mardi 7 avril 2020

HOMÉLIE POUR L’ANNONCIATION

Juste quelques mots pour la fête de l’Annonciation. D’ailleurs, qui pourrait épuiser ce grand mystère par ses paroles ? «Je ne pense pas que le monde même pût contenir les livres qu’on écrirait,» dirait l’apôtre bien-aimé. (Jn 21,25)
«La sainte Écriture, oeuvre du Dieu tout-puissant, a ceci d'admirable que, même quand on l'a expliquée de mainte façon, il lui reste toujours des replis secrets où elle tient cachés des mystères. Il est très rare qu'une fois expliquée, elle ne garde pas un surplus pour de nouvelles et quotidiennes explications.» (Saint Grégoire le Dialogue; explication du Livre de Rois 1, 76,2)

C’est grâce à la Toute Sainte que le Sauveur a pu s’incarner et nous sauver. C’est aussi «grâce» au traitre Judas que le Christ a pu aller vers sa Passion. Autres pourtant les mérites de la Vierge et autres les «mérites» du traitre. Elle, elle est devenue plus-que-sainte, et «toutes les générations la nomment bienheureuse,» (Luc 1,48) et Judas est devenu «le fils de la perdition,» (Jn 17,12) selon le dire du Christ. «Ce qui est pour lui est une preuve de perdition, c’est pour elle de salut,» dirait l’apôtre Paul (cf. Ph 1,28)
L’Écriture sainte regorge d’exemples où l’on voit que Dieu s’est servi de telle ou telle personne pour réaliser l’économie du salut; parfois pour sa perte, parfois pour son salut. Par exemple, grâce à la jalousie des ses frères, le patriarche Joseph le Tout-bon, – qui est la figure du Christ, – est devenu l’intendant du Pharaon en Égypte. Quels mérites ont ces personnes ? Aucun ! Le roi Nebucadnetsar, servit à punir les péchés d’Israël (cf. Daniel), mais pour sa perte. Judith, par contre, qui coupa la tête d’Holopherne, fut glorifiée. (cf. Judith 13,8)
«Aujourd’hui est le commencement de notre salut …» chante le tropaire de la fête. Lors de l’Annonciation, tout se joua pour réaliser le plan du salut. Ou la Toute Sainte donnait son Fiat, ou elle refusait. En cas de refus, Dieu aurait dû trouver un autre moyen pour nous sauver, mais cela se serait passé sans le consentement des hommes, il nous aurait, pour ainsi dire, forcé. La vierge Marie a donc donné, à la place de toute l’humanité, le consentement, et la synergie entre Dieu et les hommes a ouvert la voie salvatrice. D’ailleurs, comment Marie aurait-elle pu dire non, elle dont la vie antérieure s’était passée dans la pureté et l’innocence, et qu’aucun péché n’avait pu l’effleurer ?
L’archange Gabriel, – qui a apporté la salutation à la vierge Marie et a emporté son Fiat devant le trône de Dieu, – a contribué à anéantir le refus des anges déchus d’obéir à Dieu, ce qui avait entrainé leur chute, celle des hommes et même de toute la création. «Les esprits célestes ne viennent pas à nous de leur propre mouvement, c’est Dieu qui les envoie lorsque notre utilité l’exige; car leur occupation est de contempler l’éclat de la divine sagesse. L’ange Gabriel fut envoyé,» etc. Saint Basile le Grand (sur Isaïe) «Ce n’est point un ange quelconque, mais l’archange Gabriel qui est envoyé à la Vierge Marie. Il n’appartenait, en effet, qu’au plus grand des anges de venir annoncer le plus grand des événements. L’Écriture lui donne un nom spécial et significatif, il se nomme Gabriel, qui veut dire force de Dieu. C’était donc à la force de Dieu qu’il était réservé d’annoncer la naissance du Dieu des armées, du fort dans les combats qui venait triompher des puissances de l’air,» dit saint Grégoire le Théologien (hom. 34 sur les Evang.) 
Le chant de la liturgie des vêpres dit : «Te découvrant l'éternel dessein, ô Vierge, Gabriel se tint devant toi et te salua en disant : Terre sans semailles, réjouis-toi, buisson qui brûles sans être consumé, abîme insondable au regard; réjouis-toi, viaduc menant de terre jusqu'au ciel, échelle que Jacob a contemplée, vase divin contenant la manne des cieux; réjouis-toi qui nous libères de la malédiction, réjouis-toi, espérance d'Adam et son relèvement; le Seigneur est avec toi.» (Lucernaire)

Encore un aspect secondaire qu’on voit parfois sur l’icône de la fête, que l’évangile ne mentionne pas, et à partir duquel un bon orateur pourrait même faire une longue homélie : La Toute Sainte tient dans sa main gauche le fil pourpre et le fuseau : elle tisse le voile du Temple, activité qui annonce sa maternité divine. (Le voile du Temple selon l'épître aux Hébreux figure la chair du Christ.)
Je passe sous silence beaucoup d’autres aspects de la fête de ce jour, comme la fécondation par l’Esprit saint, l’attente et l’annonce des prophètes, etc., car le silence et l’émerveillement conviennent plus à ce mystère sublime que mes pauvres paroles.

a. Cassien 

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