lundi 26 mai 2014

Publications

Je viens de terminer deux livres classiques de la littérature monastique :

De Jean Moschos : Le Pré spirituel

De Rufin, prêtre d’Aquilée, il y a l’Histoire Lausiaque et la vie de saint Arsène de Grand :



archimandrite Cassien

samedi 24 mai 2014

Dimanche de l'Aveugle-né

6e Dimanche de Pâques
Dimanche de l’Aveugle-né
Jean 9,1-38
De l'Explication de l'évangile de saint Marc
par le bienheureux Théophylacte, archevêque d'Ochrid et de Bulgarie

1-2. Jésus vit, en passant, un homme aveugle de naissance. Ses disciples lui firent cette question : Rabbi, qui a péché, cet homme ou ses parents, pour qu'il soit né aveugle ?

Le Seigneur quitte le Temple pour apaiser un peu la colère des Juifs, et Se tourne vers la guérison de l’aveugle. Par ce miracle, Il tente d’adoucir leur incrédulité obstinée, bien qu’ils n’en aient pas profité ; en même temps, Il leur montre qu’Il ne parla pas en vain ni pour Se vanter quand Il dit : «Avant qu'Abraham fût, Je suis» (Jn 8,58). Regardez ce miracle dont on n’a jamais vu pareil : d’autres ont restauré la vue d’hommes aveugles, mais jamais celle d’un aveugle-né. Il est clair que le Christ opéra ce miracle comme Dieu qui est avant Abraham. Pour le prouver aux Juifs, Il S’approcha exprès de l’aveugle et non l’inverse. Quand ils voient le Seigneur qui regarde intensément l’aveugle, les disciples demandent : Qui a péché, cet homme ou ses parents, pour qu'il soit né aveugle ? Cette question semble illogique. Comment l’homme aurait-il pu péché avant sa naissance ? Les apôtres, bien sûr, n’acceptaient pas la notion insensée que l’âme commet des péchés dans un autre monde, avant que le corps soit formé et qu’elle est punie par son union à un corps. En tant que pêcheurs, ils n’auraient jamais entendu parler de cet enseignement des philosophes grecs. Leur question, donc, peut, paraître insensée, mais non à quelqu’un qui est attentif. Les apôtres avaient entendu le Christ dire au paralytique : Voici, tu as été guéri ; ne pèche plus, de peur qu'il ne t'arrive quelque chose de pire. (Jn 5,14) Alors maintenant, en voyant l’aveugle, ils se demandent : «Le paralytique fut puni à cause de ses péchés ; mais que dis-Tu de cet homme ? Comment a-t-il pu être puni pour ses péchés ? Il est aveugle depuis la naissance. Est-ce ses parents qui péchèrent ? Cela ne peut être, car un enfant n’est pas puni pour les péchés de son père.»

Ainsi, leur question était une expression de leur perplexité, que le Seigneur dissipe en expliquant : «Ni cet homme n’a péché (comment aurait-il pu avant de naître ?), ni ses parents.» Le Christ ne dit pas simplement : «Ses parents n’ont pas péché», ce qui voudrait dire qu’ils étaient sans faute ; Il ajoute qu’il était né aveugle. Ses parents ont bien péché, mais ce n’était pas la cause de sa cécité. Il serait injuste de faire porter les péchés des parents aux enfants qui n’ont rien fait de mal. Dieu le fait comprendre clairement par les mots du prophète Ézéchiel (18,2) : «Ne dites plus ce proverbe : Les pères ont mangé des raisins verts, et les dents des enfants seront agacées». Le Seigneur a donné aussi ce commandement par Moïse : Et l'on ne fera point mourir les enfants pour les pères ; on fera mourir chacun pour son propre péché (Dt 24,16). Mais certains objecteront : «Pourtant, il est écrit : Moi, le Seigneur ton Dieu, Je suis un Dieu jaloux, qui punis l'iniquité des pères sur les enfants jusqu'à la troisième et la quatrième génération (Ex 20,5).» Il faut comprendre que ce n’est pas un décret universel qui doit être appliqué à tous les hommes de tous les temps, mais seulement à ceux qui sont sortis d’Égypte. Aussi le sens de ce décret doit-il être considéré soigneusement. Il ne dit pas que les enfants sont punis pour les péchés de leurs pères, mais plutôt que les péchés des pères – c’est-à-dire les punitions pour leurs péchés – seront «récompensés» sur leurs enfants. C’est parce que les enfants ont commis les mêmes péchés que les pères. Le Seigneur ne voulaient pas que ceux qui étaient sortis d’Égypte pensent que, s’ils commettaient les mêmes péchés ou de pires que leurs pères, ils ne seraient pas punis. Une autre façon de le dire est : «Les péchés de vos pères (c’est-à-dire les punitions pour leurs péchés) tomberont sur vous aussi, parce que vous n’avez pas fait mieux qu’eux, mais avez commis des pareils ou même pires». Même en voyant des enfants enlevés de cette vie, vous devez comprendre clairement que Dieu coupa court à leur vie par amour pour l’homme. S’ils avaient vécu, ils seraient devenus pires que leurs parents et auraient rempli leur propre âme et l’âme de beaucoup d’autres de malice. Mais tout cela est caché dans l’abîme des Jugements de Dieu. Continuons.

3-5. Jésus répondit : Ce n'est pas que lui ou ses parents aient péché ; mais c'est afin que les Œuvres de Dieu soient manifestées en lui. Il faut que Je fasse, tandis qu'il est jour, les Œuvres de Celui qui M'a envoyé ; la nuit vient, où personne ne peut travailler. Pendant que Je suis dans le monde, Je suis la Lumière du monde.

Maintenant une autre perplexité surgit. On pourrait demander : «Comment le Christ a-t-Il pu dire cela ? N‘était-ce pas injuste de priver cet homme de sa vue afin que les Œuvres de Dieu soient manifestées en lui ? Ces Œuvres n’auraient-elles pu être révélées d’une autre façon ?» Nous répondrions : «Comment as-tu été traité injustement, ô homme ?» «J’ai été privé de la vue», répond-il. «Mais quel dommage as-tu subi par la privation de la lumière matérielle ? Maintenant, tu as reçu non seulement la vision physique, mais cette bénédiction incomparable : l’illumination des yeux de ton âme.» Ainsi, l’affliction fut profitable à l’aveugle, et par cette guérison, il fit la connaissance du vrai Soleil de Justice. Par conséquent, l’aveugle ne subit pas de préjudice ; il fut béni.

Maintenant, comprenez cela aussi, vous tous qui étudiez la divine Écriture : les conjonctions ἵνα et ὅπως (toutes les deux traduites par que) sont souvent utilisées pour exprimer l’issue, mais non le résultat escompté, de l’action énoncée dans la proposition principale. Ainsi, David dit : Contre Toi seul j’ai péché, que Tu sois trouvé juste en tes Paroles (Ps 50,4). Le mot que introduit un résultat non intentionné par David. Quand David pécha, il ne le fit pas en pensant que cela justifierait Dieu ; mais son péché eut bien pour résultat la justification de Dieu. David se prouva indigne de tout ce que Dieu lui avait donné : Il abusa de son pouvoir royal, commit le meurtre et l’adultère, viola les commandements divins et montra du mépris envers Dieu. Profitant de sa royauté, David rejeta les lois de Celui qui l’avait fait roi. S’il avait été roturier, il aurait été incapable de commettre les deux grands péchés aussi facilement. Une fois que le Seigneur avait examiné et décidé de son cas, la conséquence nécessaire des crimes de David était que Dieu fut justifié et l’emporta sur le roi, qui fut condamné. Il y a beaucoup d’endroits dans les épîtres où de telles expressions sont employées. Dans l’épître aux Romains, saint Paul écrit : car ce qu'on peut connaître de Dieu est manifeste pour eux, Dieu le leur ayant fait connaître. … sa Puissance éternelle et sa Divinité se voient comme à l'œil, … quand on les considère dans ses ouvrages. Ils sont donc inexcusables. (Rm 1,19-20). Dieu n’avait pas donné cette connaissance aux Grecs pour les priver d’excuse quand ils pécheraient. Il la leur donna pour qu’ils ne pèchent pas. Cependant, quand ils péchèrent, leur connaissance du Créateur, manifeste dans sa création, les rendit coupables sans excuse. Semblablement, à un autre endroit, Paul dit : Or, la loi est intervenue pour que l'offense abondât (Rm 6,20), pourtant la loi n’a pas été donnée pour rendre le péché plus courant, mais juste le contraire, pour le contenir. Mais parce que les destinataires de la loi ne voulaient pas réfréner leur péché, la loi – définissant ce qu’est une transgression – aboutit à «l’abondance» du péché. Ils considérèrent leurs péchés plus grands et plus nombreux parce qu’ils péchèrent en pleine connaissance de la loi.

À la lumière de tout cela, les Paroles de Jésus ici : que les Œuvres de Dieu soient manifestées ne fournissent pas la raison pour laquelle l’homme est né aveugle, mais présentent la conséquence – un bien a résulté du mal, à la Gloire de Dieu. Supposons qu’un homme construise une maison, mais en laisse une partie inachevée, pour la raison suivante : afin que, si plus tard, quelqu’un demandait s’il est le bâtisseur, il puisse dissiper tout doute sur ce point, en complétant la partie inachevée parfaitement harmonisée avec l’original. De manière semblable, Jésus notre Dieu façonna tous les membres du corps de l’homme aveugle, sauf les yeux, qu’Il omit. En les guérissant maintenant, Il complète l’acte divin de créer et démontre qu’Il est le Créateur. En disant : «que la Gloire de Dieu soit manifestée», Il Se référait à Lui-même, et non pas au Père. La Gloire du Père était évidente ; c’était sa propre Gloire, égale à celle du Père, qui avait besoin d’être révélée. Car Celui qui apparaît maintenant comme un homme, est Celui même qui au commencement façonna l’homme. Qu’Il parle de Lui-même devient clair de ce qui suit : «Il faut que Je fasse les Œuvres de Celui qui M'a envoyé. Je dois Me révéler en faisant les mêmes œuvres que fait le Père.» Notez qu’Il ne dit pas : «Je dois faire des œuvres semblables à celles du Père», mais «des œuvres identiques à celles que fait le Père qui M’a envoyé. Je dois les faire tandis qu'il est jour, c’est-à-dire, pendant cette vie, tant que les hommes peuvent faire le choix de croire en Moi. Car la nuit vient, où personne ne peut travailler, c’est-à-dire, croire. Dans le siècle futur, il sera trop tard pour croire.» Le jour signifie cette vie présente, quand nous pouvons travailler, comme nous le pouvons pendant le jour. Mais ailleurs dans l’Écriture, Paul appelle la vie nuit, parce que nous ne pouvons pas savoir dans cette vie si un homme poursuit la vertu ou le vice – ses pensées et ses motivations nous sont cachées. De plus, Paul appelle cette vie nuit par comparaison à la lumière du jour du siècle futur, où les justes resplendiront. Le Christ Se réfère au siècle futur comme nuit, quand personne ne peut travailler ; Paul l’appelle jour, parce que les justes seront illuminés et les œuvres de chacun seront révélées. Au siècle futur, il n’y aura pas de foi, mais seulement obéissance – volontaire ou involontaire. Pendant que Je suis dans le monde, Je suis la lumière du monde – dit le Christ, «parce que J’illumine les âmes par mon Enseignement et mes Miracles. En guérissant les yeux de l’aveugle et en leur donnant la lumière, J’illuminerai les âmes de beaucoup. Je suis Lumière, et J’illuminerai les sens et l’esprit à la fois.»

6-7. Après avoir dit cela, Il cracha à terre, et fit de la boue avec sa Salive. Puis Il appliqua cette boue sur les yeux de l'aveugle, et lui dit :  Va, et lave-toi au réservoir de Siloé (nom qui signifie envoyé). Il y alla, se lava, et s'en retourna voyant clair.

Après avoir dit cela – Jésus ne S’arrêta pas aux paroles, mais ajouta aussitôt l’œuvre – Il cracha à terre, et fit de la boue avec sa Salive. Puis II appliqua cette boue sur les yeux de l'aveugle. En Se servant de la boue, le Seigneur montra que c’était Lui qui avait formé Adam de l’argile. Plus tôt, Il annonça, en tant de paroles : «Je suis Celui qui avais formé Adam», offensant ses auditeurs ; maintenant Il démontre, par un acte irréfutable, la vérité de cette proclamation. Jésus créa des yeux pour l’aveugle avec de la boue, exactement comme Il l’avait fait pour Adam. Il ne façonna pas seulement les yeux, ou les ouvrit seulement, mais leur donna la vision. Cela prouve que c’était Lui qui avait soufflé l’âme en Adam. Sans la présence de l’âme, qui lui confère son énergie divine, même un œil parfaitement formé ne verrait rien. Le Christ Se servit du crachat pour le montrer, car Il allait envoyer l’homme au réservoir de Siloé et voulait lui faire comprendre que c’est Lui, et non l’eau de cette fontaine qui était la source du miracle. Apprenons qu’Il façonna et ouvrit les yeux de l’homme par le pouvoir provenant de sa Bouche ; c’est pourquoi Il cracha par terre pour faire de l’argile. Alors, de crainte que certains s’imaginent que la source du miracle était la boue, Il ordonna à l‘homme de la laver. Certains disent que l’argile ne fut pas enlevée, mais c’est elle qui forma les yeux.

Pourquoi lui ordonne-t-Il d’aller à la piscine de Siloé ? D’abord, afin que la foi et l’obéissance de l’aveugle nous servent de leçon. Il ne raisonna pas : «Si l’argile et le crachat me donnent des yeux, pourquoi dois-je me laver à la piscine de Siloé ?» Au lieu de cela, il obéit à Celui qui a commandé. Deuxièmement, par cet ordre, le Seigneur confond les Juifs qui Le rejetaient obstinément. Il est probable que beaucoup L’aient vu oindre d’argile les yeux de l’homme et aient bien fait attention à ce qu’Il faisait. Par conséquent, personne ne pouvait contester plus tard que le Seigneur ait fait ces choses. Troisièmement, en envoyant l’aveugle à la piscine de Siloé, le Christ montre qu’Il n’est pas opposé à l’Ancien Testament. Et pourquoi l’évangéliste ajoute-t-il l’interprétation du mot «Siloé» ? Afin que vous voyiez que la piscine de Siloé est une figure du Christ, et que c’est le Christ qui y a guéri l’homme. De même que le Christ est le Rocher spirituel, ainsi est-Il le Siloé spirituel. Comme le flot de la fontaine de Siloé était redoutable par sa force, ainsi l’Avènement du Seigneur, caché et inconnu des anges, submergeait aussi tout péché par sa puissance.

8-11. Ses voisins et ceux qui auparavant l'avaient connu comme un mendiant disaient : N'est-ce pas là celui qui se tenait assis et qui mendiait ? Les uns disaient : C'est lui. D'autres disaient : Non, mais il lui ressemble. Et lui-même disait : C'est moi. Ils lui dirent donc : Comment tes yeux ont-ils été ouverts ? Il répondit : L'Homme qu'on appelle Jésus a fait de la boue, a oint mes yeux, et m'a dit : Va au réservoir de Siloé, et lave-toi. J'y suis allé, je me suis lavé, et j'ai recouvré la vue.

Stupéfaits par ce miracle extraordinaire, les voisins n’y croyaient toujours pas. Pourtant l’arrivée de l’aveugle au réservoir de Siloé, avec ses yeux enduits d’argile, fut ordonnée par le Seigneur dans le but exprès d’attirer l’attention des nombreux spectateurs, qui plus tard ne pourraient pas nier qu’ils connaissaient l’homme. Cependant, ils ne croyaient pas. L’évangéliste ne note pas simplement en passant que l’homme était un mendiant : il le fait pour montrer que l’Amour du Seigneur pour le genre humain était si ineffablement grand qu’Il condescendait à aider les plus abjects des hommes. Avec une tendre sollicitude, Il guérissait des mendiants,  nous enseignant à aimer les moindres de nos frères. 

Sans honte de son affliction d’avant, sans crainte de la foule, l’aveugle confesse avec audace : C’est moi, et proclame son Bienfaiteur : un Homme appelé Jésus…. Il appelle le Seigneur un Homme, parce qu’il ne sait rien de Lui. Mais ce qu’il sait (les circonstances de la guérison), il le confesse devant tous. Comment savait-il que son guérisseur était Jésus ? Il avait entendu le Seigneur converser avec ses disciples. Quand les disciples L’interrogèrent au sujet de l’aveugle, le Christ répéta ce qu’Il leur avait souvent dit, comme : Il faut que Je fasse les Œuvres de Celui qui M'a envoyé (v. 4) et Je suis la lumière du monde (v. 5) etc. C’était des choses que personne, à part le Seigneur, n’enseignait, et en entendant ces paroles, l’aveugle a compris que c’était Jésus. Que le Christ avait fait de l’argile et lui avait oint les yeux, l’aveugle le sut par la sensation : du crachat, il ne dit rien, car il ne le savait pas encore. Ce qu’il ne savait pas, il n’en parlait pas, si honnête homme il était.

12-16. Ils lui dirent : Où est cet homme ? Il répondit : Je ne sais. Ils menèrent vers les pharisiens celui qui avait été aveugle. Or, c'était un jour de sabbat que Jésus avait fait de la boue, et lui avait ouvert les yeux. De nouveau, les pharisiens aussi lui demandèrent comment il avait recouvré la vue. Et il leur dit : Il a appliqué de la boue sur mes yeux, je me suis lavé, et je vois. Sur quoi quelques-uns des pharisiens dirent : Cet homme ne vient pas de Dieu, car il n'observe pas le sabbat. D'autres dirent : Comment un homme pécheur peut-il faire de tels miracles ? Et il y eut division parmi eux.

Le Seigneur, après avoir guéri ou opéré quelque autre miracle, Se retirait de l’endroit pour éviter l’ostentation. C’est pourquoi les Juifs demandent à l’aveugle : «Où est-Il ?» Il répond : Je ne sais, parce qu’il est toujours sincère. Ils l’amenèrent vers les pharisiens pour un interrogatoire plus serré et plus rigoureux. L’évangéliste souligne que c’était un jour de sabbat, pour révéler leur intention mauvaise comme ils cherchent à saisir des allégations à faire contre le Christ. En accusant le Seigneur de rompre le sabbat, ils espéraient détourner l’attention du miracle. Ils demandent : «Comment t’a-t-Il ouvert les yeux ?» plutôt que de lui demander simplement : «Comment as-tu recouvré la vue ?», obligeant ainsi l’aveugle à admettre que Jésus avait fait de l’argile le jour de sabbat. Car ils accusaient sans cesse le Seigneur de violer le sabbat. Mais parce qu’il avait déjà fourni cette information aux gens qui l’écoutaient, il ne mentionne pas le Nom de Jésus, ni ce que le Seigneur lui avait dit. Il explique simplement : Il a appliqué de la boue sur mes yeux, je me suis lavé, et je vois. Il est probable que les gens qui avaient amené l’aveugle avaient calomnié le Seigneur en disant aux pharisiens : «Regardez ce que fait Jésus le jour de sabbat». Remarquez l’audace de l’aveugle quand il parle aux pharisiens. Les Juifs l’amenèrent vers les pharisiens pour qu’il fût intimidé et niât la guérison. Mais lui s’écrie : «Je vois !» Donc, dirent quelques-uns des pharisiens, pas tous, mais les plus effrontés, cet homme ne vient pas de Dieu. Mais d’autres dirent : Comment un homme pécheur peut-il faire de tels miracles ?

Voyez comment l’attitude de beaucoup d’entre eux s’adoucit par suite des miracles. Ils sont pharisiens et chefs, et pourtant, ils commencent à être conquis par ce signe, et à prendre la partie du Christ, de sorte qu’une division se fait entre eux. La division apparut plus tôt dans la foule, quand certains disaient : Il égare la multitude, alors que d'autres disaient : C'est un homme de bien. (v. Jn 7,12, 43) Mais maintenant la division surgit parmi les chefs ; beaucoup de pharisiens sont en désaccord avec leurs collègues et prennent la défense du Christ. Bien qu’ils aient pris sa partie, ils l’ont fait très faiblement et sans conviction. Entendez ce qu’ils disent : «Comment un homme pécheur peut-il faire de telles choses ?» Voyez    combien leur résistance est faible et combien les accusateurs du Christ sont fourbes ! Au lieu de dire : «Cet Homme n’est pas de Dieu parce qu’Il guérit le jour du sabbat», les pharisiens rusés objectent : Il n’observe pas le sabbat. Pas une seule fois ils ne mentionnent la bonne œuvre, mais seulement la violation du sabbat. Remarquez aussi ceci : les chefs sont plus réticents que le peuple d’admettre le bien que le Christ a fait. Dès le début, la différence d’opinion est évidente parmi le commun du peuple, avec un grand nombre étant favorable au Christ. C’est seulement plus tard que cette louable division apparaît parmi les chefs. Je l’appelle «louable», parce qu’il existe de bonnes séparations et des schismes légitimes. Le Seigneur dit : «Je suis venu apporter l’épée sur la terre» (v. Mt 10,34). L’épée signifie la salutaire divergence d’opinion qui peut surgir lorsque la vraie piété envers Dieu est en jeu.

17-19. Ils dirent encore à l'aveugle : Toi, que dis-tu de Lui, sur ce qu'Il t'a ouvert les yeux ? Il répondit : C'est un prophète. Les Juifs ne crurent point qu'il eût été aveugle et qu'il eût recouvré la vue jusqu'à ce qu'ils eussent fait venir ses parents. Et ils les interrogèrent, disant : Est-ce là votre fils, que vous dites être né aveugle ? Comment donc voit-il maintenant ?

Lequel des deux groupes de pharisiens demanda à l’aveugle : Que dis-tu de Lui ? Celui qui avait tendance à considérer honnêtement le Christ. Ayant posé la question : Comment un homme pécheur peut-il faire de tels miracles ? – ils amènent maintenant le bénéficiaire du Pouvoir du Seigneur, en défense du Christ et comme une réfutation vivante des diffamateurs du Seigneur. Cette faction des pharisiens ne demanda pas «Que dis-tu de ce transgresseur de la loi qui osa faire de l’argile un jour de sabbat ?» Au lieu de cela, ils parlent à l’aveugle avec gentillesse, mentionnant même le miracle. Ils admettent qu’Il t'a ouvert les yeux, comme pour l’encourager de parler ouvertement de la part du Christ. Ils l’incitent pratiquement à déclarer que c’est Jésus qui lui a ouvert les yeux. «Après ce que Jésus a fait pour toi», disent-ils, «tu devrais Le proclamer à tous.» Donc, l’aveugle confesse le Christ autant que sa connaissance de Lui le lui permet, déclarant que son Bienfaiteur n’est pas un pécheur, mais qu’Il est de Dieu. Il affirme que Jésus est un prophète, pendant que le contingent méchant des pharisiens continue à insister que cet Homme n’est pas de Dieu, parce qu’Il n’observe pas le sabbat. Pour eux, le Christ était un violateur du sabbat, parce qu’Il appliqua de l’argile avec un doigt. Tant pis si eux, avec leur main entière, ils relâchaient leurs animaux un jour de sabbat pour les amener à boire ! Ces hommes durs et obstinés font appel aux parents de l’aveugle, avec l’intention de les harceler jusqu’à leur faire nier la cécité de leur fils. Incapables de faire taire l’aveugle reconnaissant, ils tentent plutôt d’intimider ses parents et de contester ainsi le miracle. Ils les interrogent en colère, mais avec une extrême fourberie. Ils ne disent pas : «Est-ce votre fils qui était autrefois aveugle ?», mais plutôt : que vous dites être né aveugle. Ils insinuent que les parents répandirent l’histoire qu’il était aveugle, alors qu’en réalité, il ne l’était pas. Ô pharisiens misérables ! Quel père répandrait-il un tel mensonge au sujet de son propre enfant ? De deux côtés, les pharisiens encerclent les parents et font pression sur eux pour qu’ils répudient leur fils. Ils font une insinuation : que vous dites être né aveugle ; puis ils leur demandent : Comment donc voit-il maintenant ? Les pharisiens prétendent que le fait même que l’aveugle voit prouve que les parents mentaient auparavant en disant qu’il était né aveugle. «Soit il ne voit pas maintenant, soit il n’a jamais été aveugle. Mais de toute évidence, il voit maintenant – donc vous êtes des menteurs!»

20-23. Ses parents répondirent : Nous savons que c'est notre fils, et qu'il est né aveugle ; mais comment il voit maintenant, ou qui lui a ouvert les yeux, c'est ce que nous ne savons. Interrogez-le lui-même, il a de l'âge, il parlera de ce qui le concerne. Ses parents dirent cela parce qu'ils craignaient les Juifs ; car les Juifs étaient déjà convenus que, si quelqu'un reconnaissait Jésus pour le Christ, il serait exclu de la synagogue. C'est pourquoi ses parents dirent : Il a de l'âge, interrogez-le lui-même.

Les pharisiens avaient posé trois questions aux parents de l’aveugle : «Est-ce votre fils ? Est-il né aveugle ? Comment a-t-il recouvré la vue ?» Aux deux premières, ils affirment : «C'est bien notre fils, et il est né aveugle». En ce qui concerne le moyen par lequel il a été guéri, ils se taisent parce qu’ils ne le connaissent pas. Sans  aucun doute, cela a eu lieu pour une confirmation plus grande de la vérité ; car l’homme qui bénéficia du miracle et fut le plus crédible de tous les témoins dit exactement la même chose. Alors, les parents ajoutèrent : «Il a de l'âge ; il n’est ni un enfant ni si immature qu’il ne puisse comprendre comment il fut guéri.» Ses parents parlèrent ainsi, parce qu’ils craignaient les Juifs. Ils étaient encore faibles dans la foi et plus timides que leur fils, qui s’avéra un témoin inébranlable de la Vérité. Pour le récompenser, Dieu a illuminé aussi ses yeux de l’esprit.

24-29. Les pharisiens appelèrent une seconde fois l'homme qui avait été aveugle, et ils lui dirent : Donne gloire à Dieu ; nous savons que cet Homme est un pécheur. Il répondit : S'Il est un pécheur, je ne sais ; je sais une chose, c'est que j'étais aveugle et que maintenant je vois. Ils lui dirent : Que t'a-t-Il fait ? Comment t'a-t-Il ouvert les yeux ? Il leur répondit : Je vous l'ai déjà dit, et vous n'avez pas écouté ; pourquoi voulez-vous l'entendre encore ? Voulez-vous aussi devenir ses disciples ? Ils l'injurièrent et dirent : C'est toi qui es son disciple ; nous, nous sommes disciples de Moïse. Nous savons que Dieu a parlé à Moïse ; mais Celui-ci, nous ne savons d'où Il est.

À la suggestion des parents, les pharisiens effrontés avaient encore fait venir à eux l’aveugle, non pas pour une interrogation supplémentaire, mais pour l’intimider jusqu’à lui faire renier son Guérisseur. Leurs paroles : Donne gloire à Dieu, signifie : «Confesse que Jésus ne t’a rien fait – en n’attribuant rien de bon à Jésus, tu donnes gloire à Dieu.» Nous savons, disent-ils, que cet Homme est un pécheur. Pourquoi, alors, ô pharisiens, ne L’avez-vous pas accusé quand Il vous défiait en  disant : Qui de vous Me convaincra de péché ? (Jn 8,46) Mais l’aveugle leur répond : S'Il est un pécheur, je ne sais ; c’est-à-dire : «Ce n’est pas à moi de décider cela maintenant, ni même de le considérer. D’une chose je suis certain : Il a opéré un miracle pour moi. Réfléchissez à ce simple fait et il va dissiper votre perplexité.» En lui redemandant : Que t'a-t-Il fait ? – ils attaquent le Sauveur pour avoir appliqué de l’argile le jour de sabbat. L’aveugle comprit qu’ils ne s’intéressaient pas à sa réponse, mais qu’ils voulaient seulement injurier Jésus, il les réprimanda donc en disant : «Je ne veux plus parler avec vous. Je vous ai répondu plusieurs fois et vous ne l’avez pas entendu.» Puis, il ajouta ces mots, qui les ont piqués au vif : Voulez-vous aussi devenir ses disciples ? Par là, il laisse entendre qu’il veut devenir disciple du Christ. Taquinant et plaisantant avec eux, il parle calmement, n’étant pas le moins du monde intimidé par leur rage. Ils répondent en l’injuriant : C'est toi qui es son disciple ; nous, nous sommes disciples de Moïse. Encore une fois, ils mentent. S’ils avaient été disciples de Moïse, ils auraient été aussi ceux du Christ, comme le Seigneur leur dit : Si vous croyiez Moïse, vous Me croiriez aussi (Jn 5,46). Ils ne dirent pas : «Nous avons entendu», mais nous savons que Dieu a parlé à Moïse. Ce sont leurs aïeux qui leur avaient dit cela, cependant ils prétendent avoir une connaissance certaine de ce qu’ils ont appris seulement par ouï-dire. Et pourtant, quand ils virent de leurs propres yeux le Christ opérer des miracles et L’entendirent dire des Paroles divines depuis les cieux, ils L’appelèrent un imposteur (v. Jn 7,12). Voyez-vous comment la malveillance mène à la folie ?

30-33. Cet homme leur répondit : Il est étonnant que vous ne sachiez d'où Il est ; et cependant Il m'a ouvert les yeux. Nous savons que Dieu n'exauce point les pécheurs ; mais si quelqu'un L'honore et fait sa Volonté, c'est celui-là qu'Il exauce. Jamais on n'a entendu dire que quelqu'un ait ouvert les yeux d'un aveugle-né. Si cet Homme ne venait pas de Dieu, Il ne pourrait rien faire.

«Vous Juifs, vous rejetez Celui qui m’a guéri», dit-il, «parce que vous ne savez pas d'où Il est. Mais le fait même qu’Il n’est pas parmi ceux que vous considérez comme illustres rend encore plus remarquable le fait qu’Il peut faire de telles choses. Manifestement, Il a quelque pouvoir plus grand et n’a pas besoin d’aide humaine.» Puis, l’aveugle répond à ceux qui ont dit plus tôt : Comment un homme pécheur peut-il faire de tels miracles ? (v. 16), retournant leurs propres paroles contre eux : «Nous savons tous», dit-il, «que Dieu n'exauce point les pécheurs ; mais si un homme est adorateur de Dieu et fait sa Volonté, celui-là, Il l’exauce». Remarquez qu’il ne fait pas que déclarer que le Seigneur est libre de péché, mais indique qu’Il est hautement agréable à Dieu et que tout ce qu’Il fait est de Dieu, en disant : «si un homme est adorateur de Dieu et fait sa Volonté, celui-là, Il l’exauce». Sachant bien que les pharisiens avaient l’intention de dissimuler le miracle, l’aveugle, avec une pleine compréhension, proclame l’œuvre bienfaisante : «S’Il n’était pas de Dieu, Il n’aurait pas pu opérer un tel miracle, ne ressemblant à aucun autre depuis le commencement du monde». D’autres avaient bien ouvert les yeux à ceux qui avaient perdu leur vue du fait d’une maladie, mais jamais ceux d’un aveugle de naissance. Ce qui eut lieu ici est sans précédent. Manifestement, ce Thaumaturge a un pouvoir plus grand que quiconque.

Certains, en appliquant la logique froide et formelle, ont exprimé ce doute : «Comment l’aveugle peut-il dire que Dieu n’exauce pas les pécheurs ? En tant qu’Ami de l’homme, Dieu exauce certainement ceux qui prient pour que leurs péchés soient pardonnés.» Il n’est pas nécessaire de répondre à cela, sauf pour souligner que les paroles : Dieu n’exauce pas les pécheurs, signifient que Dieu n’accorde pas à des pécheurs le pouvoir d’opérer des miracles ; car l’Esprit de Dieu ne résidera pas dans un corps esclave du péché (Sg 1,4). Mais Dieu exauce bien les prières de ceux qui, avec un repentir sincère, demandent le pardon de leurs péchés ; Il les écoute comme des pénitents, et non comme des pécheurs. Dès qu’ils demandent pardon, ils passent du rang de pécheurs à celui de pénitents. Il est donc certainement vrai que Dieu n’exauce pas les pécheurs ; Il ne donne pas non plus à des pécheurs la grâce d’opérer des miracles. Lorsque des pécheurs non repentis Lui demandent ce pouvoir, ils tentent de saisir quelque chose qui ne leur appartient pas. Comment Dieu pourrait-Il écouter ceux qu’Il rejette ? Considérez comment l’aveugle dit : Si un homme est adorateur de Dieu, puis ajouta : et fait sa Volonté. Beaucoup sont des craignant-Dieu, mais ils manquent de faire la Volonté de Dieu. On doit craindre Dieu et faire sa Volonté. Foi et œuvres sont également nécessaires, ou, comme le dit Paul, la foi et une bonne conscience (v. ITm 1,5) ; ou, pour l’exprimer dans les termes les plus exaltés : contemplation divine et vertu active (θεωρία καὶ πράξις). La foi ne prend vraiment vie que si elle est accompagnée d’œuvres agréables à Dieu. Celles-ci nourrissent une bonne conscience, exactement comme des œuvres mauvaises nourrissent une mauvaise conscience. De même, les œuvres sont vivifiées par la foi. Séparées les unes de l’autre, elles sont mortes toutes. Comme c’est écrit ailleurs : La foi sans les œuvres est morte (Jq 2,20) – et pareillement les œuvres sans la foi. Voyez comment la Vérité confère à un mendiant, non habitué à des débats publics, le pouvoir de confesser courageusement le Christ et de réfuter les haut placés et les puissants parmi les Juifs ! Grand est le pouvoir de la vérité ; si restreinte et faible est la fausseté. 

34-38. Ils lui répondirent : Tu es né tout entier dans le péché, et tu nous enseignes ! Et ils le chassèrent. Jésus apprit qu’ils l’avaient chassé ; et, l’ayant rencontré, Il lui dit : Crois-tu au Fils de Dieu ? Il répondit : Et qui est-Il, Seigneur, afin que je croie en Lui ? Tu L’as vu, lui dit Jésus, et Celui qui te parle, c’est Lui. Et il dit : Je crois, Seigneur. Et il se prosterna devant Lui.

Tant qu’ils espéraient encore que l’aveugle dirait quelque chose qui leur fût utile, les pharisiens le faisaient venir et le questionnaient plus d’une fois. Mais quand ils se rendirent compte par ses réponses qu’il ne pensait pas comme eux, mais prit la partie de la vérité, ils le méprisèrent et le rejetèrent comme quelqu’un qui est né dans le péché. De façon insensée, ils se réfèrent à sa cécité, pensant qu’il avait été condamné avant de naître et puni de la cécité lors de sa naissance. C’est un non-sens. Ces fils du mensonge expulsèrent du Temple le confesseur de la Vérité, mais ce fut à son avantage. Chassé du Temple, il fut trouvé aussitôt par le Maître du Temple. Apparemment déshonoré pour l’amour du Christ, il fut honoré par la connaissance du Fils de Dieu. Jésus le rencontra, dit l’évangéliste, suggérant qu’Il était venu exprès pour cette raison – pour consoler l’aveugle, comme le juge d’une compétition console un athlète après la peine de son effort, en lui posant sur la tête la couronne de la victoire. Le Seigneur demande : Crois-tu au Fils de Dieu ? Pourquoi le demande-t-Il ? Après une vive dispute avec les pharisiens, après les paroles audacieuses qu’il avait prononcées, peut-il y avoir de doute qu’il croit ? Le Seigneur pose cette question, non pas parce qu’Il n’est pas certain si l’homme croit, mais pour Se révéler à Lui. Car l’aveugle n’avait jamais vu le Christ, même après sa guérison. Comment l’aurait-il pu, alors qu’il fut aussitôt assailli par les Juifs, comme par des chiens sauvages ? Le Seigneur pose cette question maintenant afin que la réponse de l’aveugle : «Et qui est-Il, ce Fils de Dieu ?» – lui fournisse un moment opportun pour Se révéler. En même temps, le Seigneur montre qu’Il honore hautement la foi de l’aveugle. «Le peuple M’a injurié beaucoup, mais leurs paroles ne comptent pas pour Moi», dit-Il. «Une chose importe, que tu croies.» La question de l’aveugle : «Qui est-Il, ce Fils de Dieu ?» révèle son désir ardent. Le Seigneur répondit : Tu L’as vu, et Celui qui te parle, c’est Lui. Il ne dit pas : «C’est Moi qui t’ai guéri et qui t’ai dit : ‘Va et lave-toi’.» Il commence de façon énigmatique : Tu L’as … vu ; puis continue plus ouvertement : et Celui qui te parle, c’est Lui. Le Seigneur lui dit d’abord : Tu L’as … vu, pour rappeler la guérison à l’aveugle et pour l’aider à reconnaître qu’il avait reçu sa vue de Celui qui Se tenait maintenant devant lui. Et l’aveugle croit tout de suite, montrant sa foi fervente et sincère en se prosternant devant Lui, confirmant de la sorte sa propre parole par son œuvre, et rendant gloire à Jésus en tant que Dieu. Car selon la Loi, l’adoration n’est due qu’à Dieu seul (v. Dt 6,13).

Comprenez aussi le sens spirituel de ce miracle. Chaque homme est aveugle de naissance, par le fait de venir à l’existence comme résultat du coït, et d’être attelé par là à la corruption. Depuis le moment où nous fûmes punis de mortalité et où notre race fut condamnée à se multiplier par un moyen passionné de conception, un nuage épais couvrit nos yeux de l’esprit, comme un voile de chair comme dit l’Écriture (v. Gn 2,21). Les Gentils sont des «aveugles-nés» dans un autre sens : Ils firent des dieux de ce qui est sujet à la naissance et à la corruption, et furent aveuglés en conséquence, comme le dit Paul, et leur cœur sans intelligence a été plongé dans les ténèbres. (Rm 1,21). Aussi aveugles étaient les mages de Perse, qui gâchaient leur vie à faire des horoscopes et des prédictions astrologiques. L’aveugle que Jésus vit (Jn 9,1) représente donc tous les hommes, et en particulier les Gentils. Il était incapable de voir son Créateur, alors Dieu Lui-même, l’Aube d’en-haut le visita par sa tendre Miséricorde (Lc 1,28). Comment Jésus «vit-Il l’aveugle» ? En passant (Jn 9,1), ce qui veut dire : non pas pendant que le Seigneur était aux cieux, mais quand Il vint parmi nous par son Incarnation. S’humiliant et acceptant la limitation, Il S’inclina depuis les cieux, comme le dit le prophète David, pour voir tous les fils des hommes (v. Ps 13,3 ; 32,13). Bien qu’Il vînt, premièrement et surtout, aux brebis perdues d’Israël (Mt 10,5-6; 15,24), Il vit aussi «en passant» les Gentils ; car le but secondaire de sa Venue fut de visiter le peuple qui était assis dans les ténèbres (Mt 4,16) de l’ignorance complète. Et comment guérit-Il leur cécité ? En crachant par terre et faisant de l’argile.  Si cela vous aide à croire, considérez comment Dieu le Verbe descendit sur la sainte Vierge comme une goutte de pluie sur le sol (v. Ps 71,6), et oignit les yeux de l’esprit avec de l’argile faite de crachat et de terre. Cette argile est l’unique Christ en deux natures – la nature divine, symbolisée par la goutte de pluie et le crachat, et la nature humaine, symbolisée par la terre, dont vint le Corps du Seigneur. Les hommes reçoivent-ils guérison en croyant simplement ? Certainement pas : ils doivent aller d’abord à la piscine de Siloé, ce qui est la fontaine du baptême, pour être baptisés en Celui qui les y envoie, à savoir le Christ. Car vous tous, qui avez été baptisés en Christ, vous avez revêtu le Christ. (Gal 3,27).

Après qu’un homme a été baptisé, des tentations vont s’emparer de lui. Il sera mené devant des gouverneurs et devant des rois (Mt 10,18), pour ainsi dire, à cause de son allégeance au Christ qui l’avait guéri. Il doit alors se tenir inébranlablement à sa confession, sans la renier par crainte, mais prêt à être dénoncé et excommunié, comme il est écrit : Vous serez haïs de toutes les nations, à cause de mon Nom (Mt 24,9), et : Ils vous excluront des synagogues (Jn 16,2). Même si ce confesseur est chassé par des hommes qui détestent la Vérité, et exclu de leurs Temples et de leurs places d’honneur (c’est-à-dire qu’il est privé de fortune et de gloire), Jésus le trouvera. Alors celui qui fut abusé par ses ennemis sera hautement honoré par le Christ. Le Seigneur lui conférera la connaissance et une foi plus exacte, et le confesseur se prosternera et adorera le Christ, qui apparaît comme un Homme, mais est aussi comme le Fils de Dieu. Car il n’y a pas deux Fils – l’un, le Fils de Dieu et l’autre, le fils de Marie (c’est la doctrine blasphématoire de Nestorius) – mais un seul et même Fils, à la fois Dieu et Homme. Voyez comment le Seigneur répondit à l’aveugle quand il demanda : «Qui est le Fils de Dieu, afin que je croie en Lui ?» Tu L’as vu, dit le Christ, et Celui qui te parle, c’est Lui. Qui donna cette réponse ? N’était-ce pas le Fils né de Marie ? Mais ce Fils de Marie est aussi le Fils de Dieu, et non pas une personne différente. Par conséquent, la sainte Marie est vraiment la Théotokos, l’Enfantrice de Dieu, qui enfanta le Fils de Dieu fait chair. Il est sans division, et les deux sont Un – le Seigneur Christ.

39-41. Puis Jésus dit : Je suis venu dans ce monde pour un jugement, pour que ceux qui ne voient point voient, et que ceux qui voient deviennent aveugles. Quelques pharisiens qui étaient avec Lui, ayant entendu ces paroles, Lui dirent : Nous aussi, sommes-nous aveugles ? Jésus leur répondit : Si vous étiez aveugles, vous n’auriez pas de péché. Mais maintenant vous dites : Nous voyons. C’est pour cela que votre péché subsiste.


Le Seigneur vit que les pharisiens se firent du tort en rejetant le bénéfice de ce miracle, et qu’ils méritaient donc une condamnation plus grande. Appréciant les événements par leur issue, Il déclare : Je suis venu dans ce monde pour un jugement, c’est-à-dire «pour une condamnation plus grande et une punition de mes ennemis, pour que ceux qui ne voient point voient ; et que ceux qui voient, comme les pharisiens, deviennent aveugles des yeux de l’esprit.» Voyez, l’homme aveugle de naissance voit à la fois spirituellement et physiquement, tandis que ceux qui pensent qu’ils voient sont spirituellement aveugles. Dans ce verset, le Seigneur parle de deux sortes de visions et de deux sortes de cécité, mais les pharisiens, qui sont toujours attachés au monde matériel, pensent qu’Il entend seulement l’affliction matérielle. Nous aussi, sommes-nous aveugles ? – demandent-ils, craignant seulement la cécité physique. Le Seigneur désire leur montrer qu’il vaut mieux être physiquement aveugle que de manquer de foi, disant : «Si vous étiez aveugles, vous n’auriez pas de péché. Si la cécité était votre condition naturelle, vous auriez quelque excuse d’être malade d’incrédulité. Mais vous insistez à penser que vous voyez ; de plus, vous êtes témoins oculaires de la guérison miraculeuse de l’aveugle. Parce que vous souffrez d’une incrédulité induite par vous-mêmes, vous ne méritez pas de pardon. Votre péché reste sans absolution, et vous subirez une plus grande punition, parce que vous refusez d’admettre la Vérité, même après avoir vu de telles merveilles.» Les paroles : Si vous étiez aveugles, vous n’auriez pas de péché peuvent être comprises aussi comme suit : «Vous semblez avoir peur seulement de la cécité physique, mais Je vous mets en garde contre la cécité spirituelle. Si vous étiez aveugles, c’est-à-dire ignorants des Écritures, vous n’auriez pas de péché ; c’est-à-dire : vous pécheriez par ignorance. Mais puisque vous dites que vous voyez et que vous vous considérez sages et érudits de la loi, vous vous condamnez vous-mêmes, et avez un plus grand péché, parce que vous péchez de façon délibérée, avec connaissance.»

samedi 17 mai 2014

Mission en Afrique

Je viens juste de rentrer du Cameroun et du Togo, où j'étais 5 semaines. Tout c'est bien passé, hormis que l'évêque André n'est pas venu pour les sacres.


Pour plus d'infos regardez sur le blog de la http://mission.over-blog.fr

Le bulletin 148 vient de sortir.

J'ignore encore la suite ici.
en Christ, 
a. Cassien

samedi 10 mai 2014

4e Dimanche de Pâques

4e Dimanche de Pâques
Dimanche du Paralytique
Jean 5,1-15
De l'Explication de l'évangile de saint Jean
par le bienheureux Théophylacte, archevêque d'Ochrid et de Bulgarie

1-4. Après cela, il y eut une fête des Juifs, et Jésus monta à Jérusalem. Or, à Jérusalem, près de la Porte des Brebis, il y a une piscine qui s'appelle en hébreu Béthesda, et qui a cinq portiques. Sous ces portiques étaient couchés en grand nombre des malades, des aveugles, des boiteux, des paralytiques, qui attendaient le mouvement de l'eau ; car un ange descendait de temps en temps dans la piscine, et agitait l'eau ; et celui qui y descendait le premier après que l'eau avait été agitée était guéri, quelle que fût sa maladie.

C’était une fête des Juifs, la Pentecôte, je pense. Le Seigneur monta à cette fête pour deux raisons : premièrement, pour ne pas paraître opposé, par son Absence, à la Loi, mais être vu en train de la célébrer ensemble avec les autres. Deuxièmement, Il monta à la fête pour attirer davantage de monde à Lui-même par ses signes et son enseignement, surtout parmi la multitude candide. Car les fermiers et les artisans, qui, les autres jours, étaient occupés à leur travail, se réunissaient toujours ensemble les jours de fête. La piscine était appelé Piscine des Brebis, parce que les brebis destinées au sacrifice étaient rassemblées là, et après qu’elles ont été tuées, leurs boyaux étaient lavés dans son eau. La croyance commune était que, par le simple lavage des entrailles sacrificielles, l’eau obtient un pouvoir divin, et à cause de cela, un ange y venait à certains moments pour opérer un miracle. Ici, nous voyons la Providence divine guidant les Juifs, depuis le commencement, vers la foi en Christ, prévoyant pour eux ce miracle de la piscine. Dans ces croyances et pratiques judaïques, Dieu préfigurait le baptême, qui contiendra un grand pouvoir et les dons de purifier des péchés et d’amener des âmes à la vie. Il leur avait déjà donné de l’eau pour la purification des souillures, non pas de la souillure fondamentale, mais de celles qui apparurent comme telles avant (la Nouvelle Alliance), telles que la souillure d’avoir touché un cadavre, un lépreux, et ainsi de suite. Ensuite, Il leur donna ce miracle de la piscine, les préparant ainsi à recevoir le baptême. Un ange descendait à certains moments pour agiter l’eau, y infusant du pouvoir divin. En effet, ce n’est pas dans la nature de l’eau que de guérir d’elle-même (si cela était, elle guérirait chaque fois) ; c’est entièrement par l’activité de l’ange que le miracle se produisait. C’est pareil pour nous : l’eau du baptême est de l’eau toute simple, qui, par les invocations faites à Dieu, reçoit la Grâce de l’Esprit saint pour nous libérer de la maladie spirituelle. Et cette eau guérit tous : les aveugles dont les yeux spirituels sont obscurcis et incapables de discerner le meilleur du pire ; les boiteux qui ne peuvent ni marcher pour faire le bien, ni même avancer vers ce qui est meilleur ; les atrophiés, qui sont en un désespoir complet et n’ont part à rien de bon. Tous sont guéris par l’eau du baptême. Avant, notre faiblesse elle-même nous empêchait de guérir, mais maintenant il n’y a pas d’obstacle à ce que nous soyons baptisés. Dans les eaux de cette piscine, un seul était guéri chaque fois, alors que les autres restaient malades ; maintenant, même si le monde entier venait pour être baptisé à la fois, la Grâce ne diminuerait pas.

5-7. Là se trouvait un homme malade depuis trente-huit ans. Jésus, l'ayant vu couché, et sachant qu'il était malade depuis longtemps, lui dit : Veux-tu être guéri ? Le malade Lui répondit : Seigneur, je n'ai personne pour me jeter dans la piscine quand l'eau est agitée, et pendant que j'y vais, un autre descend avant moi.

La persévérance du paralytique est stupéfiant. Depuis trente-huit ans, il était couché là, espérant chaque jour être guéri, mais toujours empêché par ceux qui étaient plus forts. Cependant, il n’a jamais renoncé, ni n’a désespéré. C’est pourquoi le Seigneur le questionna, afin de nous montrer la constance de cet homme, et non pas, bien sûr, parce qu’Il ignorait la réponse. Non seulement il n’était pas nécessaire pour Lui d’obtenir la réponse, mais il aurait été insensé de la part de qui que ce soit de poser une telle question, de savoir si un homme malade voulait être guéri. Le Seigneur parlait ainsi uniquement pour porter à notre attention la patience de l’homme. Comment répond-il ? Avec gentillesse et douceur : «Oui, Seigneur, je souhaite être guéri, mais je n’ai personne capable de me porter jusque dans l’eau.» Il ne répond pas par le blasphème ; il ne réprimande pas le Christ pour poser une question stupide ; il ne maudit pas le jour de sa naissance, comme nous le faisons souvent, pusillanimes que nous sommes, lorsque nous subissons une affliction bien moindre que la sienne. Il répond humblement et d’un air implorant, ne sachant pas en effet à qui il parlait, et aussi désirant peut-être demander au Christ de le porter dans l’eau. Notez aussi que le Christ ne dit pas : «Veux-tu que Je te rende la santé ?», de peur de paraître Se vanter.

8-10. Lève-toi, lui dit Jésus, prends ton lit, et marche. Aussitôt cet homme fut guéri ; il prit son lit, et marcha. C'était un jour de sabbat. Les Juifs dirent donc à celui qui avait été guéri : C'est le sabbat ; il ne t'est pas permis d'emporter ton lit.

Il lui ordonne de prendre son lit afin de confirmer que le miracle n’était pas une illusion, car l’homme n’aurait pas été capable de porter son lit si ses membres n’avaient pas été soudés fermement et solidement ensemble. Le Seigneur n’exige pas de lui la foi avant de le guérir, comme il l’a fait avec beaucoup d’autres, car le paralytique ne L’avait jamais vu opérer de miracles. Et des autres de qui le Seigneur a exigé la foi, ce n’était pas avant, mais après avoir opéré des miracles en leur présence. Regardez comment le paralytique entendit et crut immédiatement l’Ordre du Seigneur. Il n’hésita pas et ne se dit pas : «N’est-Il pas fou de m’ordonner de me lever tout de suite ? Je suis là depuis trente-huit ans sans jamais avoir pu guérir, et maintenant soudain, je devrais me lever ?» Sans aucune pensée de cette sorte, il crut et se leva. Le Seigneur guérit le jour du sabbat, enseignant ainsi aux hommes une nouvelle compréhension de l’observation de la Loi, afin qu’ils ne pensent pas que c’est par le repos corporel qu’ils honorent le sabbat, mais par l’abstention du mal. Comment la Loi aurait-elle pu interdire de faire le bien le jour du sabbat, alors que la Loi vient de Dieu, qui fait le bien toujours. 
11-13. Il leur répondit : Celui qui m'a guéri m'a dit : Prends ton lit, et marche. Ils lui demandèrent : Qui est l'homme qui t'a dit : Prends ton lit, et marche ? Mais celui qui avait été guéri ne savait pas qui c'était ; car Jésus avait disparu de la foule qui était en ce lieu.

On doit s’émerveiller de l’audace de cet homme en face des Juifs. Alors qu’ils le harcelaient en disant : «il ne t'est pas permis d'emporter ton lit le jour du sabbat», il proclama avec audace son Bienfaiteur : Celui qui m'a guéri m'a dit : prends ton lit, et marche. C’est comme s’il avait dit : «C’est un non-sens que de m’interdire d’obéir à l’homme qui m’a sauvé d’une maladie aussi longue et dure». Les Juifs ne lui demandent pas : «Qui t’a rendu la santé ?», mais : Qui est l'homme qui t'a dit : prends ton lit, et marche ? C’est comme s’ils choisissaient d’être aveugles au bien, mais obsédés par ce qu’ils considéraient une transgression du sabbat. Jésus disparut pour que le témoignage de l’homme de sa guérison fût la preuve de la vérité, et non susceptible de l’accusation qu’il essayait de bien se faire voir de Jésus, en Lui attribuant le miracle. (Car non seulement l’homme ne savait pas qui était Jésus, mais) Jésus Lui-même n’était plus présent sur la scène. Jésus quitta ce lieu pour une autre raison aussi : pour éviter d’exciter davantage la colère des Juifs. Il savait que la seule vue de l’objet de l’envie suffit pour allumer la flamme de la méchanceté. Par conséquent, Il laisse les faits être examinés entièrement en eux-mêmes, d’après leurs propres mérites. Et plus les Juifs accusent, interrogent et examinent, plus rapidement se répand la parole du miracle.

14-16. Depuis, Jésus le trouva dans le Temple, et lui dit : Voici, tu as été guéri ; ne pèche plus, de peur qu'il ne t'arrive quelque chose de pire. Cet homme s'en alla, et annonça aux Juifs que c'était Jésus qui l'avait guéri. C'est pourquoi les Juifs poursuivaient Jésus, parce qu'Il faisait ces choses le jour du sabbat.

Les Paroles du Seigneur au paralytique : Voici, tu as été guéri ; ne pèche plus nous apprennent d’abord que la maladie dans l’homme découle du péché. Ensuite, elles nous apprennent que l’enseignement chrétien au sujet de l’enfer est vrai et que la punition y est éternelle. Où sont maintenant ceux qui disent : «J’ai forniqué une heure durant ; comment est-il possible que je sois puni pour l’éternité ?» Regardez cet homme, dont les années de péché étaient de loin moins nombreuses que ses années de punition, puisque sa punition a duré presque la longueur de la vie d’un homme ? Car les péchés ne sont pas jugés d’après leur durée, mais d’après la nature de la transgression. Nous apprenons aussi des Paroles du Seigneur que même si nous avons payé une dure sanction pour nos anciens péchés, mais nous retournons encore à ces mêmes péchés, nous serons punis plus sévèrement qu’avant. En effet, ce n’est que juste. Si un homme ne corrige pas ses voies après sa première punition, il doit être traité plus sévèrement, parce qu’il est insensible au bien et le dédaigne. Mais pourquoi tous ne sont-ils pas punis de cette manière ? Nous voyons que beaucoup de méchants sont en bonne santé, pleins de force et passent leurs journées dans le bonheur. Mais leur manque de souffrance en cette vie deviendra cause d’une punition encore plus grande dans la vie future. Saint Paul l’explique clairement quand il écrit : Mais quand nous sommes jugés par le Seigneur, c’est-à-dire : dans cette vie, nous sommes châtiés, afin que nous ne soyons pas condamnés avec le monde, c’est-à-dire : dans la vie future. (I Cor 11,32) Ce que nous recevons dans cette vie ne sont que des avertissements. Dans la vie future, ce seront de vraies punitions. Alors, toutes les maladies sont-elles les résultats des péchés ? Pas toutes, mais la plupart. Certaines maladies proviennent du péché, comme nous le voyons dans le cas du paralytique et aussi dans celui d’un des rois de Judée, qui souffrait d’une douleur dans ses jambes, comme résultat du péché (III Rois 15,23) ; d’autres maladies sont données en tant que test et épreuve de la vertu, comme dans le cas de Job ; encore d’autres proviennent d’excès de différentes sortes, comme la gourmandise et l’ivrognerie. Certains ont supposé que ses Paroles : ne pèche plus, indiquent que le Seigneur savait que le paralytique Le révélerait aux Juifs après qu’Il l’a rencontré au Temple. Mais ce n’est pas le cas. Il est évident que cet homme était pieux, car l’évangéliste dit : Jésus le trouva dans le Temple. S’il n’avait pas été pieux, il se serait adonné à la détente, au manger et au boire, et aurait couru chez lui pour échapper aux délires et aux interrogations des Juifs. Mais rien ne le dissuada d’aller au Temple. Après avoir reconnu Jésus, regardez avec quelle gratitude il Le proclame aux Juifs. Il ne dit pas les mots que ceux-ci voulaient entendre : «C’est Jésus qui m’a dit de prendre mon lit», mais plutôt : «C’est Jésus qui m’a rendu la santé». Ces paroles reconnaissantes les rendirent furieux, car ils tenaient la transgression du sabbat pour un crime. Si les Juifs ont ensuite persécuté le Seigneur, comment l’homme était-il en faute en Le leur révélant ? Par des motifs sincères, il leur proclama son Guérisseur afin d’en attirer d’autres à croire en Lui. S’ils ont persécuté l’Unique qui faisait le bien, c’est leur propre péché à eux.


Comprenez la Piscine des Brebis comme représentant la Grâce du baptême, dans lequel l’Agneau sacrifié pour nous, le Seigneur Jésus, fut lavé quand Il fut baptisé pour nous. Cette piscine a cinq porches, symbolisant les quatre grandes vertus, plus la divine contemplation des dogmes (mystères), qui sont révélés dans le baptême. La nature humaine, paralysée dans toutes ses facultés spirituelles, était alitée, infirme depuis trente-huit ans. Elle n’était pas solide de sa foi en la sainte Trinité (cf. 3), ni n’avait une foi sûre en le huitième jour (cf. 8), c’est-à-dire la Résurrection générale et le Jugement dernier. C’est pourquoi elle ne put trouver de guérison, car elle n’avait aucun homme pour la mettre dans la piscine. Autrement dit, le Fils de Dieu, qui avait l’intention de guérir par le baptême, ne S’était pas fait homme encore. Mais quand Il Se fut fait homme, Il guérit notre nature et nous ordonna de prendre notre lit, c’est-à-dire lever de terre notre corps, le rendant léger et libre, non alourdi par la chair et les soucis terrestres, et le redressant de sa paresse pour le rendre capable de marcher, ce qui veut dire, d’être actif à faire le bien. L’agitation de l’eau de la piscine laisse entendre le fait de susciter les mauvais esprits cachés dans les eaux du baptême, pour les écraser et les étouffer par la Grâce de l’Esprit saint. Puissions-nous aussi obtenir guérison, car nous sommes paralysés, incapables de faire un pas vers le moindre bien, nous n’avons pas non plus d’homme, c’est-à-dire pas de pensée humaine et rationnelle, qui nous distingue des bêtes irrationnelles, pour nous porter dans la piscine des larmes du repentir, dans laquelle le premier qui y entre est guéri. Celui qui temporise et remet à plus tard son repentir et ne se dépêche pas de se repentir maintenant, n’obtient pas de guérison. Hâtez-vous donc d’être les premiers à entrer dans cette piscine, de crainte que la mort ne vous dépasse. Et il y a un ange qui agite cette piscine de la repentance. Quel est cet ange ? L’Ange du Grand Conseil du Père, le Christ Sauveur (v. Is 9,6). Car, à moins que le Verbe divin ne touche notre cœur et ne l’agite par la pensée des tourments du siècle à venir, cette piscine ne peut pas devenir active et efficace, et il n’y a pas de guérison pour l’âme paralysée. La piscine de la repentance peut aussi être appelée une piscine des brebis : car en elle sont lavés, comme brebis, les parties et pensées intérieures des saints qui sont  préparés pour devenir un sacrifice vivant agréable à Dieu, les rendant innocents et sans malice. Puissions-nous aussi obtenir guérison et nous trouver ensuite dans le saint Temple de Dieu, n’étant plus souillés par des pensées impies, de peur qu’une chose pire, les tourments éternels, ne nous arrive.

samedi 3 mai 2014

3e Dimanche de Pâques

3e Dimanche de Pâques
Dimanche des Myrrhophores
Marc 15,42-16,6
De l'Explication de l'évangile de saint Marc
par le bienheureux Théophylacte, archevêque d'Ochrid et de Bulgarie

42-47. Le soir étant venu, comme c'était la préparation, c'est-à-dire, la veille du sabbat, arriva Joseph d'Arimathée, conseiller de distinction, qui lui-même attendait aussi le royaume de Dieu. Il osa se rendre vers Pilate, pour demander le Corps de Jésus. Pilate s'étonna qu'Il fût mort si tôt ; il fit venir le centenier et lui demanda s'Il était mort depuis longtemps. S'en étant assuré par le centenier, il donna le corps à Joseph. Et Joseph, ayant acheté un linceul, descendit Jésus de la croix, L'enveloppa du linceul, et Le déposa dans un sépulcre taillé dans le roc. Puis il roula une pierre à l'entrée du sépulcre. Marie de Magdala, et Marie, mère de Joses, regardaient où on Le mettait.

Encore serviteur de la Loi, le bienheureux Joseph reconnut le Christ comme Dieu,  et c’est pourquoi il osa faire un acte de courage aussi louable. Il n’arrêta pas à la pensée secrète : «Je suis un homme riche, et je risque de perdre ma fortune en demandant le corps d’un condamné par l’autorité gouvernante, et les Juifs vont me calomnier.» Non, il ne nourrissait pas de telles pensées, mais plaçant toutes autres  considérations au second rang, Il supplia d’ensevelir le Corps de l’Unique condamné. Pilate s’étonna qu'Il fût déjà mort, parce qu’il pensait que Jésus tiendrait longtemps sur la croix, comme le firent les larrons. Il demanda donc au centurion si Jésus était déjà mort quelque temps auparavant. Joseph prit alors le Corps, après avoir acheté du linge, et quand il l’eut descendu de la croix, il l’enveloppa dans le linge et ensevelit avec respect ce qui était digne de respect. Car Joseph était aussi un disciple du Christ, et il savait qu’il était nécessaire d’honorer le Maître. Il était noble, c’est-à-dire dévoué, pieux et sans reproche. Et il avait le rang de conseiller, un titre qui conférait des devoirs de service et de responsabilité publics ; les conseillers surveillaient les affaires du marché, et celui qui avait cette position était souvent exposé au danger provenant d’actes criminels du marché. Que les riches et ceux qui sont engagés dans les affaires publiques tiennent bien compte du fait que le haut rang de Joseph ne l’empêchait pas du tout de vivre une vie de vertu. Joseph signifie «accroissement», et Arimathée veut dire «s’emparer de cela». Soyons comme Joseph, toujours croissant en vertus et nous emparant de ce qui est vraiment bon. Prenons aussi le Corps de Jésus par la sainte Communion, et plaçons-Le dans un tombeau taillé dans le roc, c’est-à-dire dans une âme qui se souvient toujours de Dieu et ne L’oublie pas.

Et que cette âme soit taillée dans le Roc, c’est-à-dire : dans le Christ qui est le Roc sur lequel nous sommes établis. Enveloppons le Corps de Jésus dans le linge, c’est-à-dire : recevons-le dans un corps pur. Car le corps est le linge et le vêtement de l’âme. Nous devons recevoir le Corps divin du Seigneur non seulement avec une âme pure, mais aussi avec un corps pur. Et nous devons l’envelopper et le serrer en nous-mêmes, et ne pas le laisser exposer. Car ce mystère est quelque chose de voilé et caché, et non quelque chose à exposer.

16,1-8. Lorsque le sabbat fut passé, Marie de Magdala, Marie, mère de Jacques, et Salomé, achetèrent des aromates, afin d'aller embaumer Jésus. Le premier jour de la semaine, elles se rendirent au sépulcre, de grand matin, comme le soleil venait de se lever. Elles disaient entre elles : Qui nous roulera la pierre loin de l'entrée du sépulcre ? Et, levant les yeux, elles aperçurent que la pierre, qui était très grande, avait été roulée. Elles entrèrent dans le sépulcre, virent un jeune homme assis à droite, vêtu d'une robe blanche, et elles furent épouvantées. Il leur dit : Ne vous épouvantez pas ; vous cherchez Jésus de Nazareth, qui a été crucifié ; Il est ressuscité, Il n'est point ici ; voici le lieu où on L'avait mis. Mais allez dire à ses disciples et à Pierre qu'Il vous précède en Galilée : c'est là que vous Le verrez, comme Il vous l'a dit. Elles sortirent du sépulcre et s'enfuirent. La peur et le trouble les avaient saisies ; et elles ne dirent rien à personne, à cause de leur effroi.

Les femmes n’avaient pas compris la Divinité du Christ pendant qu’elles étaient assises près du tombeau, et achetèrent de la myrrhe pour oindre son Corps selon la pratique juive, afin qu’il reste de bonne odeur et ne commence pas à avoir une odeur nauséabonde de décomposition. La myrrhe dessèche aussi les choses et absorbe ainsi l’humidité du corps pour le préserver de la corruption. En pensant à ces choses, les femmes se levèrent et vinrent au tombeau très tôt le matin, ou comme le dit Matthieu : après le sabbath, ou comme le dit Luc : de grand matin (Mt 28,1, Lc 24,1). Tous les évangélistes disent : Le premier du sabbath (mias Sabbaton), à savoir le premier jour de la semaine (car «sabbath» était aussi le nom qu’ils donnaient aux sept jours de la semaine considérés ensemble, donc «le premier jour du sabbath» signifiait le dimanche). Comme les femmes s’approchaient du tombeau, elles se parlaient entre elles en se demandant qui roulerait la pierre loin. Pendant qu’elles pensaient à cela, l’ange roula la pierre sans qu’elles l’eussent remarqué. Matthieu dit que l’ange roula la pierre après que les femmes étaient venus au tombeau. (Mt 28,2) Marc garde le silence à ce sujet, parce que Matthieu a déjà dit qui avait roulé la pierre. Ne soyez pas troublés de ce que Matthieu dit que l’ange était assis sur la pierre, alors que Marc dit que, après qu’elles furent entrées dans le tombeau, les femmes virent l’ange assis à droite. Il est possible qu’elles aient vu d’abord l’ange assis sur la pierre, à l’extérieur du tombeau, comme le dit Matthieu, et qu’il allât ensuite devant elles dans le tombeau, où elle le virent de nouveau. Il y en a qui disent que les femmes mentionnées par Matthieu n’étaient pas les mêmes que celles mentionnées ici par Marc. Marie Madeleine y était pourtant avec toutes, comme elle était fervente et enflammée de zèle. L’ange qui apparut aux femmes dit : Ne vous épouvantez pas. D’abord, il ôte leur effroi, et ensuite il leur annonce la bonne nouvelle de la Résurrection. Il appelle Jésus «le Crucifié», car l’ange n’avait pas honte de la croix, qui est le salut du genre humain et le début de bonnes choses. Il est ressuscité. Comment le savons-nous ? Parce qu’Il n’est pas là. Voulez-vous une assurance supplémentaire ? Voici le lieu où on L'avait mis. C’est la raison pour laquelle l’ange a roulé la pierre : pour leur montrer le lieu. Mais allez dire à ses disciples et à Pierre… II nomme Pierre séparément des autres disciples, car Pierre était le principal des apôtres. Aussi, parce que Pierre avait renié le Christ, l’ange le distingue nommément, de sorte que quand les femmes seraient allées dire que le Seigneur leur avait commandé de raconter aux disciples, Pierre ne puisse pas dire : «J’ai renié le Seigneur, je ne suis donc plus son disciple, Il m’a rejeté et m’abhorre.» L’ange ajouta les mots : et à Pierre, afin que Pierre ne fût pas tenté de penser que Jésus le trouvait indigne d’être mentionné et indigne d’être compté parmi les disciples du Seigneur à cause de son reniement. Il les envoie (de Judée) en Galilée, les délivrant de la sorte du tumulte et de leur grande crainte des Juifs. La crainte et l’étonnement s’étaient emparés des femmes à la vue de l’ange et au mystère redoutable de la résurrection, et elles ne dirent rien à personne, à cause de leur effroi. Elles étaient soit effrayées des Juifs, soit si impressionnées de ce qu’elles avaient vu que leur esprit en était déconcerté. Pour cette raison, elles ne dirent rien à personne, et oublièrent même l’ordre que l’ange leur avait donné.