Juifs se retiraient d'eux à cause de lui, et croyaient en Jésus.

Ces gens qui vinrent à Jésus montraient du bon sens et du jugement juste, contrairement à ceux qui, de façon insensée, s'emportaient contre Lui. Car ils vinrent, dit l'évangéliste, non seulement pour Jésus, mais pour voir Lazare aussi. En effet, parce que le miracle était si stupéfiant, beaucoup voulaient voir l'homme ressuscité, et espéraient peut-être entendre Lazare dire quelque chose des autres qui étaient avec lui dans l'Hadès. Mais les pharisiens étaient si inhumains qu'ils désiraient tuer non seulement Jésus, mais aussi Lazare, qui était devenu une cause de salut pour beaucoup parmi les gens sincères qui étaient venus à la foi grâce au miracle opéré en lui. Ainsi, les pharisiens considéraient le bien dont il avait fait l'expérience comme un crime de sa part. Par-dessus tout, ils étaient vexés qu'à l'approche de la grande fête, tout le monde se précipitait à Béthanie pour entendre parler du miracle et devenir témoins oculaires de l'homme ressuscité.

12-13. Le lendemain, une foule nombreuse de gens venus à la fête ayant entendu dire que Jésus Se rendait à Jérusalem, prirent des branches de palmiers, et allèrent au-devant de Lui, en criant : Hosanna ! Béni soit Celui qui vient au Nom du Seigneur, le Roi d'Israël !

Jésus S'était d'abord retiré dans le désert pour quelque temps afin de calmer la rage de ceux qui étaient résolus à Le faire mourir. Maintenant Il entre avec audace dans la ville et apparaît devant tous. Le temps de sa Passion est proche, et Il ne Se cache plus, mais Se livre pour le salut du monde entier. Considérez l'enchaînement de la Passion. Réservant le plus grand miracle pour la fin, Il ressuscita Lazare des morts. Alors, beaucoup coururent à Lui et crurent. Parce que beaucoup crurent, la jalousie et la rage devinrent encore plus grandes, jusqu'au complot et la croix. Quand la multitude eut entendu que Jésus arrivait, ils L'accueillirent avec une gloire et un honneur plus grands que ne mériterait un simple homme. Ils ne Le considéraient plus comme un simple prophète, car quel prophète leurs pères avaient-ils jamais honorés de la sorte ? Ainsi, ils s'écrièrent aussi : Hosanna ! Béni soit Celui qui vient au Nom du Seigneur. De ces mots nous pouvons déduire d'abord qu'Il est Dieu. Car Hosanna veut dire «Sauve maintenant !», comme c'est écrit en grec dans le Psaume 117 selon la Septante. Là, le mot hébreu Hosanna est rendu en grec par «Ô Seigneur, sauve maintenant !» Le pouvoir de sauver appartient à Dieu seul et c'est à Lui que s'adressent ces mots : «Sauve-nous, ô Seigneur notre Dieu.» D'après de nombreux passages, on doit conclure que l'Écriture attribue le salut à Dieu seul. Avant tout, les Psaumes de David qui se réfèrent au Christ disent qu'Il est Dieu. Ils disent en outre qu'Il est vrai Dieu. Car il dit ici : Celui qui vient, et non : Celui qui est conduit. Ce dernier serait le signe d'un serviteur ; le premier est le signe du pouvoir et de l'autorité. Les paroles : au Nom du Seigneur indiquent la même chose, qu'Il est vrai Dieu. Elles ne disent pas qu'Il vient au nom d'un serviteur, mais au Nom du Seigneur. Elles révèlent également qu'Il n'est pas un ennemi de Dieu, mais Quelqu'un qui vient au Nom du Père, comme le dit le Seigneur Lui-même : Je suis venu au Nom de mon Père, et vous ne Me recevez pas; si un autre vient en son propre nom, vous le recevrez. (Jn 5,43) Et ils L'ont appelé Roi d'Israël, en pensant à un royaume naturel. Ils attendaient un roi plus fort que la nature humaine se lever, pour les sauver du pouvoir romain.

14-16. Jésus trouva un ânon, et S'assit dessus, selon ce qui est écrit : Ne crains point, fille de Sion ; voici, ton Roi vient, assis sur le petit d'une ânesse.  Ses disciples ne comprirent pas d'abord ces choses ; mais lorsque Jésus eut été glorifié, ils se souvinrent qu'elles étaient écrites de Lui, et qu'ils les  avaient accomplies à son égard. 

Pourquoi les autres évangélistes (en parlant des Instructions du Seigneur de trouver un ânon) disent-ils : Détachez-les, et amenez-les-Moi (v. Mt 21,2, Mc 11,2 et Lc 19,30), tandis que Jean n'en parle pas, mais dit simplement : quand Il avait trouvé un ânon. Se contredisent-ils peut-être ? Pas du tout. Ce que les autres ont dit de façon plus détaillée, Jean l'exprime sommairement en disant : quand Il avait trouvé un ânon. Quand les disciples l'avaient délié et amené à Lui, alors Il l'a trouvé et S'est assis dessus. Ce faisant, Il accomplit la prophétie de Zacharie qui dit : Ne crains point, fille de Sion, voici, ton Roi vient à toi, assis sur le petit d'une ânesse. (v. Zach 9,9.) Parce que la plupart des rois de Jérusalem étaient méchants et tyranniques, le prophète dit : «Ne crains point, ô Sion. Le roi que je vous prédis ne sera pas comme les autres, mais doux et humble, sans aucune arrogance». C'est évident par le fait qu'Il vint assis sur un âne. Il n'entra pas dans la cité à la tête d'une armée, mais porté par un âne. Son installation sur un âne est aussi un symbole des choses à venir. Étant impur selon la loi, l'âne représente l'impureté de la race des Gentils, sur lesquels Jésus, le Verbe de Dieu, est assis, soumettant, comme pour un ânon, ce peuple insoumis et sans instruction, cette nouvelle race, et les conduisant dans la vraie Jérusalem, une fois qu'il a été apprivoisé et rendu obéissant à Lui. Le Seigneur n'a-t-Il pas rassemblé les Gentils dans les cieux, une fois qu'ils sont devenus son peuple et ont obéi à sa prédication ? Quant aux palmes, n'indiqueraient-elles pas que Celui qui ressuscita Lazare est devenu le Vainqueur de la mort ? Car les palmes sont décernées à ceux qui sont victorieux dans les jeux et les compétitions. Peut-être indiquent-elles aussi que Celui qui est loué est un Être céleste, venu d'en-haut. De tous les arbres, le palmier est celui qui semble s'élancer, pour ainsi dire, vers le haut, vers les cieux ; il porte du feuillage à son sommet, et la cime produit de jeunes pousses blanches, mais la souche et la section médiane du tronc sont, jusqu'au sommet, rugueuses et dures à grimper, à cause des épines pointues. Ainsi en est-il de celui qui désire acquérir la connaissance du Fils et Verbe de Dieu : il trouvera le chemin dur et abrupt à cause du labeur pour gagner la vertu. Mais quand il est arrivé au pic de la connaissance, il sera accueilli, comme par les pousses les plus blanches du palmier, par la Lumière éclatante de la connaissance divine et la révélation des choses ineffables. Admire avec moi, lecteur, que l'évangéliste n'a pas honte de dévoiler courageusement l'ignorance antérieure des apôtres. Ces choses ne furent pas comprises tout de suite par ses disciples, mais seulement quand Jésus fut glorifié. Par gloire, il entend l'Ascension du Seigneur après la Croix et la Passion. Seulement alors, par la Venue de l'Esprit saint, comprirent-ils que ces choses étaient écrites de Lui. Que ces choses étaient écrites, ils le savaient peut-être ; mais qu'elles concernaient Jésus, ils ne le savaient pas et c'était providentiel. Ils auraient été scandalisés par sa Crucifixion en comprenant que Celui que l'Écriture elle-même avait proclamé Roi a ensuite souffert ces choses.

17-18. Tous ceux qui étaient avec Jésus, quand Il appela Lazare du sépulcre et le ressuscita des morts, Lui rendaient témoignage ; et la foule vint au-devant de Lui, parce qu'elle avait appris qu'Il avait fait ce miracle. Les pharisiens se dirent donc les uns aux autres : Vous voyez que vous ne gagnez rien ; voici, le monde est allé après Lui.


L'évangéliste dit que les gens qui virent le miracle qu'Il avait opéré pour Lazare étaient témoins et hérauts de son Pouvoir. C'est pourquoi Il fut accueilli avec gloire par les gens qui avaient entendu dire et qui crurent qu'Il avait fait ce miracle. S'ils ne l'avaient pas cru, ils ne se seraient pas assemblés si rapidement.