En ce temps-là, comme Jésus approchait de Jéricho, un aveugle était assis au bord du chemin et mendiait. Entendant marcher la foule, il demanda ce que cela signifiait. On lui annonça que c'était Jésus de Nazareth qui passait par là. Alors il s'écria : Jésus, fils de David, aie pitié de moi ! Ceux qui marchaient en tête le menaçaient pour qu'il fasse silence, mais il criait d'autant plus fort : Fils de David, aie pitié de moi ! Jésus s'arrêta donc et ordonna de le conduire vers lui. Quand il fut près de lui, il lui demanda : Que veux-tu que je fasse pour toi ? Il répondit : Seigneur, fais que je recouvre la vue ! Jésus lui dit : Que la vue te soit rendue ! Ta foi t'a sauvé ! A l'instant même il recouvra la vue, et il suivit Jésus en rendant gloire à Dieu; et tout le peuple, voyant cela, célébra les louanges de Dieu. (Luc 18,35-43)
J’avais déjà commenté ce passage de l’évangile dans le bulletin n° 73 et je ne fais donc que compléter.
Un miracle de plus que Jésus fit lors de sa vie sur terre. Généralement ses miracles avaient comme sujet la guérison d’un malade mais parfois le sujet était bien autre, comme aux noces de Cana, où l’eau fut changé en vin, ou quand le figuier fut desséché. Le but pourtant était toujours le même : amener les gens à la foi, sinon les miracles n’auraient pas servi à grand chose.
En entrant à Jéricho, – dont le nom signifie lune, – une foule nombreuse suivait le Christ, que cet aveugle ne pouvait voir mais bien entendre. «Cet astre par ses décroissances mensuelles représente les défaillances continuelles de notre nature mortelle,» dit saint Grégoire (hom. 2, sur les Evang.) Généralement un aveugle entend mieux que les autres. Si un organe fait défaut un autre organe se développe davantage, afin de suppléer au premier, et aussi par l’usage.
Ne voyant pas le Sauveur, il demanda donc «ce que cela signifiait.» La foule lui dit simplement que c’était Jésus de Nazareth, mais l’aveugle «s'écria : Jésus, fils de David, aie pitié de moi !» Donc, il avait déjà entendu parler du Christ, puisqu’il le reconnaissait comme «fils de David.» Il savait également que Jésus faisait des miracles et guérissait les malades. Plein d’espoir, il cria donc de façon répétée : «Fils de David, aie pitié de moi !»
«Ceux qui l’entendaient voulaient en comprimer les élans et la constance : «Ceux qui marchaient devant, le gourmandaient pour le faire taire,» mais sa pieuse hardiesse ne se laissait pas intimider par ces défenses répétées, c’est que la foi sait résister à tous les obstacles, et triompher de toutes les difficultés. Il est bon de se dépouiller de toute fausse honte, lorsqu’il s’agit du service de Dieu, car si nous en voyons quelques-uns déployer tant d’audace pour acquérir quelques sommes d’argent, ne faut-il pas que nous soyons saintement audacieux lorsqu’il s’agit du salut de notre âme : Voyez en effet cet aveugle : «Mais il criait beaucoup plus encore : Fils de David, ayez pitié de moi.» (saint Cyrille)
Je ne sais, pour le moment, si c’est saint Cyrille de Jérusalem ou celui d’Alexandrie qui a dit cela. Peu importe ! C’est le sens des paroles qui compte et c’est toujours le même Esprit saint qui les a inspirés.
«Jésus s'arrêta donc et ordonna de le conduire vers lui,» en l’entendant crier ainsi. L’aveugle savait bien marcher avec sa canne mais ne savait pas reconnaitre ainsi le Christ dans la foule. Donc il fallut le conduire vers lui.
Le Seigneur n’ignorait pas ce que cet aveugle désirait mais «il lui demanda : Que veux-tu que je fasse pour toi ?» – «Il lui fait cette question, non par ignorance, mais dans l’intérêt de ceux qui étaient présents, afin de les convaincre que ce pauvre aveugle ne demandait pas d’argent, mais un acte de puissance divine à Jésus comme à un Dieu : «Il lui dit : Seigneur, que je voie,» explique également saint Cyrille. Parfois le Christ posait des questions, tout en sachant la réponse, comme aux disciples sur le chemin d’Emmaüs : «De quoi vous entretenez-vous en marchant, pour que vous soyez tout tristes ?» (Lc 24)
L’aveugle répondit : «Seigneur, fais que je recouvre la vue !» Son grand souci était son aveuglement. Une attitude bien humaine, car maintes fois nous demandons à Dieu de soulager nos peines et de résoudre nos problèmes. Ce ne sont que les parfaits dans la foi qui supportent les travers de la vie patiemment, car ils savent qu’à travers eux, ils avancent spirituellement.
Dieu, le Compatissant, pourtant condescend à nos faiblesses et sait nous soulager comme cet aveugle, à qui Jésus dit : «Que la vue te soit rendue ! Ta foi t'a sauvé !» Sans cette foi pourtant Dieu est limité et ne peut pas nous aider beaucoup, comme autrefois à Nazareth, où le Christ ne pouvait faire beaucoup de miracles : «Aussi ne fit-il là que peu de miracles, à cause de leur incrédulité.» (Mt 13,58)
Jésus lui dit simplement : «Que la vue te soit rendue ! Ta foi t'a sauvé ! L’évangile passe sous silence si le Christ a touché l’aveugle ou lui a mis de la salive sur les yeux, comme pour d’autres aveugles (cf. Mc 8,23 et Jn 9,6) Une simple parole peut suffire à Dieu pour guérir, comme le savait le centurion : «Tu n’as qu’un mot à dire et mon serviteur sera guéri.» (Mt 8,8)
Il bénit donc simplement l’aveugle. On aurait dit, en faisant sur lui le signe de la croix, mais la croix n’était pas encore le signe du salut, le trophée de la victoire sur le mal.
«Il recouvra la vue, et il suivit Jésus en rendant gloire à Dieu; et tout le peuple, voyant cela, célébra les louanges de Dieu», termine l’épisode. «Cet aveugle montra autant de reconnaissance après sa guérison, qu’il avait manifesté de foi avant de l’obtenir,» explique saint Jean Chrysostome, et saint Cyrille de son côté : «Preuve évidente qu’il est délivré d’une double cécité, de celle du corps et de celle de l’âme, car il n’eût point ainsi glorifié Dieu, s’il n’eût véritablement recouvré la vue. Il devient en outre pour les autres une occasion de rendre gloire à Dieu : Et tout le peuple voyant cela, rendit gloire à Dieu.»
«Il suivit Jésus en rendant gloire à Dieu.» Il n’avait plus besoin de sa canne car il trouva la vue du corps et celle de l’âme.
Saint Cyrille encore : «Preuve évidente qu’il est délivré d’une double cécité, de celle du corps et de celle de l’âme, car il n’eût point ainsi glorifié Dieu, s’il n’eût véritablement recouvré la vue. Il devient en outre pour les autres une occasion de rendre gloire à Dieu : Et tout le peuple voyant cela, rendit gloire à Dieu.»
archimandrite Cassien
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