«Je suis le bon pasteur. Le bon pasteur donne sa vie pour ses brebis,» dit le Christ. (Jn 10,11) Ses paroles, il les a mises aussi en acte en donnant sa vie pour nous, sur la croix. Durant sa vie, pourtant, il se plaignait de ses disciples : «Gens incrédules ! Jusqu’à quand devrai-je encore rester avec vous ? Jusqu’à quand devrai-je vous supporter ?» (Mc 9,19) Il voyait aussi tous ceux qui le quittaient : «Plusieurs de ses disciples dirent : Ce langage est bien difficile à accepter ! Qui peut continuer à l’écouter ?» (Jn 6,60) Plus loin : «À partir de ce moment-là, beaucoup de ses disciples l’abandonnèrent et cessèrent de l’accompagner.» (Jn 6,66)
Ma petitesse n’a pas encore donné sa vie pour les brebis, que le Seigneur m’a confiées, loin s’en faut ! Je fais ce que je peux, mais pas ce que je devrais. Je supporte patiemment les faiblesses des fidèles, sans parler de mes supérieurs, et je prie pour l’ignorance du peuple, comme dit saint Jean Chrysostome, dans une prière secrète du prêtre, lors de la divine liturgie : «Toi qui nous fais la grâce de nous tenir en ce moment devant ton saint autel pour implorer tes Miséricordes pour nos propres péchés et pour les ignorances du peuple.» Je n’ignore pas non plus, hélas, ceux qui ont apostasié et qui ont pris le chemin large et spacieux. Ils étaient parmi nous, mais pas de nous, comme dit l’Apôtre quelque part.
L’image du bon pasteur a bien sûr ses limites, car ce ne sont pas des animaux irraisonnables, qui suivent leur instinct, mais des hommes raisonnables et conscients, qu’il faut guider. Ce n’est pas avec un bâton en bois qu’il faut les mener sur le bon chemin, mais avec discernement, fermeté et douceur à la fois. Parfois ils prennent des décisions, en ne voyant que le bout de leur nez, et ne pensant pas que le prêtre voit plus loin. Il faut accepter leur liberté, prier pour eux et réparer ensuite les dégâts. Bref.
Au soir de ma vie, je me rends compte de mes faiblesses et manquements durant ma vie de prêtre, et l’expérience m’a rendu un peu plus compréhensif et sage. Pourtant l’idéal du bon pasteur est encore devant moi, et ce sont plutôt les paroles du psalmiste qui se réalisent : «Les jours de nos années montent à soixante-dix ans, et si, et pour les plus robustes, à quatre-vingt, leur surplus n’est que peine et misère; car notre vie s’en va bientôt, et nous nous envolons.» (ps 90,10)
Voilà quelques réflexions, qui valent aussi bien pour moi que pour les fidèles, pour lesquels je dois un jour rendre compte.
A. Cassien
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