lundi 17 octobre 2011

LA PAUVRE VEUVE



«Jésus, s’étant assis vis-à-vis du tronc, regardait comment la foule y mettait de l’argent. Plusieurs riches mettaient beaucoup. Il vint aussi une pauvre veuve, elle y mit deux petites pièces, faisant un quart de sou. Alors Jésus, ayant appelé ses disciples, leur dit : Je vous le dis en vérité, cette pauvre veuve a donné plus qu’aucun de ceux qui ont mis dans le tronc; car tous ont mis de leur superflu, mais elle a mis de son nécessaire, tout ce qu’elle possédait, tout ce qu’elle avait pour vivre.» (Mc 12,42-44)


Qui est cette pauvre veuve, pourquoi avait-elle fait ce geste et pourquoi le Seigneur en fait-Il mention ? Autant de questions auxquelles nous allons chercher une réponse.

C’était certes une pauvre veuve juive, dont les évangélistes ne mentionnent pas le nom et qui leur était probablement inconnue. Le Seigneur pourtant savait son nom comme Il savait le nom de Zachée, le publicain (cf. Lc 19,5). Peu importe, pour nous, de savoir son nom; son geste reste en mémoire pour les siècles, et son nom est inscrit dans le livre de Vie.

Avait-elle écouté le Christ prêcher et ses Paroles salvatrices lui avaient-elles touché le cœur ? C’est fort probable, mais les évangélistes le passent aussi sous silence. Le Seigneur lui avait-Il parlé après qu’elle avait fait son offrande ? C’est possible, mais les témoins n’en sont plus de cette vie.

Ce qui est sûr, c’est qu’elle était pauvre comme tant de veuves en Israël en ce temps-là. Elles n’avaient ni pension, ni retraite et elles vivaient juste de ce que les parents ou voisins leur donnaient par charité, en plus de ce que le Temple leur donnait, précisément de l’offrande que tout le monde y faisait.

«C'était une coutume louable chez les Juifs que ceux à qui leur fortune le permettaient déposaient volontairement leur offrande dans le trésor du Temple destiné à nourrir les prêtres, les pauvres et les veuves.» (Théophylacte)

L’offrande de la veuve ne valait pas grand-chose, juste le prix d’un pain peut-être, mais c’était tout ce qu’elle avait et, sans se soucier du lendemain, elle le donnait de tout son cœur.

«Ce n’est pas la modicité de l’offrande, mais la richesse du cœur que Dieu considère ici.» (Chrysostome : Hom. 1, sur l’Ép. Héb.)

«Dieu pèse les intentions bien plus que l'objet même de nos offrandes, Il considère moins la matière de notre sacrifice que la disposition généreuse de celui qui l'offre», dit Bède le Vénérable.

Cette offrande, elle l’a retrouvée dans l’autre vie, augmentée par sa générosité, qui en a donné le prix, et surtout par la Générosité de Celui dont la Générosité n’a pas de limite.

Pourquoi Jésus observait-Il, «assis vis-à-vis du tronc», ce que chacun y mettait ? Par curiosité ? Certes pas ! Mais afin de donner ensuite une leçon à ses disciples, qui attribuaient peut-être plus d’importance à la somme que chacun offrait qu’à la disposition du cœur. Cette disposition peut être d’ailleurs mauvaise : on peut donner par vanité, ou d’une manière forcée, par exemple. L’offrande peut aussi être mal acquise, ce qui est parfois, – pour ne pas dire souvent, – le cas chez les riches. Dieu rejette ces dons-là comme celui de Caïn.

Parfois on n’a rien pour donner, comme l’apôtre Pierre. «Alors Pierre lui dit : Je n’ai ni argent, ni or; mais ce que j’ai, je te le donne : au nom de Jésus Christ de Nazareth, lève-toi et marche.» (Ac 5,6) Si nous ne pouvons faire un miracle, faisons au moins une prière pour le demandeur ou un geste charitable.

Dans un sens plus large, il ne s’agit pas seulement d’offrande d’argent, mais d’offrande de nous-mêmes, de nos possibilités d’aider autrui ou l’Église. Là se vérifie la parole : «Celui qui sème chichement moissonnera chichement, et celui qui sème abondamment moissonnera abondamment.» (II Cor 9,6)

Elle était veuve. Le Seigneur le savait, comme Il savait que la Samaritaine avait eu cinq maris. (cf. Jn 4,18) Probablement on le voyait aussi à son habillement, qui n’était pas pareil à celui d’une femme qui avait encore son mari ou à celui d’une vierge. Qu’elle était pauvre, cela se voyait certes aussi à ses vêtements.

Elle était cependant riche, car elle avait pour protecteur le Seigneur, qui «soutient l’orphelin et la veuve» (Ps 146,9).


lundi 10 octobre 2011

NOTRE DIEU


Chaque fois que le prêtre dit l’ecphonèse : «car Tu es notre Dieu, et nous Te rendons grâce …», ce «notre Dieu» me touche profondément. Il ne s’agit pas d’un dieu abstrait, philosophique, mais bien du Dieu qui nous est proche, qui nous est intimement lié. C'est comme lorsqu'une mère dit : «C’est mon enfant», de cet enfant avec qui elle n’a fait qu’un, pour lequel elle a souffert et pleuré.

L’apôtre Thomas, l’incrédule, disait après la résurrection : «Mon Seigneur et mon Dieu.» (Jn 20,28) Marie Madeleine disait : «Parce qu’ils ont enlevé mon Seigneur.» (Jn 20,13) Chaque fois s’exprime ce lien intime, chargé d’une histoire que seule la personne connaît.

Parmi les appellations de Dieu, je préfère : "Christouli" (petit Christ), qui n’est nullement la même chose que de dire : "Petit Jésus". "Christouli" c’est toujours le Christ – Dieu-Homme, pour lequel je sens plein de tendresse et d’affection et non ce petit Jésus qui exprime de la sentimentalité.

Ce dernier est le bambin qu’on voit sur les images pieuses. Autre chose un tableau à sujet religieux de Raphaël, par exemple, et autre chose une icône byzantine, comme la Vierge de Vladimir. Le premier est charnel et sentimental, alors que l’icône est pleine d'une tendresse où la passion n’a pas de place. Ce n’est pas pour rien que ce type d’icône s’appelle : Vierge de tendresse. Il y a d’autres types d’icône de la Toute-Sainte, qui expriment d’autres aspects (mais jamais de la sentimentalité, qui est une passion) : Qui montre le chemin, Joie de tous les affligés, Qui attendrit les cœurs durs, Apaise mes peines, ou encore : Refuge des pécheurs.

Ce n’est pas de l’austérité, mais l’impassibilité d'où la sentimentalité est bannie et qui est remplie d’affection et de tendresse. Quand on voit le Christ qui prend les enfants dans ses Bras et les bénit, ou un saint Séraphim, qui se dérobait devant les visiteurs mais ne savait le faire devant les enfants…

L’air des montagnes n’est pas austère mais pur. Il n’est austère que pour celui qui est assis, en pantoufles, devant la cheminée, mais pas pour celui qui est plein de santé et de vie.

Il y a un aspect important dans la spiritualité de l’Église : le penthos (le deuil spirituel). Quand on y est avancé, les larmes coulent toutes seules, provoquées par la Grâce dont le cœur attendri est rempli.

Le deuil semble, certes, morbide pour le pécheur, mais pour celui qui s’est défait de ses passions viciées, c’est la résurrection, car il est passé par la croix qui y amène, et son Dieu n’est plus un dieu devant lequel il tremble mais «son» Dieu pour lequel il a tout sacrifié et avec lequel il ne fait plus qu’un pour l’éternité.