mercredi 24 mai 2023

HOMÉLIE POUR L’ASCENSION

 Le bulletin 201 est disponible.

«Il les conduisit vers Béthanie et, levant les mains, il les bénit. Or, tandis qu'il les bénissait, il se sépara d'eux et fut enlevé au ciel. Quant à eux, s'étant prosternés devant lui, ils revinrent à Jérusalem en grande joie.»  (Luc 24,53)

«Après leur avoir parlé, le Seigneur fut enlevé au ciel et il s'assit à la droite de Dieu.» (Mc 16,19)




L’Ascension du Sauveur a eu lieu quarante jours après Pâques. Quarante est le chiffre de la perfection, de la plénitude, et l’Ascension est donc toujours fêtée un jeudi.

Ce n’est que les évangélistes Luc et Marc qui en parlent brièvement et les deux autres évangélistes passent cet événement sous silence. Cela ne veut pas dire que l’Ascension n’a pas beaucoup d’importance.

Voici ce que dit le grand Chrysostome : «Mais, direz-vous, que m’importe à moi l’Ascension du Sauveur ? Vous ne savez donc pas que vous serez un jour pareillement enlevé dans les nues, car votre corps est de la même nature que le corps de Jésus Christ ? Il sera donc doué de la même agilité pour traverser les airs, car le corps aura le même sort que la tête, et tel principe telle fin.»

Donc attardons-nous un peu plus sur cette fête et cherchons à voir sa signification.

Le Christ n’est pas remonté au ciel, comme Dieu. Il ne l’a jamais quitté, étant toujours auprès du Père. Il est monté au ciel dans son humanité, comme promesse des hommes sauvés, afin d’accorder à cette humanité la gloire que Dieu lui avait destinée depuis toujours et que le péché avait empêché.

«Remarquez encore comment Jésus Christ place sous nos yeux les récompenses qu’il nous a promises. Il nous a promis la résurrection des corps, il ressuscite le premier d’entre les morts, et donne des preuves certaines de sa résurrection en demeurant quarante jours avec ses disciples. Il nous a promis que nous serions emportés dans les airs sur les nuées, et il confirme cette promesse par ses actes : «Et en les bénissant, il se sépara d’eux, et il s’éleva vers le ciel,» dit le même Chrysostome.

Saint Théophilacte, de son côté : «Le Sauveur est le premier qui entre véritablement dans le ciel comme le précurseur de tous les hommes pour se présenter devant Dieu avec son corps sacré; et dès lors, notre nature dans la personne de Jésus Christ, reçut les hommages de toutes les vertus angéliques.»

Revenons sur terre. C’est à Béthanie que l’Ascension a eu lieu, dit Luc. Jean situe Béthanie à «quinze stades» de Jérusalem (11,18). C’est le village de Lazare et de ses sœurs, là où a aussi eu lieu la réception de Jésus par Simon le Lépreux.

«Levant les mains, il les bénit.» C’est ainsi qu’il se sépara de ses disciples. C’est dans son corps glorifié, qui n’était plus soumis à la pesanteur  et aux besoins naturels qu’il est passé à travers les airs. Les apôtres l’ont vu avec les yeux du corps traverser les airs naturels, mais le Christ a traversé une autre dimension qui n’est pas naturelle. 

Voici ce que dit saint Grégoire le Grand. (hom. 29) Nous savons par l'Ancien Testament, qu'Élie a été enlevé au ciel (IV Roi 2). Mais il faut distinguer ici entre le ciel éthéré et le ciel aérien ou atmosphérique qui est plus rapproché de la terre. Élie fut donc enlevé dans le ciel aérien, et déposé dans une région secrète du monde pour y vivre dans une paix profonde de l'âme et du corps, jusqu'à ce qu'il revienne à la fin du monde et paie son tribut à la mort.»

Élie et aussi Henoch se trouvent encore sur terre dans le paradis terrestre, cachés aux hommes, et c’est au temps de l’Antichrist qu’ils mourront réellement afin de ressusciter. 

Être assis «à la droite de Dieu,» comme dit l’évangéliste Marc ne signifie pas un endroit matériel mais la gloire que Jésus a reçue de son Père.

Le vénérable  Augustin écrit : (du Symbole.) «Il ne faut point entendre qu'il est assis comme les hommes ont coutume de s'asseoir, et dans ce sens que le Père serait assis à la gauche, et le Fils à la droite; la droite, c'est la puissance qu'il a reçue de Dieu comme homme pour venir juger les hommes après qu'il était venu pour être jugé par eux.»

«Pour un sage auditeur certes, ce ne sont point là de petites choses, à moins d'entendre de façon basse et charnelle la droite et le sein au point de limiter Dieu à un lieu et d'en imaginer forme, figure et position corporelle, ce qui est fort loin de la notion d'un être simple, infini et incorporel.» saint Basile (traité du saint Esprit 6,92)

Lors de sa résurrection, le Christ avait brisé les portes de l’Hadès et libéré les captifs. Maintenant il travers les péages librement, accompagné des anges et les démons n’ont rien à revendiquer. On pourrait dire que le Seigneur n’avait rien à déclarer, à dédouaner, pour m’exprimer ad hominem.

De la même manière, comme il est monté au ciel, le Sauveur va revenir, mais cette fois-ci en grande gloire, afin d’anéantir définitivement la puissance du diable et remonter au ciel avec ses élus et les assoir à la «droite» de Dieu pour toute éternité.

Les Actes des apôtres confirment, ce que je viens de dire, et complètent ces récits des évangélistes : «Il fut élevé de la terre, comme ils regardaient, et une nuée le reçut et l’emporta de devant leurs yeux. Et comme ils regardaient fixement vers le ciel, tandis qu’il s’en allait, voici, deux hommes en vêtements blancs, se tinrent là à côté d’eux, qui aussi dirent, Hommes galiléens, pourquoi vous tenez-vous ici, regardant vers le ciel ? Ce Jésus, qui a été élevé d’avec vous dans le ciel, viendra de la même manière que vous l’avez vu s’en allant au ciel.» (1,10-11)

Sur l’icône de la fête, on voit bien les deux anges, apprenant aux apôtres ces paroles, et comme sur l’icône de la Pentecôte, que j’expliquerai en son temps, l’apôtre Paul. Cette fois-ci la Toute Sainte y figure également, étant certes présente au moment du départ de son Fils, sans pour autant présider le collège des apôtres.

Terminons avec un chant liturgique de la fête :

«Sans quitter le sein paternel sur terre partageant notre humanité, très-doux Jésus, tu remontes en ce jour vers le ciel glorieusement depuis la montagne des Oliviers, relevant par compassion notre nature déchue pour l'asseoir à côté du Père avec Toi; les puissances incorporelles dans les cieux, frappées d'admiration et d'effroi, magnifient l'amour dont tu aimes les humains; et nous sur terre, avec elles nous glorifions ta condescendance envers nous et ton Ascension, en disant : Seigneur qui remplis d'une ineffable joie au jour de ton Ascension tes disciples et la Mère de Dieu qui t'enfanta, donne-nous aussi, par leurs prières, la joie de tes élus et la grâce du salut.» (Grandes vêpres)


a. Cassien


vendredi 19 mai 2023

HOMÉLIE SUR L’AVEUGLE-NÉ

 «En ce temps-là Jésus vit en passant un homme qui était aveugle de naissance. Ses disciples lui demandèrent : Rabbi, qui a péché, lui ou ses parents, pour qu'aveugle il soit né ? Jésus répondit : Ni lui ni ses parents, mais c'est pour qu'en lui se manifestent les œuvres de Dieu. Tant qu'il fait jour, il me faut faire les œuvres de celui qui m'a envoyé; la nuit vient où nul ne peut travailler; tant que je suis dans le monde, je suis la lumière du monde. Cela dit, il cracha à terre, fit de la boue avec sa salive, en enduisit les yeux de l'aveugle et lui dit : Va te laver à la piscine de Siloé, c'est-à-dire à la piscine de l'Envoyé. L'aveugle s'en alla, se lava, et il revint, voyant clair. Les voisins et les gens habitués à le voir mendier auparavant dirent alors : N'est-ce pas celui qui se tenait toujours là à mendier ? Les uns disaient : C'est lui. Les autres disaient : Non, mais il lui ressemble. Mais lui affirmait : C'est bien moi ! Ils lui dirent alors : Comment donc tes yeux se sont-ils ouverts ? Il répondit : Celui qu'on appelle Jésus a fait de la boue, m'en a enduit les yeux et m'a dit : Va te laver à Siloé ! Alors je suis parti, je me suis lavé et j'ai vu clair. Ils lui dirent : Où est-il ? Il répondit : Je ne sais. 

On amène aux Pharisiens l'ancien aveugle. Or c'était un jour de sabbat que Jésus avait fait de la boue et lui avait ouvert les yeux. Les Pharisiens lui demandèrent donc à leur tour comment il avait recouvré la vue. Il leur dit : Il m'a mis de la boue sur les yeux, je me suis lavé et je vois. Certains des Pharisiens disaient : Cet homme ne vient pas de Dieu, puisqu'il n'observe pas le sabbat; d'autres répliquaient : Comment un pécheur pourrait-il faire des miracles pareils ? Ils étaient divisés. Alors ils s'adressèrent encore une fois à l'aveugle : Et toi, que dis-tu de lui, de ce qu'il t'a ouvert les yeux ? L’homme répondit : C'est un prophète ! Cependant les Juifs ne voulurent pas croire que cet homme eût été aveugle et qu'il eût recouvré la vue, avant d'avoir convoqué ses parents; ils leur demandèrent : Cet homme est-il bien votre fils, dont vous dites qu'il est né aveugle ? Comment se fait-il qu'il voit maintenant ? Ses parents répondirent : Nous savons que c'est notre fils et qu'il est né aveugle; mais comment il y voit maintenant et qui lui a ouvert les yeux, nous n’en savons rien; interrogez-le : il est assez grand pour s'expliquer ! C'est par crainte des Juifs que ses parents parlèrent ainsi; car les Juifs s'étaient déjà mis d'accord pour exclure de la synagogue quiconque reconnaîtrait Jésus pour le Christ. C'est pour cette raison que ses parents avaient dit : Il est assez grand, interrogez-le ! Les Juifs le convoquèrent donc une seconde fois et lui dirent : Rends gloire à Dieu ! Nous savons, nous, que cet homme est un pécheur. Il répondit : Si c’est un pécheur, je ne sais; ce que je sais, c'est que j'étais aveugle et qu'à présent j'y vois ! Ils lui dirent alors : Comment a-t-il fait pour t'ouvrir les yeux ? Il leur répondit : Je vous l'ai déjà dit et vous ne m'avez pas écouté. Pourquoi voulez-vous l'entendre une seconde fois ? Auriez-vous envie de devenir ses disciples, vous aussi ? Ils l'accablèrent d'injures, disant : Toi, tu es disciple de cet homme; nous, c'est de Moïse que nous sommes les disciples. Moïse, nous savons que Dieu lui a parlé; mais lui, nous ne savons pas d'où il est. L'homme leur répondit : C'est là justement la chose étonnante, que vous ne sachiez pas d'où il est, alors qu'il m'a ouvert les yeux. Nous savons bien que Dieu n'exauce pas les pécheurs, mais que si un homme l'honore et accomplit sa volonté, celui-là, il l'exauce. Jamais on n'a ouï dire que quelqu'un ait ouvert les yeux à un aveugle de naissance. Si cet homme-là ne venait pas de Dieu, il ne pourrait rien faire. Ils lui répondirent : De naissance tu n'es que péché et tu nous fais la leçon ! Et ils le chassèrent au-dehors. Jésus apprit qu'ils l'avaient chassé. Le rencontrant, il lui dit : Crois-tu au Fils de Dieu ? Il lui répondit : Et qui est-il, Seigneur, pour que je croie en lui ? Jésus lui dit : Tu le vois, c'est lui qui te parle. Alors il dit : Je crois, Seigneur, et il se prosterna devant lui.» (Jean 9,1-38)




L’apôtre Jean a écrit son évangile après les autres évangélistes, et son but, entre autres, était de les compléter. C’est pour cela qu’il relate bien en détails cet épisode de l’aveugle-né. Allons donc le décortiquer un peu, – je dis un peu, – car pour le faire entièrement il faudrait écrire un livre entier.

«Ses disciples lui firent cette question : Rabbi, qui a péché, cet homme ou ses parents, pour qu’il soit né aveugle ?» Ce ne pouvait pas être l’aveugle lui-même, car à sa naissance, ou avant, il ne pouvait pas pécher ! «Question fondée sur une fausse supposition : car comment cet homme aurait-il pu commettre quelque péché avant de naître ?», dit saint Jean Bouche d’Or. Ses parents non plus, comme dit le Christ : «Ce n’est pas que lui ou ses parents aient péché.» Pourtant, souvent les défauts des parents se transmettent aux enfants, mais pas cette fois-ci. Dieu qui n’est pas l’auteur du mal, se servit de cet aveuglement pour faire éclater la puissance du Dieu-Homme et amener ses créatures à la foi.

Dans d’autres cas, la faute était bien due au malade, comme l’explique le grand Chrysostome ailleurs : (hom. 56) «Ils furent amenés en effet à lui faire cette question, parce qu'en guérissant le paralytique, Jésus lui avait dit : «Voilà que vous êtes guéri, ne péchez plus davantage.» (Jean 5) Et dans la pensée que ses péchés avaient été la cause de sa paralysie, ils demandent si cet aveugle ne s'est pas rendu aussi coupable de péché, ce qu'on ne pouvait ni dire ni supposer, puisqu'il était aveugle de naissance; ou bien ses parents, ce qui n'était pas plus raisonnable, car le fils ne porte pas le péché du père.»

Saint Augustin de son côté : «Est-ce donc qu'il était né sans la faute originelle ou qu'il n'y avait ajouté par la suite aucune faute volontaire ? Non, sans doute, ses parents aussi bien que lui étaient coupables, mais ce n'est pas à cause du péché qu'ils avaient commis que cet homme était né aveugle. Notre Seigneur en donne la véritable cause, lorsqu'il ajoute : C'est afin, dit-il, que les œuvres de Dieu soient manifestées en lui

Encore saint Grégoire le Dialogue : (1 Moral. ou Préf. sur Job) «Il y a des châtiments que Dieu inflige aux pécheurs sans qu'il y ait pour lui de retour possible; il en est d'autres qui le frappent afin de le rendre meilleur; il en est d'autres encore qui ont pour fin, non point de punir les fautes passées, mais de prévenir les fautes à venir; d'autres enfin qui n'ont pour but ni de punir les péchés passés, ni de prévenir ceux que l'on peut commettre dans l'avenir, mais de faire connaître d'une manière plus éclatante et aimer plus ardemment la puissance de Celui qui sauve par le salut inespéré qui suit immédiatement le châtiment.»

La vérité, c'est que tout mal dans ce monde, toute souffrance dans notre humanité, proviennent du péché; on ne saurait donc, sans blasphémer, les attribuer à Dieu.

    L'erreur, générale parmi les Juifs, consistait à penser que toute souffrance était un châtiment pour des péchés personnels. Ainsi, aux yeux des amis de Job, les terribles épreuves de cet homme intègre étaient le signe irrécusable de graves transgressions, dont il devait s'être rendu coupable, à l'insu de tous.

Ne devrions-nous pas remplacer les nombreux «pourquoi» que nous exprimons au cours de nos épreuves par des «en vue de quoi ?» Dieu, notre Père, ne juge pas toujours à propos de nous faire saisir ici-bas les raisons de nos souffrances, mais le mystère de toutes choses nous sera révélé là-haut.

Le Sauveur «cracha à terre, et fit de la boue avec sa salive. Puis il appliqua cette boue sur les yeux de l’aveugle, et lui dit : Va, et lave-toi au réservoir de Siloé, (nom qui signifie envoyé). Il y alla, se lava, et s’en retourna voyant clair.»

Pourquoi le Christ fit-il ce geste ? Il aurait pu dire simplement : soit guéri, comme il l’a fait parfois : «Lève-toi et marche», par exemple. Il aurait pu dire aussi simplement : «Va te laver dans la piscine de Siloë !» Pourtant la guérison ne vint pas, cette fois-ci, de la piscine miraculeuse, mais bien de Jésus, sinon à quoi aurait servi le fait de faire de la boue avec sa salive ? La fontaine de Siloé n’a fait que parachever la guérison : «et il revint, voyant clair.» Cette piscine servit aussi, en ce cas, au nettoyage de la boue. Si le Seigneur n’avait mis que de la salive, alors le lavement aurait signifié que sa salive était impure, mais loin s’en faut; elle a provoqué la guérison !

Saint Jean Chrysostome dit : «c'est la vertu de sa bouche qui a fait et ouvert les yeux de cet aveugle, et il lui ordonne ensuite de les laver pour que la guérison ne soit point non plus rapportée à une vertu secrète de la terre : Et il lui dit : Va te laver dans la piscine de Siloë (mot qui veut dire envoyé), pour vous apprendre que je n'ai pas besoin de boue pour faire des yeux.» (Homélie 56)

«Les voisins et les gens habitués à le voir mendier,» étaient perplexes, en voyant ce miracle, mais les pharisiens, les zélateurs de la Loi, s’en scandalisaient, une fois de plus, non pas tellement de la guérison mais que cela se passât un jour de sabbat. Que le sabbat était fait pour l’homme, et non l’homme pour le sabbat, comme le dit l’évangéliste Marc (cf. 2,27), leur était incompréhensible dans leur aveuglement spirituel, qui était pire que l’aveuglement de l’aveugle-né.

«Ils lui faisaient cette question dans le dessein qu'ils avaient formé de mettre Jésus à mort, car déjà ils avaient conspiré contre lui.» Saint Jean Chrysostome. (hom. 57)

Les juifs, c’est-à-dire les Pharisiens, lui demandèrent donc à leur tour comment il avait recouvré la vue. Ils le lui demandèrent une fois, et encore une  autre fois en insistant, dit l’évangile. Ensuite ils demandèrent les parents, et ceux-ci les renvoyèrent à leur fils par crainte d’exclusion. Pour la troisième fois celui-ci leur répondit hardiment cette fois-ci, et sans crainte, en les mettant dans l’embarras. «Je vous l'ai déjà dit et vous ne m'avez pas écouté. … Auriez-vous envie de devenir ses disciples, vous aussi ?» Ils répliquèrent indignés : «De naissance tu n'es que péché et tu nous fais la leçon !» Selon l’opinion des juifs, la maladie venait toujours du péché, comme nous l’avons vu plus haut, mais la réalité est bien plus complexe.

«Et ils le chassèrent au-dehors.» Ce que les parents ont évité par leur lâcheté, l’ancien aveugle, lui, l’a subi – l’excommunication de la synagogue. De son côté, ce que l’aveugle a gagné par sa franchise et sans crainte, – la foi en Christ, eux l’ont raté par leur lâcheté. À nous donc de choisir dans la vie l’attitude à prendre quand ils s’agit de vivre et de témoigner de notre foi – car devant nous est le chemin de la vie et de la mort.


a. Cassien




samedi 6 mai 2023

DIMANCHE DU PARALYTIQUE

«En ce temps-là, Jésus monta à Jérusalem. Or il existe à Jérusalem, près de la porte des brebis, une piscine qu'on appelle en hébreu Béthesda. Elle a cinq portiques, sous lesquels gisait une foule d'infirmes – aveugles, boiteux, paralytiques – qui attendaient le bouillonnement de l'eau. Car l'ange du Seigneur descendait par intervalles dans la piscine et l'eau s'agitait; et le premier qui y entrait, après que l'eau eut bouillonné, se trouvait guéri, quelle que fût sa maladie. Il y avait là un homme qui était infirme depuis trente-huit ans. Jésus, le voyant étendu et sachant qu'il était dans cet état depuis longtemps déjà, lui dit : Veux-tu guérir ? L'infirme lui répondit : Seigneur, je n'ai personne pour me plonger dans la piscine quand l'eau se met à bouillonner; et, le temps que j'y aille, un autre descend avant moi. Jésus lui dit : Lève-toi, prends ton grabat et marche ! A l'instant l'homme fut guéri; il prit son grabat et marcha. Or c'était un jour de sabbat. Les Juifs dirent donc à celui qui venait d'être guéri : C'est le sabbat, il ne t'est pas permis de porter ton grabat ! Il leur répondit : Celui qui m'a guéri m'a dit : Prends ton grabat et marche ! Ils lui demandèrent : Quel est l'homme qui t'a dit : Prends ton grabat et marche ? Mais le paralytique l'ignorait, car Jésus avait disparu dans la foule qui se pressait en ce lieu. Plus tard Jésus le rencontra dans le Temple et lui dit : Te voilà guéri, ne pèche plus désormais, de peur qu'il ne t'arrive plus grande infirmité ! L'homme s'en alla pour annoncer aux Juifs que c'était Jésus qui l'avait guéri.» (Jn 5,1-15)




Aujourd’hui, le quatrième dimanche après Pâques, nous commémorons la guérison du paralytique. Seul l’évangéliste Jean en parle, comme pour les autres dimanches qui suivent : de la Samaritaine, et de l’aveugle-né. Son but était de compléter les trois autres évangiles synoptiques, qui, eux, relatent les mêmes événements, chacun à sa manière, en s’harmonisant et en se complétant.

Le Christ monta à Jérusalem probablement pour la fête de Pentecôte. Voici ce qu’en dit le grand Chrysostome : «Cette fête, je pense, était celle de la Pentecôte. Jésus se rendait toujours à Jérusalem aux jours de fête; en célébrant ces fêtes avec les Juifs, il détruisait le préjugé qu'il était opposé à la loi, et attirait à lui le peuple par l'éclat de ses miracles et de sa doctrine; car c'était surtout aux jours de fête que ceux qui n'étaient pas éloignés de Jérusalem s'y rendaient en foule.» (homélie 36 sur saint Jean)

Concernant la piscine, appelée en hébreu béthesda, et en grec provata, le vénérable Augustin dit : «Le mot grec provata veut dire brebis. La piscine probatique était donc une piscine réservée aux animaux, et où les prêtres lavaient les corps des victimes.»   

C’est là donc que gisait l’infirme, qui était paralytique, mais pas au point qu’il ne pouvait pas du tout se déplacer : «le temps que j'y aille, un autre descend avant moi.» D’autres étaient donc plus rapides, malgré leurs infirmités, et comme il n’y avait qu’un seul qui était guéri chaque fois que l’eau s’agitait par l’intermédiaire d’un ange, il venait toujours trop tard. «Il se faisait porter en ce lieu dans l'espérance d'être guéri de sa maladie,» dit saint Jean Chrysostome dans la même homélie. On le portait donc, lui et son grabat, chaque fois à la piscine et cela depuis des années, dans l’espoir qu’il serait guéri un jour.

Pourquoi le Seigneur guérirait-Il juste cet homme et non un autre, et même tous les autres qui attendaient le bouillonnement de l’eau, peut-on se demander ? C’est Dieu qui choisit et qui voit au fond de chacun. Il élit, tout en laissant l’homme libre de choisir.

Jésus lui demande : «Veux-tu guérir Une question superflue, peut-on penser, car qui ne veut pas être en bonne santé ? Ce n’est pas pour rien que pendant tant d’années, l’infirme se faisait porter à la piscine, et sa réponse le suggère : «Seigneur, je n'ai personne pour me plonger dans la piscine…» Dieu ne force personne et attend toujours notre collaboration pour le bien.

«Lève-toi, prends ton grabat et marche !» Le Sauveur dit pareillement à un autre paralytique : «Je te dis, lève-toi, prends ton petit lit, et va dans ta maison.» (Mc 2,11) Le Christ ne fait pas mention des péchés au paralytique d’aujourd’hui, comme à l’autre, dont parlent également Matthieu et Luc (Mt 9,5 et Luc 5,23), mais il lui commande simplement «lève-toi,…» Pourtant il lui en parle «plus tard» : «Te voilà guéri, ne pèche plus désormais, de peur qu'il ne t'arrive plus grande infirmité !» Donc c’est toujours à cause des péchés qu’on tombe malade; non nécessairement de ses propres péchés, mais ceux de ses parents, peut-être («ses disciples l’interrogèrent, disant, Rabbi, qui a péché, celui-ci, ou ses parents, pour qu’il soit né aveugle ?» Jn 9,2) ou de l’humanité dans son ensemble.

«Or c'était un jour de sabbat.» L’étroitesse des juifs confirme précisément cela, eux qui se scandalisaient de ce que le Seigneur faisait des miracles, en vue du salut, le jour du sabbat, qui était là pour l’homme et non l’homme pour le sabbat, selon l’évangile : «Le sabbat a été fait pour l’homme, non pas l’homme pour le sabbat; de sorte que le Fils de l’homme est Seigneur aussi du sabbat.» (Mc 2,27)

Plus loin que l’évangile d’aujourd’hui, il est dit : «les Juifs cherchaient encore plus à le faire mourir.»

Les juifs demandèrent, non au Christ, mais au paralytique guéri : «Quel est l'homme qui t'a dit : Prends ton grabat et marche ?» Le vénérable Augustin commande : «Ils n'accusaient pas précisément le Sauveur d'avoir guéri cet homme le jour du sabbat, parce qu'il aurait pu leur répondre que si leur bœuf ou leur âne venait à tomber dans un puits, ils s'empresseraient bien de les retirer le jour du sabbat.» (Traité 17) Ces mêmes pharisiens demandaient à l’aveugle-né : «Les pharisiens donc aussi lui demandèrent encore comment il avait recouvré la vue.» (Jn 9,15) Or c’était également le jour du sabbat, et ils cherchaient à accuser le Sauveur.

L’évangile de ce jour-ci termine : «L'homme s'en alla pour annoncer aux Juifs que c'était Jésus qui l'avait guéri.» Courageusement – une fois guéri –, tel l’aveugle-né, il confesse maintenant le Messie.

Conclusion : À nous mêmement de confesser intrépidement le bien reçu de Dieu et notre foi en lui ! Autrement, ce serait un signe que notre guérison tarde encore.

a. Cassien