lundi 30 décembre 2013

Dimanche des Ancêtres de Dieu 
– La parabole du souper

Luc 14,16-24
De l'Explication de l'évangile de saint Luc
par le bienheureux Théophylacte, archevêque d'Ochrid et de Bulgarie

16-20. Et Jésus lui répondit : Un homme donna un grand souper, et il invita beaucoup de gens. À l'heure du souper, il envoya son serviteur dire aux conviés : Venez, car tout est déjà prêt. Mais tous unanimement se mirent à s'excuser. Le premier lui dit : J'ai acheté un champ, et je suis obligé d'aller le voir; excuse-moi, je te prie. Un autre dit : J'ai acheté cinq paires de bœufs, et je vais les essayer; excuse-moi, je te prie. Un autre dit : Je viens de me marier, et c'est pourquoi je ne puis aller. Puisque l'homme qui était assis avec Lui à table dit : Heureux celui qui prendra son repas dans le royaume de Dieu ! le Seigneur prend un temps assez long à lui apprendre ce que signifie festoyer avec Dieu, en disant cette parabole. 
Par un homme, le Seigneur entend son Père, l'Ami de l'homme. Chaque fois que l'Écriture évoque le pouvoir punitif de Dieu, Il est appelé un panthère, un léopard ou un ours (Os 13,7-8). Mais chaque fois qu'elle fait allusion à l'Amour de Dieu pour l'homme, Il est présenté comme un homme, comme c'est le cas ici. Puisque la parabole traite de l'extrême Amour de Dieu pour l'homme et de l'Économie divine de l'Incarnation qu'Il opéra en nous, nous rendant participants de la Chair de son Fils, la parabole appelle Dieu un homme et son Économie divine un grand Souper. C'est un souper parce que le Seigneur vint dans les derniers jours, au soir de cette ère, pour ainsi dire. Et ce souper est grand parce que grand est, en effet, comme nous le confessons, le mystère de notre salut. (I Tim 3,16) À l'heure du souper, il envoya son serviteur. Qui est ce serviteur ? Le Fils de Dieu, qui assuma la forme d'un serviteur et devint homme, et Il fut envoyé en tant qu'homme, est-il dit. Notez qu'Il ne dit pas : «un serviteur», mais au lieu de cela, employant l'article défini, le serviteur (de lui) .
Le Christ est le seul et unique Serviteur qui fût, dans sa nature humaine, parfaitement obéissant et plût à Dieu. Car le Christ plaît au Père non seulement en tant que Fils et Dieu, mais aussi en tant qu'Homme. Il est l'Unique sans péché, qui réalisa tous les décrets et commandements du Père et accomplit toute justice, et en ce sens, Il est dit de servir Dieu le Père. Lui seul peut être appelé le vrai Serviteur de Dieu. Il fut envoyé à l'heure du souper, c'est-à-dire, au temps assigné et approprié. Car il n'y avait aucun autre moment opportun pour notre salut que le règne de César Auguste, lorsque l'iniquité atteignit son sommet et la purification devenait indispensable. Exactement comme les médecins laissent éclater un abcès suppurant et malin pour libérer tout son pus malodorant, et n'appliquent qu'alors le remède, de même il était nécessaire que le péché manifestât d'abord toutes ses formes, et que le Grand Médecin appliquât alors son remède. C'est juste pour cette raison que le Seigneur attendit que le diable remplît la pleine mesure d'iniquité, et c'est alors que le Fils de Dieu prit chair pour guérir toutes formes d'iniquité par tous les aspects de sa sainte Vie. Par conséquent, Il fut envoyé à cette heure, c'est-à-dire, à cette époque convenable et opportune, dont David dit : «Ceins ton épée à ton côté, vaillant guerrier, dans ta Splendeur et ta Beauté» . L'épée ici signifie le Verbe de Dieu (Heb 4,12), tandis que les mots à ton côté indiquent sa Nativité dans la chair qui fut en beauté, c'est-à-dire, au moment juste et approprié. Il fut envoyé pour parler à ceux qui furent appelés. Qui sont ceux qui furent appelé? Peut-être cela se réfère-t-il à tous les hommes. Car Dieu a appelé tous à la connaissance de Lui-même, au moyen de l'ordre et de l'harmonie de la création visible, et au moyen de la loi naturelle. Mais ceux qui furent appelés sont aussi, de façon plus spécifique, les enfants d'Israël, qui furent appelés par la Loi et les Prophètes. En premier lieu donc, le Seigneur fut envoyé aux brebis de la maison d'Israël. (Mt 15,24) Le Seigneur disait à tous les Juifs : Venez, car tout est déjà prêt, quand Il proclama la bonne nouvelle que le royaume des cieux est proche (Mt 4,17), et au milieu de vous (Lc 17,21).
Et tous unanimement se mirent à s'excuser, c'est-à-dire, comme sur un signe. Car tous les chefs des Juifs refusèrent d'avoir Jésus comme leur roi, et ainsi ils furent trouvés indignes du souper, l'un à cause de son amour de la richesse, l'autre à cause de son amour du plaisir. L'homme qui avait acheté un champ, et celui qui avait acheté cinq paires de bœufs signifient ceux qui aiment la richesse, tandis que l'homme qui avait épousé une femme signifie ceux qui aiment le plaisir. En outre, l'homme qui avait acheté un champ signifie l'homme qui ne peut pas accepter le mystère de la foi parce qu'il est gouverné par la sagesse de ce monde. Le champ représente le monde, et en général, la nature, et l'homme qui doit aller voir son champ est celui qui voit seulement la nature, et ne peut accepter ce qui est au-delà de la nature. Donc le pharisien, par exemple, «voit son champ», c'est-à-dire, il considère seulement les lois de la nature et ne peut pas accepter qu'une vierge donne naissance à Dieu, parce que c'est au-delà de la nature. Puisqu'ils examinent ce «champ», c'est-à-dire, la nature, aucun de ceux qui se targuent de sagesse extérieure n'ont reconnu Jésus, qui renouvela la nature. L'homme qui avait acheté cinq paires de bœufs, et les essaya, représente aussi un homme qui aime le monde matériel. Il a attelé les cinq sens de l'âme aux cinq sens du corps et a transformé l'âme en chair. Pour cette raison, il se soucie seulement de la terre et ne désire pas communier au Souper raisonnable, car comme dit la Sagesse : Comment deviendrait-il sage celui qui gouverne la charrue ? «Ec 38,25). Celui qui s'attarde à cause d'une épouse est un ami du plaisir, qui s'est dévoué à la chair, partenaire de l'âme. En s'accrochant à la chair, il ne peut plaire à Dieu. Vous pouvez entendre ces choses aussi bien littéralement. Nous nous éloignons également de Dieu à cause de champs, à cause de paires de bœufs, à cause de mariages, quand nous devenons si attachés à ceux-ci qu'ils consument notre vie entière et que nous nous laissons emporter jusqu'au point de verser notre sang pour eux. Alors il n'y a pas de pensée ou de paroles divines que nous puissions pratiquer, ou même simplement comprendre.
21-24. Le serviteur, de retour, rapporta ces choses à son maître. Alors le maître de la maison irrité dit à son serviteur : Va promptement dans les places et dans les rues de la ville, et amène ici les pauvres, les estropiés, les aveugles et les boiteux. Le serviteur dit : Maître, ce que tu as ordonné a été fait, et il y a encore de la place. Et le maître dit au serviteur : Va dans les chemins et le long des haies, et ceux que tu trouveras, contrains-les d'entrer, afin que ma maison soit remplie. Car, je vous le dis, aucun de ces hommes qui avaient été invités ne goûtera de mon souper. 

Les gouverneurs des Juifs furent rejetés, et pas un seul d'eux ne crut au Christ. Et ils se vantaient même de leur malice, disant : Y a-t-il quelqu'un des chefs ou des pharisiens qui ait cru en Lui ? (Jn 7,48) Donc ces docteurs de la  loi et ces scribes, comme dit le prophète, devinrent insensés et tombèrent en disgrâce. Mais les simples parmi les Juifs sont comparés aux boiteux, aux aveugles et aux estropiés. Ce sont les insensés selon le monde, les humbles, qui furent appelés. Car la multitude s'émerveilla des paroles de grâce qui sortaient de la Bouche de Jésus, et ils se réjouissaient de son enseignement. Mais après la venue à Lui de ceux parmi les fils d'Israël, c'est-à-dire, parmi les élus, que Dieu avait prédestinés pour sa Gloire, tels que Pierre et les fils de Zébédée et les dizaines de milliers de Juifs qui crurent, la Bonté de Dieu fut déversée aussi sur les Gentils. Car ceux qui sont dans les chemins et le long des haies signifient les Gentils. Les Israélites étaient à l'intérieur de la cité, en ce qu'ils avaient reçu la Loi et hérité d'une manière de vivre civique et morale. Mais les Gentils étaient étrangers aux Testaments, et la Loi du Christ leur était étranger. Ils n'étaient pas concitoyens des saints, et ne voyageaient pas sur le seul sentier véridique, mais suivaient plutôt beaucoup de chemins d'illégalité et de grossièreté, et se trouvaient dans les haies, c'est-à-dire, dans les péchés. Car le péché est une grande haie et une cloison qui nous séparent de Dieu. Par chemins, Il entend la façon de vivre grossière des Gentils, qui les mena à tant de fausses croyances. Par haies, Il entend leur vie de péchés. Le maître ne commanda pas à son serviteur d'appeler simplement tous ceux qui sont sur les chemins et dans les haies, mais de les contraindre d'entrer, bien que chaque homme soit libre de croire ou non. Mais Il se sert du mot contraindre pour nous enseigner que c'est un signe de la grande Puissance de Dieu que les Gentils, qui avaient été dans une telle ignorance, se mirent à croire. Si le pouvoir de la prédication et la puissance de la Parole de Vérité n'avaient pas été aussi grands, comment des gens qui étaient rendus fous par le culte des idoles et pratiquaient des choses épouvantables auraient-ils pu être soudain persuadés à connaître le vrai Dieu, et à mener à bien une vie spirituelle ? Il appela cela une «contrainte», pour montrer le caractère miraculeux de leur changement. On pourrait dire que les Grecs païens ne voulaient pas quitter leurs idoles et leurs riches festins, ils furent cependant contraints de les fuir par la Vérité de l'Évangile. Aussi, le pouvoir des miracles qu'Il opérait était une forte pression qui les entraîna à se convertir à la foi en Christ. Chaque jour, ce souper est préparé et nous sommes tous invités au royaume que Dieu a préparé pour l'homme avant même la fondation du monde. Mais nous ne sommes pas dignes de ce souper – certains d'entre nous à cause de vaines rêvasseries philosophiques, d'autres à cause de l'amour des choses matérielles, encore d'autres à cause des plaisirs de la chair. Mais Dieu, dans son Amour pour l'homme, dispense gratuitement ce royaume aux autres pécheurs, aux aveugles qui n'ont pas de vision spirituelle pour percevoir la Volonté de Dieu; ou s'ils peuvent la percevoir, à ceux qui sont boiteux et incapables de faire un pas pour faire la Volonté de Dieu. En somme, Il accorde le royaume des cieux à tous les pauvres qui sont tombés loin de la Gloire d'en haut, et même aux estropiés qui ne peuvent pas manifester en eux-mêmes une vie  irréprochable. Pour inviter au Souper ces pécheurs qui vagabondent dans les rues et les larges avenues du péché, le Père envoie son Fils, devenu un Serviteur selon la chair, et qui n'est pas venu pour appeler les justes, mais les pécheurs. Tous ceux-là, Il les régale généreusement, à la place de l'habile, du riche, et de ceux qui se livrent à la chair. Par les jugements connus de Lui seul, Il envoie des maladies et des dangers à beaucoup, les amenant, même malgré eux, à renoncer à cette vie. C'est ainsi qu'Il les mène à son Souper, les «contraignant» au moyen des dangers. Il y a beaucoup d'exemples de cela. Comprise d'une façon plus simple, cette parabole nous enseigne aussi à favoriser les pauvres et les boiteux plutôt que les riches, exactement comme Il nous a exhortés à faire un peu plus tôt. (Lc 14,13-14) C'est pour cette raison qu'Il dit cette parabole, pour confirmer que nous devons donner l'hospitalité aux pauvres. Et cela nous enseigne aussi le devoir d'être si empressés et généreux à accueillir nos frères que, même s'ils sont réticents, nous devions les contraindre à participer de nos bonnes choses. C'est aussi un bon conseil pour des maîtres : enseignez ce qui est nécessaire, même si les disciples sont peu disposés.

samedi 21 décembre 2013

FÊTE DE LA CONCEPTION DE SAINTE ANNE


Il se peut que j’aie déjà écrit quelque chose sur la fête de la Conception de sainte Anne, mais comme ma mémoire me joue souvent de mauvais tours …
Cette fête se célèbre au moment où les jours commencent à rallonger et que donc la lumière reprend le dessus. C’est par la Conception que le plan du salut s’est mis en place. Le commencement du salut, par contre, a débuté lors de l’Annonciation, comme dit le tropaire : «Aujourd’hui c’est le commencement de notre salut et la manifestation du mystère éternel …»
Les pères ont donc fixé la fête de la Conception en ce temps-ci où la lumière s’accroît, afin de faire coïncider ce symbole qu’est l'accroissement de la lumière avec la réalité qu’est la Conception de la Toute-Sainte dans le sein de sainte Anne.
Voici ce que disent les textes liturgiques de la fête : «Le nouveau ciel, c'est Anne qui dans son sein le construit sur l'ordre du Dieu Créateur : de lui s'est levé le Soleil sans couchant illuminant de ses rayons divins le monde entier dans son amour du genre humain et sa miséricorde infinie.» (Matines, cathisme 1)
«En ce jour le voile est déchiré, celui qui de son ombre recouvrait la Loi; grâce et bénédiction sont prêtes à sortir, leur clarté rayonne en la proclamation du futur enfantement de la servante du Seigneur.» (Matines ode 4)
«Du salut voici qu'est affermi le fondement, la base de la grâce, c'est la présente Conception : en elle naît le merveilleux espoir des hommes qui sans cesse chantent pour le Christ : À toi bénédiction et haute gloire !» (Matines ode 7)
Réjouissons-nous donc lors de cette fête, et ne nous lançons pas vers la lumière comme des hiboux, mais comme vrais fils de la Lumière !



archimandrite Cassien

lundi 9 décembre 2013

INTRONISATION

Hier, lors des vêpres du dimanche soir (8/25 décembre) fut intronisé le nouvel archevêque, Mgr Stéphane d’Athènes, dans la cathédrale d’Ilioupolis.

mercredi 4 décembre 2013

Homélie sur l'Entrée de l'Enfantrice de Dieu au Temple

de saint Grégoire Palamas

Si un arbre est connu par son fruit, et qu'un bon arbre porte de bons fruits (Mt 7,17; Lc 6,44), alors la Mère de la Bonté elle-même, elle qui porta la Beauté éternelle, n'est-elle pas incomparablement plus excellente que tout bien, que ce soit dans ce monde ou dans celui d'en haut ? Par conséquent, l'Image coéternelle et identique de la Bonté, prééternelle, transcendant tout être, Lui qui est le Verbe préexistant et bon du Père, touché par son indicible Amour pour le genre humain et sa Compassion pour nous, S'est revêtu de notre image, afin qu'Il puisse se réapproprier pour Lui-même notre nature qui avait été entraînée de force jusqu'aux fins fonds de l'Hadès, afin de renouveler cette nature corrompue et de l'élever jusqu'aux hauts des cieux. À cet effet, Il avait dû assumer une chair qui était à la fois nouvelle et la nôtre, afin qu'Il puisse nous refaçonner à partir de nous-mêmes. Maintenant, Il trouve une servante qui convient parfaitement à ces nécessités, et qui Lui fournit sa propre nature intacte, la Toujours-Vierge que nous chantons maintenant, et dont nous célébrons aujourd'hui l'Entrée miraculeuse au Temple, dans le Saint des Saints. Dieu la prédestina avant les siècles pour le salut et la réappropriation de notre race. Elle fut choisie, non pas juste dans la foule, mais dans les rangs des élus de tous les âges, connus pour leurs piété et intelligence, ainsi que pour leurs paroles et actes agréables à Dieu.
Au commencement, il n'y en avait qu'un pour s'élever contre nous : l'auteur du mal, le serpent, qui nous entraîna dans l'abîme. Beaucoup de raisons l'incitèrent à s'élever contre nous, et il y avait de nombreux moyens par lesquels il asservit notre nature : l'envie, la rivalité, la haine, l'injustice, la perfidie, la ruse, etc. En plus de tout cela, il a aussi, en lui, le pouvoir d'apporter la mort, qu'il engendra lui-même, étant le premier à s'éloigner de la vraie vie.
L'auteur du mal était jaloux d'Adam, quand il le vit être conduit de la terre au ciel, d'où lui, il a été, à juste titre, jeté en bas. Plein d'envie, il se jeta sur Adam avec une terrible férocité, et souhaita même le revêtir de l'habit de la mort. L'envie est génératrice non  seulement de la haine, mais aussi du meurtre, que ce serpent haïssant l'homme provoqua en nous. Car il voulait être maître de ce qui est né sur terre pour la ruine de celui qui a été créé à l'image et à la ressemblance de Dieu. Puisqu'il n'était pas assez courageux pour attaquer directement, il eut recours à la ruse et à la tromperie. Cet intrigant vraiment terrible et malicieux prétendit être un ami et un conseiller utile en assumant la forme physique d'un serpent, et il parvient, hélas, en cachette, à atteindre son but. Par son conseil opposé à Dieu, il insuffle dans l'homme son propre pouvoir apportant la mort, comme un poison.
Si Adam avait été assez fort pour garder le commandement divin, il se serait montré alors vainqueur de son ennemi, et aurait résisté à sa mortelle attaque. Mais puisqu'il s'abandonna volontairement au péché, il fut vaincu et fait pécheur. Comme il est la racine de notre race, il nous a produits comme des pousses portant la mort. Ainsi, il était nécessaire pour nous, pour prendre revanche sur sa défaite et proclamer sa victoire, de nous débarrasser de ce poison mortel dans l'âme et le corps, et d'absorber la vie, éternelle et indestructible.
Il était nécessaire pour nous d'avoir une nouvelle racine pour notre race, un nouvel Adam, non pas Un qui soit simplement sans péché et invincible, mais Un qui soit capable aussi de pardonner nos péchés et de libérer du châtiment ceux qui y étaient sujets. Et qui non seulement eût la vie en Lui, mais aussi la capacité de restaurer la vie, de sorte qu'Il pût aussi accorder à ceux qui Lui sont fidèles, et qui Lui sont liés par la race, la vie et le pardon des péchés, restaurant à la vie non seulement ceux qui vinrent après Lui, mais aussi ceux qui étaient déjà morts avant Lui. Par conséquent, saint Paul, cette formidable trompette de l'Esprit saint, s'exclame : «Le premier homme, Adam, devint une âme vivante. Le dernier Adam est devenu un esprit vivifiant …» (I Cor 15,45)
Dieu excepté, il n'y a personne qui soit sans péché, ou créateur de vie, ou capable de remettre le péché. Par conséquent, le nouvel Adam doit être non seulement Homme, mais aussi Dieu. Il est à la fois Vie, Sagesse, Vérité, Amour, Miséricorde, et toutes les autres bonnes choses, afin qu'Il puisse renouveler le vieil Adam et le restaurer à la vie par la miséricorde, la sagesse et la justice. Ce sont les contraires des choses que l'auteur du mal utilisa pour apporter la vieillesse et la mort.

Comme le meurtrier de l'humanité s'éleva contre nous avec envie et haine, ainsi la Source de la Vie fut élevée [sur la Croix] par sa Bonté et son Amour incommensurables pour le genre humain. Il désira intensément le salut de sa créature, c'est-à-dire que sa créature soit restaurée par Lui-même. Contrairement à cela, l'auteur du mal voulait ruiner la créature de Dieu, et par là même soumettre le genre humain à son propre pouvoir, et nous affliger de façon tyrannique. Et exactement comme il acheva la conquête et la chute du genre humain au moyen de l'injustice et de la ruse, par tromperie et sa supercherie, ainsi le Libérateur amena la défaite de l'auteur du mal et la restauration de sa propre créature par la Vérité, la Justice et la Sagesse.
C'était un acte de la justice parfaite que notre nature, qui était volontairement asservie et détruite, reprît la lutte pour la victoire et se défît de son asservissement volontaire. Par conséquent, Dieu daigna recevoir de nous notre nature, S'unissant hypostatiquement à elle d'une façon merveilleuse. Mais il était impossible d'unir cette Nature très haute, dont la pureté est incompréhensible par la raison humaine, à une nature pécheresse, avant qu'elle ne fût purifiée. Par conséquent, pour la Conception et la Naissance du Donateur de la pureté, une Vierge toute pure et parfaitement sans tache était requise.
Aujourd'hui, nous célébrons la mémoire des choses qui contribuèrent, ne serait-ce qu'une fois, à l'Incarnation. Lui qui est Dieu par nature, le Verbe et Fils de Dieu sans commencement et coéternel au Père transcendant, devient le Fils de l'homme, le Fils de la Toujours-Vierge. «Jésus Christ est le même hier, aujourd’hui, et éternellement» (Heb 13,8), immuable dans sa Divinité et irréprochable dans son Humanité, Lui seul, comme l'avait prédit le  prophète Isaïe, «ne commit point de violence et il n’y eut point de fraude dans sa Bouche.» (Is 53,9) Lui seul ne fut ni engendré dans l'iniquité, ni conçu dans le péché, contrairement à ce que dit le prophète David de lui-même et de chaque homme; (Ps 50,5) Même dans ce qu'Il assume, Il est parfaitement pur et n'a pas besoin de Se purifier. Mais pour nous, Il accepta purification, souffrance, mort et résurrection, afin qu'Il pût nous les transmettre.
Dieu est né de la sainte Vierge sans tache, ou pour mieux dire, de la très pure et toute sainte Vierge. Elle est au-dessus de toute souillure charnelle, et même de toute pensée impure. Sa conception n'était pas l'effet de la concupiscence charnelle, mais du très saint Esprit, qui la couvrit de son ombre. Un tel désir lui étant complètement étranger, c'est par la prière et la promptitude spirituelle qu'elle déclara à l'ange : «Je suis la servante du Seigneur ; qu’il me soit fait selon ta parole» (Lc 1,38), et qu'elle conçut et enfanta. Donc pour rendre la Vierge digne de ce but sublime, Dieu marqua cette Fille toujours-vierge que nous honorons maintenant, depuis avant les siècles, et depuis l'éternité, la choisissant parmi ses élus.
Faites attention donc au moment où ce choix a commencé. Des fils d'Adam, Dieu choisit le merveilleux Seth, qui se montra un ciel vivant par son comportement seyant, et par la beauté de ses vertus. C'est pourquoi il fut choisi, et de lui, la Vierge s'épanouit comme un char divinement seyant à Dieu. Elle était requise pour enfanter et pour rassembler ceux de la terre pour la filiation céleste. Pour cette raison aussi, tout le lignage de Seth fut appelé «fils de Dieu», parce que de ce lignage un fils d'homme allait naître Fils de Dieu. Le nom Seth signifie surgissement ou  résurrection, ou, plus spécifiquement, il signifie le Seigneur qui promet et accorde la vie immortelle à tous ceux qui croient en Lui.
Et combien précisément exact est ce parallèle ! Seth naquit d'Ève, comme elle l'a dit elle-même, à la place d'Abel, que Caïn avait tué par jalousie (Gn  4,25); et Christ, le Fils de la Vierge, naquit pour nous à la place d'Adam, que l'auteur du mal avait tué également par jalousie. Seulement Seth n'a pas ressuscité Abel, puisqu'il était seulement un archétype de la résurrection. Mais notre Seigneur Jésus Christ a ressuscité Adam, puisqu'Il est la Vie même et la Résurrection de ceux qui sont nés sur la terre, pour l'amour desquels les descendants de Seth reçoivent la divine adoption en espérance, et sont appelés enfants de Dieu. C'était à cause de cette espérance qu'ils étaient appelés fils de Dieu, comme il est évident d'après l'Unique qui fut appelé ainsi le premier, le successeur dans le choix. Ce fut Énoch, le fils de Seth, qui, comme Moïse l'écrivit, commença, le premier, à invoquer le Nom du Seigneur. (Gn 4,26)
De cette manière, le choix de la future Mère de Dieu, commençant par les fils même d'Adam et continuant à travers toutes les  générations des temps, par la Providence de Dieu, passe au Roi-Prophète David et les successeurs de sa royauté et son lignage. Quand le moment choisi fut venu, alors de la maison et de la postérité de David, Joachim et Anne sont choisis par Dieu. Bien qu'ils fussent sans enfant, ils étaient, par leur vie de vertu et leur bonne disposition, les meilleurs de tous les descendants de la ligne de David, et dans leurs prières, ils supplièrent Dieu de les délivrer de leur stérilité, et promirent de Lui consacrer leur enfant dès son bas âge. C'est par Dieu Lui-même que la Mère de Dieu fut proclamée et donnée à eux comme enfant, pour que la toute-vertueuse enfant fût élevée par des parents aussi vertueux. De cette manière donc, la chasteté unie à la prière fructifia en produisant la Mère de la virginité, donnant naissance dans la chair à Celui qui naquit de Dieu le Père, avant les siècles.
Maintenant que les justes Joachim et Anne virent leur désir  accordé, et la promesse divine faite à eux réalisée dans le fait, alors eux, de leur part, comme de vrais amants de Dieu, se hâtèrent de remplir le vœu qu'ils avaient fait à Dieu, dès que l'enfant fut sevrée. Ils ont conduit alors cette enfant de Dieu véritablement sanctifiée, maintenant la Mère de Dieu, cette Vierge, au Temple de Dieu. Et elle, remplie de Dons divins dès cet âge si tendre, elle, plutôt que d'autres, détermina ce qui lui serait fait. À sa manière, elle montra qu'elle n'était pas tant présentée au Temple, mais qu'elle allait elle-même entrer au service de Dieu, de son propre accord, comme si elle eût des ailes, aspirant à cet amour sacré et divin. Elle considéra désirable et convenable qu'elle entrât au Temple et vécût dans le Saint des Saints.
Par conséquent, le grand prêtre, voyant que cette enfant, plus que d'autres, avait en elle de la divine Grâce, souhaita l'installer à l'intérieur du Saint des Saints. Il convainquit tous ceux qui étaient présents d'accueillir cela, puisque c'était Dieu qui l'avait anticipé et approuvé. Par son ange, Dieu assista la Vierge et lui envoya de la nourriture mystique, par laquelle sa nature était fortifiée, pendant que son corps arrivait à maturité et fut fait plus pur et plus exalté que les anges, ayant les esprits célestes pour serviteurs. Elle fut conduite dans le Saint des Saints, non pas seulement pour une fois, mais fut acceptée par Dieu d'y séjourner avec Lui pendant toute sa jeunesse, afin que par elle, les demeures célestes pussent être ouvertes et données comme éternelles habitations à ceux qui croient à son miraculeux enfantement.
C'est ainsi, et c'est pourquoi elle, depuis le commencement du temps, fut choisie parmi les élus. Elle qui est manifestée comme le Saint des Saints, qui a un corps plus pur même que les esprits purifiés par la vertu, est capable de recevoir le Verbe hypostatique du Père sans commencement. Aujourd'hui, la toujours-vierge Marie, comme un Trésor de Dieu, est conservée dans le Saint des Saints, afin qu'en temps voulu, (comme cela s'est passé plus tard) elle serve d'enrichissement et d'ornement au monde entier. Par conséquent, le Christ Dieu glorifie aussi sa Mère, avant la naissance comme après la naissance.
Nous qui comprenons le salut commencé pour nous par la très sainte Vierge, nous lui rendons grâce et louange selon notre capacité. Et vraiment, si la femme reconnaissante (dont nous parle l'évangile), après avoir entendu les paroles salvatrices du Seigneur, bénit et remercia sa Mère, élevant sa voix au-dessus de la clameur de la foule, disant au Christ, «Heureux le sein qui t’a porté ! heureuses les mamelles qui t’ont allaité !» (Lc 11,27), alors nous qui avons les paroles de la Vie éternelle, écrites pour nous en toutes lettres, et non seulement les paroles, mais aussi les miracles et la Passion, et la résurrection des morts de notre nature, et son ascension de la terre au ciel, la promesse de la vie immortelle et le salut inaltérable, comment ne chanterions-nous et ne bénirions-nous alors sans cesse la Mère de l'Auteur de notre salut et du Donateur de Vie, célébrant sa conception et son enfantement et maintenant son Entrée dans le Saint des Saints ?
Maintenant, frères, transportons-nous des choses terrestres aux célestes. Changeons notre chemin de la chair à l'esprit. Changeons notre désir des choses temporelles à celles qui perdurent. Méprisons les délices de la chair, qui servent à séduire notre âme et disparaissent. Désirons les dons spirituels, qui restent intacts. Détournons notre raison et notre attention des soucis terrestres et élevons-les aux demeures inaccessibles des Cieux, au Saint des Saints, où réside maintenant la Mère de Dieu.

Par conséquent, de cette manière nos chants et prières à elle trouveront accès, et ainsi par sa médiation, nous serons héritiers des biens éternels à venir, par la Grâce et l'Amour pour l'homme de Celui qui est né d'elle pour nous, notre Seigneur Jésus Christ, à qui soient gloire, honneur et adoration, avec son Père sans commencement et son Esprit coéternel et créateur de vie, maintenant et toujours et aux siècles des siècles. Amen.

lundi 2 décembre 2013

UN DIEU QUI MARCHE

    Lorsque les Israélites voyaient que Moïse tardait à descendre de la montage, ils demandaient à Aaron : «Allons ! fais-nous un dieu qui marche devant nous, car ce Moïse, cet homme qui nous a fait sortir du pays d’Égypte, nous ne savons ce qu’il est devenu.» (Ex 32,1) Aaron leur fit donc un «veau en fonte» (Ibid., 4), une idole, telle les dieux des autres nations. La Colère de Dieu s’enflamma contre ce peuple «au cou raide»,  non à cause de leur demande d’avoir un dieu visible, palpable et compréhensible, mais à cause de l’idole qu'ils se sont fabriquée. 
    Des siècles après, le Seigneur-Dieu réalisa enfin cette demande en S’incarnant, en S’abaissant à notre niveau afin de nous élever au niveau de Dieu. Il est devenu un Dieu qui marche. «Ce que nous avons entendu, ce que nous avons vu de nos yeux, ce que nous avons contemplé et que nos mains ont touché, concernant la parole de vie,» dit l’apôtre Jean dans sa première lettre (I Jn 1,1)
    Le Sauveur a assumé toutes nos faiblesses et S’est chargé de nos péchés. Quand on est tombé une fois malade on sait compatir aussi avec les autres malades, tandis que Celui qui n'a jamais été malade ne sait qu’abstraitement ce qu’est la maladie. Notre Dieu n’est donc pas devenu seulement «un Dieu qui marche» mais aussi le Dieu compatissant qui a éprouvé dans sa Chair toutes nos souffrances. «Regardez et voyez s’il est une douleur pareille à ma douleur, à celle dont j’ai été frappé !» (Lam 1,12) 
Celui qui «forme avec les eaux le faîte de sa demeure; prend les nuées pour son char, s’avance sur les ailes du vent,» (Ps 104,3) – images pour exprimer la Gloire et la Splendeur du Très-Haut – dans son Abaissement, «fatigué du voyage, était assis au bord du puits.» (Jn 4,6)
Qu’est-ce que le Christ aurait pu faire de plus pour nous ? Comment aurait-Il pu exprimer et montrer davantage son Amour infini pour sa créature ? «Quel Dieu est semblable à Toi, qui pardonnes l’iniquité, qui oublies les péchés du reste de ton héritage ? Il ne garde pas sa colère à toujours, car Il prend plaisir à la miséricorde.» (Michée 7,18) 
    Même si le Christ n’est plus en sa Chair, visiblement, parmi nous, Il Se fait contempler dans ses icônes et se communique dans les saintes Espèces sous forme du pain et du vin, tenant compte de nos faiblesses, en attendant son Retour glorieux, quand nous Le verrons éternellement dans son Humanité et que notre humanité sera délivrée de ses entraves et sera déifiée.


archimandrite Cassien