samedi 18 octobre 2014

3 Luc

HOMÉLIE POUR LE TROISIÈME DIMANCHE DE LUC

En ce temps-là, Jésus se rendit dans une ville appelée Naïm; plusieurs de ses disciples et une foule nombreuse faisaient route avec lui. Or, quand il fut près de la porte de la ville, voilà qu'on transportait un mort pour l'enterrer : c'était un fils unique dont la mère était veuve; et il y avait avec elle une foule considérable de gens de la ville. A sa vue le Seigneur fut touché de compassion pour elle et lui dit : Ne pleure pas ! Puis, s'approchant, il toucha le cercueil et les porteurs s'arrêtèrent. Alors il dit : Jeune homme, je te l'ordonne, lève-toi ! Et le mort se dressa sur son séant et se mit à parler. Puis Jésus le rendit à sa mère. Tous furent saisis de crainte, et ils rendaient gloire à Dieu en disant : Un grand prophète a surgi parmi nous, et Dieu a visité son peuple. (Luc 7,11-16) 

Ma première pensée, en lisant ce passage de l’évangile, s’est portée sur le Christ mort sur la croix, et au pied de la croix, sa Mère, l’âme transpercée d’une épée, comme le prophétisait le juste Syméon (cf. Luc 2,35). Comment le Sauveur, le Fils unique, le Seul-engendré, ne pouvait-Il pas penser à sa Mort, en voyant cette pauvre veuve ? N’avait-Il pas ressuscité aussi son ami Lazare ? Ce n’était pourtant qu’un ami du Christ et non le fils d’une veuve. Où seraient sa Justice et sa Miséricorde s’Il était resté indifférent à l’égard de cette veuve, Lui qui est «bon pour les ingrats et les méchants», comme nous l’entendions dimanche dernier (Luc 6,36) ? Il n’est pas dit qu’Il pleurait en voyant ce cortège, mais qu’Il «fut touché de compassion.» La veuve pleurait pourtant, telle sa propre Mère au pied de la croix. 
Donc Il accomplissait cette résurrection du jeune homme en vue de sa propre Résurrection, et la préfigurait. 
Le jeune homme fut ressuscité par le Christ, tandis que Lui-même ressuscita par sa propre Puissance. «Je suis la Résurrection et la Vie» (Jn 11,25). C’est donc par Lui-même qu’Il ressuscita et qu’Il peut ressusciter d’autres dans cette vie et dans l’autre. «Celui qui croit en Moi vivra, quand même Il serait mort; et quiconque vit et croit en Moi ne mourra jamais», poursuit l’évangéliste Jean.»
L’évangile ne dit pas qu’elle croyait, cette veuve, mais ailleurs il est dit que le Christ ne pouvait pas faire beaucoup de miracles «à cause de leur incrédulité.» (Mt 13,58) Le miracle est conditionné par notre foi, car le Seigneur ne nous force pas à croire. Les incrédules ne méritent pas de miracles et d’ailleurs ils auraient dit à Naïm que c’était une mise en scène, ou que le jeune homme n’était pas vraiment mort. Ne disait-Il pas, le Christ, au jeune homme : «lève-toi,» et non : ressuscite ! Ce serait une autre objection…
Revenons à cette pauvre veuve. Voilà ce qu’en dit saint Grégoire de Nysse : «L’Évangéliste nous fait connaître le poids de la douleur qui accablait cette pauvre mère. Elle était veuve, et ne pouvait plus espérer d’autres enfants, elle n’en avait aucun sur lequel elle pût reporter les regards de sa tendresse, à la place de celui qu’elle venait de perdre; il était le seul qu’elle eût nourri de son lait, lui seul était la joie de sa maison, lui seul était toute sa douceur, tout son trésor.» (De la création de l’homme). Il aurait pu dire la même chose en expliquant la scène de la Crucifixion avec la Toute-Sainte en pleurs. Saint Cyrille, de son côté, dit : «Une si juste douleur était bien digne de compassion et bien capable d’attrister et de faire couler les larmes : Le Seigneur l’ayant vue, fut touché de compassion pour elle, et lui dit : Ne pleure point
Par deux fois le mot toucher est employé : Il fut touché de compassion et Il toucha le cercueil. Je vous laisse en trouver vous-mêmes le sens afin que vous appreniez à mâcher l’évangile, et que je ne sois pas toujours obligé de le mâcher à votre place.
Jésus accomplit-Il ce miracle uniquement pour cette veuve ? Ne le fit-Il pas aussi pour le jeune homme, qui goûtait déjà le bonheur de l’autre vie et surtout ne le fit-Il pas pour cette multitude présente afin de l’amener à la foi ? Bien sûr, Il le fit pour tous ces gens-là et même pour nous, qui écoutons ce récit, afin de nous fortifier dans la foi en la résurrection au dernier jour !
Il y eut sept résurrections avant celle du Christ, – en comptant celles de l’Ancien Testament, – et celle du Christ fut la huitième. Le dimanche est le premier et le huitième jour de la semaine, le jour de la résurrection. Huit est donc le chiffre de la résurrection, et les huit personnes qui furent sauvées lors du déluge (cf. I Pi 3,20) la symbolisent.
Que notre Dieu nous rende digne de ressusciter quand «ceux qui auront fait le bien ressusciteront pour la vie», (Jn 5,29) et nous donne aussi la force de faire le bien tant que nous sommes encore en cette vie ! D’ailleurs, c’est la seule certitude, que nous la quittons un jour, et c’est ce jour-là qui est le plus important de notre vie, car tout le reste est passager et fugitif. Pensons-y et préparons-nous à ce passage, afin qu’il ne nous surprenne pas comme un voleur dans la nuit et nous dérobe ce que nous avons amassé dans cette pauvre vie !


archimandrite Cassien

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