samedi 27 janvier 2024

Sermon pour le 12ème dimanche de Luc

 Sur les dix lépreux 



Par le moine Agapios Landos de Crète (1585-1657)


Ces dix lépreux, de la manière la plus succincte, fournissent une image de l'ensemble de la nature humaine, qui était entièrement lépreuse et rendue inutile par le péché. Elle [la nature humaine] avait été expulsée à juste titre de la Jérusalem d'en haut, c'est-à-dire du paradis, tout comme les lépreux avaient été exilés de la Jérusalem [terrestre]. Ils ne pouvaient être guéris par un prêtre, un lévite, un prophète ou toute autre personne, pas même par un ange, à moins que le puissant conseil du Très-Haut, le Messager co-éternel et Celui qui est consubstantiel à Dieu, ne descende du ciel et ne devienne humainement humain afin de nous sauver, nous les humains. Nous étions donc tous atteints de cette lèpre. Aucun d'entre nous n'était exempt de péché, à l'exception de ceux que le Seigneur Christ, qui est plein de sagesse, avait purifiés. 

Aujourd'hui aussi, qui parmi nous n'a pas cette lèpre du péché sur lui ? Personne. Qui peut se vanter de n'avoir aucun péché sur la conscience ? L'avarice est une lèpre grave et une passion incurable, car de même que la lèpre consume et ronge le corps, de même l'avarice dévore l'âme et la corrompt. Il en est de même des autres vices, tels que la débauche, l'adultère et tous les autres péchés, qui sont une lèpre non soignée, dont on ne peut guérir que si l'on se précipite vers le Seigneur Christ, le Médecin tout-puissant, et que l'on crie à haute voix : «Seigneur, sauve-moi : Seigneur, sauve-moi». Mais le Seigneur n'a pas voulu les sauver sur-le-champ, bien qu'il aurait pu le faire; il les a envoyés aux prêtres, pour nous indiquer qu'il a donné aux prêtres l'autorité de guérir chaque malade.

La repentance a une telle puissance et une telle grâce que dès que nous faisons la démarche, de bonne foi et avec un cœur contrit, d'aller vers notre confesseur et de lui dire nos péchés, nous recevons invisiblement, avant même d'arriver, le pardon et la guérison de Dieu, tout comme les lépreux étaient purifiés avant d'arriver aux prêtres. Certains disent qu'ils ne vont pas confesser leurs péchés, parce qu'il suffit que le Seigneur les connaisse déjà. Quelle folie et quelle vanité ! Bien sûr, Dieu les connaît, bande de crétins, mais si vous n'allez pas les confesser au prêtre, qui est le représentant de Dieu, vous ne serez pas sauvés. Si quelqu'un a une plaie ouverte et ne la montre pas au médecin pour qu'il lui donne le médicament approprié, il ne sera pas guéri. De même, si un pécheur ne révèle pas ses passions à son confesseur, il ne sera pas guéri. Trouvons donc le moyen d'enlever la lèpre de notre âme, d'acquérir une purification parfaite par la confession. Et puis, une fois guéris, ne soyons pas comme les neuf, ingrats pour la grâce qu'ils ont reçue, mais imitons l'un d'entre eux, comme ayant un bon esprit, et remercions chaque jour Dieu de nous avoir guéris. Même si Dieu ne manque de rien, c'est-à-dire qu'il ne veut rien de nous, nous bénéficions grandement des remerciements que nous lui rendons.

Nous devenons plus proches de ses amis familiers, plus consciencieux dans l'observation de ses commandements rédempteurs; nous nous souvenons de ses bons dons et devenons ainsi les héritiers des bénédictions futures de la félicité éternelle, à laquelle nous pouvons tous parvenir, dans le Christ notre Dieu, à qui appartiennent la gloire et la domination, toujours, dans les siècles des siècles. Amen.


lundi 22 janvier 2024

LE DIMANCHE APRÈS L'ÉPIPHANIE

 «En ce temps-là, Jésus, ayant appris l'arrestation de Jean, regagna la Galilée et, quittant Nazareth, vint s'établir à Capharnaüm, au bord de la mer, sur les confins de Zabulon et de Nephtali. Ainsi devait s'accomplir cet oracle du prophète Isaïe : «Terre de Zabulon, terre de Nephtali, route de la mer, pays de Transjordane, Galilée des nations ! Le peuple qui se trouvait dans les ténèbres a vu une grande lumière, sur ceux qui habitaient les obscurs parages de la mort une lumière a resplendi.» À partir de ce moment Jésus se mit à prêcher ainsi : Repentez-vous, car il est proche, le royaume des cieux.» (Mt 4,12-17)



L’évangile d’aujourd’hui traite du commencement de la mission de Jésus. Pendant trente ans le Messie patienta à Nazareth, soumis à ses parents. «Jésus lui-même commençait d’avoir environ trente ans.» (Luc 3,23) Ce n’est que quand le Précurseur fut mis en prison, – dont il ne sortit pas vivant, – que le Christ débuta sa mission et se mit à prêcher l’évangile. Il fallait que la mission de Jean s’acheva d’abord, «celui qui crie dans le désert, Préparez le chemin du Seigneur, faites droits ses sentiers.» (Mc 1,3) Jean disait aussi : «celui qui vient après moi.» (Mt 3,11) Peu avant, ce même Jean baptisa le Christ, un baptême «pour la repentance.» Le Sauveur, le pur sans péché, n’avait nullement besoin de ce baptême, mais se laissa baptiser à notre place. Le Baptiste baptisait d’eau tandis que le Sauveur baptisait d’«Esprit saint et de feu.» (Mt 2,11) Il fallait donc que la préparation s’accomplisse avant que l’œuvre réelle du salut commence. Les messages de Jean et de Jésus pourtant étaient les mêmes : «Repentez-vous, car il est proche, le royaume des cieux,» disait le Christ et Jean : «Produisez donc du fruit qui convienne à la repentance.» (Mt 3,8)

En parlant de Zabulon et de Nephtali, on peut penser à Chorazin et à Bethsaïde, qui se trouvaient à proximité et dont il est dit : «Malheur à toi, Chorazin ! malheur à toi, Bethsaïda ! car si les miracles qui ont été faits au milieu de vous eussent été faits dans Tyr et dans Sidon, il y a longtemps qu’elles se seraient repenties.» (Luc 10,13)

Avant de débuter sa mission, Jésus fut tenté par le diable, et une fois le malin vaincu, il se sentit prêt pour affronter sa mission.

Peu avant, aux noces de Cana, le Seigneur fait son premier miracle, malgré le fait que son «heure n’est pas encore venue.» (Jn 2,4) Il anticipa sur l’instance de sa Mère, et finalement quand Jean fut mis en prison, l’heure de Dieu était venue, – le Christ était préparé et prêt pour accomplir l’œuvre du salut.

Quelques mots encore des pères pour compléter :

« Mais il faut examiner avec soin comment saint Jean a pu dire que le Sauveur avait été dans la Galilée avant que saint Jean-Baptiste eût été mis en prison; car c’est après le changement de l’eau en vin, après le séjour de Jésus à Capharnaüm, après son retour à Jérusalem, que, d’après le récit de saint Jean, il revint dans la Judée, et qu’il y baptisa. Or, à cette époque Jean-Baptiste n’était pas encore incarcéré. Ici au contraire, comme dans saint Marc, nous lisons que Jésus se retira en Galilée après que Jean-Baptiste fut arrêté. Il n’y a toutefois aucune contradiction. Car saint Jean l’Évangéliste raconte le premier voyage du Sauveur dans la Galilée, voyage qui eut lieu avant l’incarcération de Jean-Baptiste. Ailleurs il fait mention en ces termes d’un second voyage dans la même contrée : «Jésus quitta la Judée, et revint de nouveau dans la Galilée,» et c’est de ce second voyage seulement qui eut lieu après que Jean-Baptiste eût été jeté en prison, que les autres Évangélistes font mention.» (Rémi)

«Jésus n’a point prêché avant que Jean-Baptiste fût mis en prison, pour ne pas diviser la multitude. C’est pour une raison semblable que Jean ne fit pas de miracle (cf. Jn 10,41), pour laisser au Sauveur le moyen d’attirer tous les hommes à lui.» (Saint Jean Chrysostome; homélie 14 sur saint Matth.)

« Cette mer dont parle ici l’Évangéliste, n’est autre que le lac de Génézareth, qui est formé par les eaux du Jourdain. Sur ses bords sont situées Capharnaüm, Tibériade, Bethsaïde et Corozaim, villes dans lesquelles surtout Jésus Christ annonça l’Évangile. D’après les Hébreux convertis au christianisme, ces deux tribus de Zabulon et de Nephtali furent emmenées captives par les Assyriens, et le pays qu’elles habitaient, la Galilée, rendue déserte, fut soulagée du poids de leurs péchés, selon l’expression du prophète. Plus tard, les autres tribus qui habitaient au delà du Jourdain et dans la Samarie eurent le même sort, et c’est pour cela, remarquent ces mêmes auteurs, que l’Écriture dit ici que le peuple de cette contrée fut le premier réduit en captivité, et qu’il fut aussi le premier à voir la lumière que Jésus Christ répandait par ses prédications. Ou bien, selon les Nazaréens, la venue du Christ délivra d’abord la terre de Zabulon et de Nephtali des erreurs des Pharisiens, et plus tard, grâce au zèle apostolique de saint Paul, la prédication fut surchargée, c’est-à-dire multipliée sur les frontières des nations.» (saint Jérôme)


a. Cassien