mardi 8 décembre 2015

Sermon pour l’approche de la fêté de la Nativité du Sauveur



Aux approches de la très-sainte solennité dans laquelle notre Sauveur, a bien voulu naître parmi les hommes, par une effet d'une miséricorde toujours admirable, il est de notre devoir, mes très chers frères, de penser sérieusement à la manière dont nous devons nous disposer à l'avènement du Tout-puissant, pour avoir le bonheur de recevoir notre Roi et notre Maître, au milieu des acclamations de joie, avec l'honneur, la gloire et les louanges convenables, et de paraître en sa présence avec des transports dignes de lui, dignes des bienheureuses troupes de saints qui l'environnent. Autrement, nous mériterions d'être rejetés de devant lui, à cause de notre difformité, et de souffrir avec les pêcheurs une confusion éternelle. Je vous exhorte donc et je vous prie d'apporter tous vos soins, avec la grâce de Dieu, pour vous approcher en ce grand jour de l'autel dit Seigneur, avec une conscience nette et sans tâche, un cœur pur et un corps chaste, et d'y recevoir son corps et son sang, non à votre condamnation, mais pour la guérison et le salut de vos âmes.  Le Corps de Jésus Christ est proprement notre vraie vie, comme il le dit lui -même : Si vous ne mangez la chair du Fils de l'homme, et si vous ne buvez son sang vous n'aurez pas la vie en vous. (Jn 6,14). 
Celui donc, qui veut en recevant Jésus Christ, recevoir en même temps la vie, qu’il change sa vie criminelle; car, s'il ne change pas de vie, ce serait à sa condamnation, qu'il recevrait l'auteur de la vraie vie; au lieu de rendre son état meilleur, il le rendrait pire, et se donnerait la mort, au lieu de se donner la vie; car, c'est ainsi que l'explique l’Apôtre :  Celui qui mange le corps du Seigneur, et qui boit son sang indignement, mange et boit son jugement et sa condamnation. (1 Cor 11,27). 
S'il nous convient, en tout temps, d'être comblés et brillants de bonnes œuvres; combien à l'approche de la naissance de notre Seigneur, nos bonnes œuvres doivent-elles plus luire, devant les hommes, comme dit l'Evangile. (cf. Mt 5,46). Un peu de réflexion sur ce qui se passe parmi nous suffirait pour vous engager, mes frères, à suivre les avis que je vous donne. Lorsque un grand de la terre veut fêter sa naissance ou celle de son fils, avec quelle minutieuse attention n'approprie-t-il pas sa maison, quelques jours auparavant ! Si elle n'est pas assez claire, il la fait blanchir, il la fait orner et parsemer de fleurs, en un mot, il n'épargne ni soins, ni dépenses, pour ramasser tout ce qui peut procurer de la satisfaction à l'esprit et de l'agrément aux sens. Pourquoi tout cela, mes très chers frères ? Pour célébrer, avec joie, le jour de la naissance d'un homme, qui doit bientôt mourir. Or, si l'on se fait un plaisir de tous ces soins, de toutes ces attentions et de ces dépenses, pour la fête de sa naissance ou de celle de son fils; que ne devons-nous pas faire, dans l'attente où nous sommes du jour de la naissance de notre Seigneur ? Cet homme, pour qui vous faites si volontiers tous ces préparatifs, doit bientôt mourir; que ne devez-vous donc pas faire pour celui qui est immortel ? Voyez donc à apporter tous vos soins, pour que Dieu ne voie rien dans votre âme, de ce que vous ne voudriez pas vous même trouver dans votre propre maison, en un de vos jours de fête. 
Si un respectable père de famille, si un grand prince, vous invitait à la fête qu'il ferait au jour de sa naissance, comment voudriez-vous y paraitre vêtus ? Ne rechercheriez-vous pas, ce qu'il y a de plus propre, de plus nouveau, de plus parant, de plus éclatant ? 
Faudrait-il vous dire, que des habits anciens, vieux, grossiers, tachés et malpropres, déplairaient et offenseraient ceux qui vous auraient invité ? Feriez-vous moins, donneriez-vous moins d'attention, pour solenniser le jour de la naissance du roi éternel ? J'ai la confiance, qu'avec le secours de Jésus Christ, vous allez faire tous vos efforts pour orner votre âme de toutes sortes d'œuvres, de vertu, de simplicité, de tempérance, comme  d'autant de fleurs, de pierres précieuses, afin d'aller, en quelque sorte, au-devant de la solennité du roi éternel, c’est-à-dire, de la naissance de notre Seigneur et Sauveur Jésus Christ; et avec une conscience tranquille et assurée, par la pratique des brillantes vertus de chasteté, de charité et de l'abondance des aumônes. Si c'est de cette manière que vous vous disposez à célébrer le jour de la naissance de notre divin Sauveur, il viendra à vous, il ne vous honorera pas seulement d'une visite, comme en passant, mais il reposera en vous, et prendra plaisir d'y établir sa demeure pour toujours, ainsi qu'il est écrit : J'habiterai en eux et je marcherai au milieu d’eux, et encore me voici à la porte et je frappe, si quelqu'un se lève et m'ouvre la porte, j'entrerai chez lui, et je mangerai avec lui; et lui avec moi. Heureuse l'âme qui s'applique, avec la grâce de Dieu, à régler si bien sa vie; elle mérite que Jésus Christ la visite et demeure en elle. Que cette autre, au contraire, qui se souille de toute sorte de mal, est à plaindre, qu'elle est  malheureuse, qu'elle est digne de toutes nos larmes, puisque ce n'est pas Jésus Christ, qui repose en elle, mais le diable qui commence à la dominer. Si un tel pêcheur ne recourt, promptement au remède de la pénitence, la lumière de la foi, la douceur des consolations, la vie de la grâce se retirent de lui et l'abandonnent, et il est livré aux ténèbres de ses passions, à des remords cuisants, et enfin à la mort. Quelque déplorable que soit cet état, que ce pécheur ne se défie pas cependant de la grande bonté de notre Seigneur; qu'il n'achève pas de se briser et de se perdre par un mortel désespoir; au contraire, qu'il recoure  promptement à la pénitence, et pendant que les plaies de ses péchés sont encore toutes fraiches et toutes récentes, qu'il y applique des remèdes salutaires. Notre médecin, mes frères, c'est Dieu, il est tout puissant, ses remèdes sont efficaces; ils peuvent guérir nos plaies si parfaitement, qu'il ne reste pas même, le moindre vestige des cicatrices de nos blessures. Abstenons-nous donc de tout ce qui pourrait souiller nos âmes, plusieurs jours avant la naissance de ce médecin si puissant et si bienfaisant. Et ainsi, toutes les fois que vous vous disposerez à célébrer la naissance du Seigneur et les autres solennités. 
  Evitez sur toutes choses l'ivrognerie, résistez à la colère, comme vous feriez à une bête cruelle; bannissez de votre cœur la haine, comme un poison mortel, que votre charité soit si abondante, qu'elle n'embrasse pas vos amis seulement, mais vos ennemis même; vous pourrez dire alors, avec assurance, en récitant l'oraison du Seigneur : Pardonnez-nous nos offenses, comme nous pardonnons à ceux qui nous ont offensés. Comment en effet, celui qui aurait de la haine, ne fut-ce que contre un seul homme, oserait-il s'approcher de l'autel du Seigneur ? L'évangéliste saint Jean ne craignant pas de nous dire, ce que nous ne devons écouter qu'en tremblant; que tout homme qui hait son frère est homicide. Sur cet avis, je m'en rapporte à vous, mes frères, jugez-en vous-même ? Convient-il qu'un homicide, avant d'avoir fait pénitence, ait la présomption de recevoir l’Eucharistie ? Saint Jean ajoute, et ceci est bien clair encore : Celui qui hait son frère, est dans les ténèbres, il marche dans les ténèbres, et il ne sait où il va, parce que les  ténèbres l'ont aveuglé; et encore : Quiconque n'aime pas son frère , demeure dans la mort; et enfin : Si quelqu’un dit j'aime Dieu, et qu'il  haïsse son frère qu'il voit, peut-il aimer Dieu qu'il ne voit pas ? Qui n'est pas effrayé, qui Il ne se réveille pas à ce tonnerre, et conserve encore de la haine ou de la colère dans son cœur ? Croyez-moi, mes frères, il ne dort pas, il est mort. Occupez-vous sans cesse de ces vérités, mes très chers frères, et que ceux qui sont bons fassent leurs efforts, avec la grâce de Dieu, pour persévérer dans les bonnes œuvres; car ce n'est pas celui qui aura commencé, mais : Celui qui aura persévéré jusqu'à la fin, qui sera sauvé. Que ceux, au contraire, qui jusqu'ici n'auraient donné l'aumône, qu'avec peine, qui se seraient laissés emporter par la colère et la violence, qui auraient été enclins et assujettis aux voluptés et aux plaisirs des sens, se hâtent, avec le secours de Dieu, de se corriger, de se défaire de ces misérables passions, afin d'avoir la consolation de ne s'occuper plus qu'à faire de bonnes œuvres, et de mériter non d'être rejetés avec les impies au jugement de Dieu, mais de recevoir les récompenses éternelles avec les justes et ceux qui ont fait miséricorde, par la grâce de notre Seigneur Jésus Christ, qui vit et règne avec le Père, le saint Esprit dans tous les siècles des siècles. 

saint Césaire d'Arles


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