samedi 12 septembre 2015

Exode



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1940, France

Fuyant les combats et les zones occupées par l'ennemi, de files de réfugiés envahissent les routes. A pied, en vélo, en carriole attelée ou en voiture; emportant tous leurs biens, ou seulement les quelques hardes qu'ils ont sur leur dos; se rendant chez quelque vague cousin, ou Dieu sait où, ils avancent.
Parmi eux, certains sont de "bons français", sans nul doute. Mais pour d'autre, un doute plane. Par exemple, peut-on faire confiance à ces Alsaciens qui, pour la plupart, ne parlent pas un mot de français et ne vont même pas à la messe ? Ne sont-ils pas une sorte de "cinquième colonne", prêts à se joindre à l'ennemi à la première occasion ?

On a appelé cette période "l'exode", en référence au livre biblique racontant la sortie d'Egypte par les Hébreux.  L’exode … pas la traversée de la Mer Rouge à pied sec, non; plutôt la troupe errante de migrants dépenaillés fuyant l'esclavage et se rendant Dieu sait où …

Une troupe de fuyards qui se présente à la frontière du territoire d'Edom en demandant à traverser. (Nombres 20,14-21) Mais quel crédit accorder à "ces gens là" ? Au nom de quoi devrait-on les laisser passer, au risque de les voir se transformer en pillards incontrôlables ?
Aussi, la réaction du roi d'Edom est logique. Terriblement logique : chacun chez soi.
C'est justement pour contrer cette logique du rejet de l'autre que, répandue en toutes parts de la Bible, se trouve l'injonction de faire bon accueil au pauvre,  à l'étranger**…

Aujourd'hui, ils sont des milliers à fuir  : combat, dictature, misère. Comment, en tant que chrétiens, pourrions-nous leur refuser notre aide ?
Je ne parle pas des décisions de nos gouvernements. Les logiques des Etats, avec leurs jeux d'influence, leurs intérêts masqués, leurs diplomaties sont choses complexes, souvent impénétrables. Mais nous, comment pourrions-nous opter pour la "politique d'Edom" ? Pourrions-nous le faire au nom du Christ qui a dit "J'étais étranger et vous m'avez accueilli" ?

Soit, mais ces migrants méritent-ils tous notre aide ? Franchement, je n'en sais rien. Et, d'une certaine manière, ce n'est pas la question. Comme l'écrivait St Ambroise de Milan : "La miséricorde n'a pas pour habitude de juger des mérites mais de subvenir aux nécessités, elle aide le pauvre et n'examine pas la justice"***.

Oh, je sais bien, il y a tout un battage médiatique autours de ces migrants, et certains affirment que les médias font leurs possibles pour influer sur nos décisions, voire nous manipuler. C'est bien possible, mais à ma connaissance, ce ne sont pas des journalistes qui ont écrit les  Evangiles, ni qui publient les oeuvres des Pères de l'Eglise, et c'est là – et non dans un journal TV ou papier – que je trouve les raisons d'écrire ce billet.

Enfin, certains – qui regardent les Levantins, ou plutôt les musulmans, avec ce mélange de crainte et de mépris que l'on a pour l'inévitable ennemi – nous prédisent guerres et malheurs si nous accueillons sur notre sol des réfugiés masse. Soit, peut-être n'ont-ils pas tort. Mais nos nations "chrétiennes" et "post-chrétiennes" n'ont pas attendu cette hypothétique invasion pour se faire des guerres aussi meurtrières que réciproques et successives.

Bref, ayant écrit tout cela, je comprends fort bien les réticences de certains. Mais il y a deux logiques : celle d'Edom – sans doute plus confortable – et celle des Evangiles. Et il faut bien choisir.

Notes
** Citons seulement Ex. 23.9, Ps 146.9, Zach 7.10, Mt 25.34-40, Lc 10.25-37 ; mais nous pourrions multiplier les exemples.
*** De Naboth 8.40


Il faut se rappeler que, par rapport aux malheureux, le devoir et l'utilité ne consistent pas à examiner et à juger, mais à faire le bien. Mgr Philarète de Moscou

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