dimanche 6 avril 2014

Dimanche des Palmes

Dimanche des Palmes
Entrée à Jérusalem
Jean 12,1-18
De l'Explication de l'évangile de saint Jean
par le bienheureux Théophylacte, archevêque d'Ochrid et de Bulgarie

1-3. Six jours avant la Pâque, Jésus arriva à Béthanie, où était Lazare, qu'Il avait ressuscité des morts. Là, on Lui fit un souper ; Marthe servait, et Lazare était un de ceux qui se trouvaient à table avec Lui. Marie, ayant pris une livre d'un parfum de nard pur de grand prix, oignit les Pieds de Jésus, et elle Lui essuya les Pieds avec ses cheveux ; et la maison fut remplie de l'odeur du parfum.

Le dixième jour du mois, les Juifs prennent l'agneau qui sera tué pour la Pâque, et à partir de ce moment, ils commencent les préparations pour la fête. Donc, six jours avant la Pâque, qui est le neuvième jour du mois, ils font un souper abondant, qu'ils considèrent comme un prélude à la fête. Venu à Béthanie, Jésus prend aussi le souper. Pour souligner le grand miracle de la résurrection de Lazare, dit l'évangéliste, Lazare était un de ceux qui se trouvaient à table avec Lui. Ayant apparu vivant du tombeau, il ne retourna pas peu après à la mort, mais resta parmi eux longtemps, mangeant, buvant et menant une vie normale. En disant que Marthe servait, l'évangéliste indique que le souper eut lieu dans sa maison. Voyez la foi de cette femme, qui ne permit pas à des serviteurs de faire le service, mais se chargea elle-même de la tâche. Paul dit de la veuve «recommandable par de bonnes œuvres» qu'elle «a lavé les pieds des saints» (I Tim 5,10). Marthe, donc, les sert tous, mais Marie réserve l'honneur au seul Christ, Le servant non comme un homme, mais comme Dieu. Il versa le parfum et essuya ses Pieds avec ses cheveux, non en Le considérant comme un simple homme, comme le faisaient beaucoup d'autres, mais comme Maître et Seigneur. Marie peut être comprise allégoriquement comme signifiant ce qui conduit vers le haut à la Divinité du Père et Seigneur (Kyrios) de tous. Car Marie veut dire Souveraine (Kyria). Ainsi, le Maître de tous, la Divinité du Père a oint les Pieds de Jésus, signifiant la Chair du Seigneur dans les derniers temps, à savoir Dieu le Verbe, avec l'huile de l'Esprit. Comme le dit David : C'est pourquoi, ô Dieu, ton Dieu t'a oint d'une huile d'allégresse, de préférence sur tes compagnons (Ps 44, 6). Et le grand Pierre dit : Que toute la maison d'Israël sache donc avec certitude que Dieu a fait Seigneur et Christ ce Jésus que vous avez crucifié (Ac 2, 36). La Chair, assumée par le Verbe et ointe par l'Esprit divin qui entra dans le sein de la Vierge, devint ce qu'est le Verbe : Dieu. Et Il remplit le monde de parfum, exactement comme la maison fut remplie de la fragrance du parfum de Marie. Quel sens voyons-nous dans les cheveux qui essuyaient les Pieds ? Ils représentent les saints qui ornent la Tête de Dieu et son Autorité suprême. Existant pour la Gloire de Dieu, ils peuvent être appelés son ornement et sont devenus coparticipants dans l'onction de la Chair du Christ. D'où David dit dans le Psaume cité ci-dessus : plus que tes compagnons. Et Paul dit aux Corinthiens : Et Celui qui nous affermit avec vous en Christ, et qui nous a oints, c'est Dieu (II Cor 1,21). Nous savons que partout dans le monde, ceux qui vivent selon le Christ sont appelés "Christs" . Donc les cheveux qui ont essuyé les Pieds de Jésus représentent les chrétiens, qui participent à l'onction divine. Comme les cheveux sont quelque chose de mort, ainsi ceux qui appartiennent au Christ sont morts. Ils ont crucifié la chair, mortifié leurs membres terrestres, et sont morts au monde. (v. Gal 5,24) Les cheveux sont l'ornement et la gloire du chef, et les saints sont la Gloire de Dieu, leur lumière brille devant les hommes et le Père est glorifié par eux. (v. Mt 18) Même leur manger et leur boire est à la Gloire de Dieu, qu'ils glorifient dans leurs membres. Et en ce qui te concerne, ô lecteur, Jésus a aussi ressuscité ton entendement déchu, tel un autre Lazare, et tu L'as reçu dans la maison de ton âme, et ce qui y est ressuscité soupe ensemble avec Lui. Oins donc les Pieds du Seigneur six jours avant la Pâque, avant l'aube de la Pâque du siècle à venir, tant que tu vis encore dans ce monde qui a été façonné en six jours. Les Pieds du Christ sont les Livres de l'Apôtre et de l'Évangile, en un mot, ses commandements. Par eux, c'est le Christ qui marche en nous. À ces commandements apporte du parfum, c'est-à-dire une disposition composée de beaucoup de vertus, dont la plus fine est la foi, aussi chaude, mordante que le précieux nard. Si tu ne montres pas un attachement fervent, zélé et vertueux aux commandements du Christ et ne les essuies pas avec tes membres mortifiés, comme avec des cheveux, les prenant à toi, tu ne seras pas capable de rendre ta maison parfumée. Les Pieds du Seigneur sont aussi les frères les moindres, en qui le Christ marche à la porte de chaque homme, demandant ce qui est nécessaire. Oins ceux-là aussi avec le parfum de l'aumône. Il y en a beaucoup qui donnent de l'aumône, mais en font un spectacle, et ainsi n'y gagnent rien. Car ils ont leur récompense en ce monde. (Mt 6,2) Essuie les pieds de ces frères avec les cheveux de ta tête et reçois-en le bénéfice dans ton âme, et récolte la récompense de l'aumône en cette partie principale et gouvernante de l'homme. S'il existe en toi une partie qui est morte et sans vie, comme les cheveux, oins-la avec cet excellent chrême. Car il est écrit : «Efface tes péchés avec l'aumône.» (v. Dn 4,24)

4-8. Un de ses disciples, Judas Iscariot, fils de Simon, celui qui devait Le livrer, dit : Pourquoi n'a-t-on pas vendu ce parfum trois cent deniers, pour les donner aux pauvres ? Il disait cela, non qu'il se mît en peine des pauvres, mais parce qu'il était voleur, et que, tenant la bourse, il prenait ce qu'on y mettait. Mais Jésus dit : Laisse-la garder ce parfum pour le jour de ma sépulture. Vous avez toujours les pauvres avec vous, mais vous ne M'avez pas toujours.

Amoureux de l'argent, Judas critique la façon d'honorer de Marie. Ce qu'il veut dire, c'est : «Pourquoi ne Lui as-tu pas donné de l'argent (pour que je puisse le voler) à la place du parfum ?» Comment se fait-il qu'un autre évangéliste dit que tous les disciples ont posé cette question ? (Mt 26,8-9) Nous pouvons dire que tous les disciples ont parlé de la sorte, mais les autres ne partageaient pas la disposition de Judas. La Seigneur ne le réprimande pas, sachant bien pourtant qu'il parlait dans un esprit de voleur. Il souhaitait éviter de lui faire honte, nous enseignant ainsi à nous aussi d'être patients et longanimes avec de tels individus. Mais d'une manière voilée, Il le gronde bien pour sa perfidie et sa volonté de Le trahir en Le livrant à la mort par avarice. Il mentionne sa sépulture pour blesser le cœur insensible de Judas d'un pincement de conscience, afin de le corriger, si toutefois c'était encore possible. Ses paroles suivantes ont la même finalité : «Vous avez toujours les pauvres avec vous, mais vous ne M'avez pas toujours, car bientôt, Je vais M'en aller, car tu trames ma Mort. Si Je suis gênant pour toi et que l'honneur que l'on Me fait te chagrine, attends un peu et tu seras libéré de Moi ; alors tu sauras si c'était vraiment pour les pauvres que tu avais besoin de vendre le parfum.» Si Judas était en effet un amoureux de l'argent et un voleur, pourquoi le Seigneur lui a-t-Il donné de tenir la bourse ? Pour cette raison même qu'il était un voleur, afin qu'il ne pût pas se servir de son amour de l'argent comme prétexte de sa trahison. Il avait une consolation suffisante de sa faiblesse en sa tenue de la bourse, mais en dépit de cela, il n'était pas fidèle. Il enlevait, ce qui veut dire emportait et volait, ce qui y était mis, commettant le sacrilège de prendre pour lui-même ce qui a été offert pour des buts divins. (Que les pillards de choses sacrées notent bien de qui ils partagent le destin.) Mais le comble de sa méchanceté était qu'il avait trahi le Seigneur. Voyez-vous où mène l'amour de l'argent ? À la trahison. C'est à juste titre que Paul l'appelle la racine de tous les maux, puisqu'il a conduit, dans ce cas, à la trahison du Seigneur, et dans tous les autres cas il produit la même chose (I Tim 6,10). Certains disent que Judas se voyait confier le ministère des fonds, parce que c'était une forme de service inférieure aux autres. S'occuper des fonds est un ministère inférieur à l'enseignement, comme le disent les apôtres dans le livre des Actes : Il n'est pas convenable que nous laissions la Parole de Dieu pour servir aux tables.(Ac 6,2)

9-11. Une grande multitude de Juifs apprirent que Jésus était à Béthanie ; et ils y vinrent, non pas seulement à cause de Lui, mais aussi pour voir Lazare, qu'Il avait ressuscité des morts. Les principaux sacrificateurs délibérèrent de faire mourir aussi Lazare, parce que beaucoup de Juifs se retiraient d'eux à cause de lui, et croyaient en Jésus.

Ces gens qui vinrent à Jésus montraient du bon sens et du jugement juste, contrairement à ceux qui, de façon insensée, s'emportaient contre Lui. Car ils vinrent, dit l'évangéliste, non seulement pour Jésus, mais pour voir Lazare aussi. En effet, parce que le miracle était si stupéfiant, beaucoup voulaient voir l'homme ressuscité, et espéraient peut-être entendre Lazare dire quelque chose des autres qui étaient avec lui dans l'Hadès. Mais les pharisiens étaient si inhumains qu'ils désiraient tuer non seulement Jésus, mais aussi Lazare, qui était devenu une cause de salut pour beaucoup parmi les gens sincères qui étaient venus à la foi grâce au miracle opéré en lui. Ainsi, les pharisiens considéraient le bien dont il avait fait l'expérience comme un crime de sa part. Par-dessus tout, ils étaient vexés qu'à l'approche de la grande fête, tout le monde se précipitait à Béthanie pour entendre parler du miracle et devenir témoins oculaires de l'homme ressuscité.

12-13. Le lendemain, une foule nombreuse de gens venus à la fête ayant entendu dire que Jésus Se rendait à Jérusalem, prirent des branches de palmiers, et allèrent au-devant de Lui, en criant : Hosanna ! Béni soit Celui qui vient au Nom du Seigneur, le Roi d'Israël !

Jésus S'était d'abord retiré dans le désert pour quelque temps afin de calmer la rage de ceux qui étaient résolus à Le faire mourir. Maintenant Il entre avec audace dans la ville et apparaît devant tous. Le temps de sa Passion est proche, et Il ne Se cache plus, mais Se livre pour le salut du monde entier. Considérez l'enchaînement de la Passion. Réservant le plus grand miracle pour la fin, Il ressuscita Lazare des morts. Alors, beaucoup coururent à Lui et crurent. Parce que beaucoup crurent, la jalousie et la rage devinrent encore plus grandes, jusqu'au complot et la croix. Quand la multitude eut entendu que Jésus arrivait, ils L'accueillirent avec une gloire et un honneur plus grands que ne mériterait un simple homme. Ils ne Le considéraient plus comme un simple prophète, car quel prophète leurs pères avaient-ils jamais honorés de la sorte ? Ainsi, ils s'écrièrent aussi : Hosanna ! Béni soit Celui qui vient au Nom du Seigneur. De ces mots nous pouvons déduire d'abord qu'Il est Dieu. Car Hosanna veut dire «Sauve maintenant !», comme c'est écrit en grec dans le Psaume 117 selon la Septante. Là, le mot hébreu Hosanna est rendu en grec par «Ô Seigneur, sauve maintenant !» Le pouvoir de sauver appartient à Dieu seul et c'est à Lui que s'adressent ces mots : «Sauve-nous, ô Seigneur notre Dieu.» D'après de nombreux passages, on doit conclure que l'Écriture attribue le salut à Dieu seul. Avant tout, les Psaumes de David qui se réfèrent au Christ disent qu'Il est Dieu. Ils disent en outre qu'Il est vrai Dieu. Car il dit ici : Celui qui vient, et non : Celui qui est conduit. Ce dernier serait le signe d'un serviteur ; le premier est le signe du pouvoir et de l'autorité. Les paroles : au Nom du Seigneur indiquent la même chose, qu'Il est vrai Dieu. Elles ne disent pas qu'Il vient au nom d'un serviteur, mais au Nom du Seigneur. Elles révèlent également qu'Il n'est pas un ennemi de Dieu, mais Quelqu'un qui vient au Nom du Père, comme le dit le Seigneur Lui-même : Je suis venu au Nom de mon Père, et vous ne Me recevez pas; si un autre vient en son propre nom, vous le recevrez. (Jn 5,43) Et ils L'ont appelé Roi d'Israël, en pensant à un royaume naturel. Ils attendaient un roi plus fort que la nature humaine se lever, pour les sauver du pouvoir romain.

14-16. Jésus trouva un ânon, et S'assit dessus, selon ce qui est écrit : Ne crains point, fille de Sion ; voici, ton Roi vient, assis sur le petit d'une ânesse.  Ses disciples ne comprirent pas d'abord ces choses ; mais lorsque Jésus eut été glorifié, ils se souvinrent qu'elles étaient écrites de Lui, et qu'ils les  avaient accomplies à son égard. 

Pourquoi les autres évangélistes (en parlant des Instructions du Seigneur de trouver un ânon) disent-ils : Détachez-les, et amenez-les-Moi (v. Mt 21,2, Mc 11,2 et Lc 19,30), tandis que Jean n'en parle pas, mais dit simplement : quand Il avait trouvé un ânon. Se contredisent-ils peut-être ? Pas du tout. Ce que les autres ont dit de façon plus détaillée, Jean l'exprime sommairement en disant : quand Il avait trouvé un ânon. Quand les disciples l'avaient délié et amené à Lui, alors Il l'a trouvé et S'est assis dessus. Ce faisant, Il accomplit la prophétie de Zacharie qui dit : Ne crains point, fille de Sion, voici, ton Roi vient à toi, assis sur le petit d'une ânesse. (v. Zach 9,9.) Parce que la plupart des rois de Jérusalem étaient méchants et tyranniques, le prophète dit : «Ne crains point, ô Sion. Le roi que je vous prédis ne sera pas comme les autres, mais doux et humble, sans aucune arrogance». C'est évident par le fait qu'Il vint assis sur un âne. Il n'entra pas dans la cité à la tête d'une armée, mais porté par un âne. Son installation sur un âne est aussi un symbole des choses à venir. Étant impur selon la loi, l'âne représente l'impureté de la race des Gentils, sur lesquels Jésus, le Verbe de Dieu, est assis, soumettant, comme pour un ânon, ce peuple insoumis et sans instruction, cette nouvelle race, et les conduisant dans la vraie Jérusalem, une fois qu'il a été apprivoisé et rendu obéissant à Lui. Le Seigneur n'a-t-Il pas rassemblé les Gentils dans les cieux, une fois qu'ils sont devenus son peuple et ont obéi à sa prédication ? Quant aux palmes, n'indiqueraient-elles pas que Celui qui ressuscita Lazare est devenu le Vainqueur de la mort ? Car les palmes sont décernées à ceux qui sont victorieux dans les jeux et les compétitions. Peut-être indiquent-elles aussi que Celui qui est loué est un Être céleste, venu d'en-haut. De tous les arbres, le palmier est celui qui semble s'élancer, pour ainsi dire, vers le haut, vers les cieux ; il porte du feuillage à son sommet, et la cime produit de jeunes pousses blanches, mais la souche et la section médiane du tronc sont, jusqu'au sommet, rugueuses et dures à grimper, à cause des épines pointues. Ainsi en est-il de celui qui désire acquérir la connaissance du Fils et Verbe de Dieu : il trouvera le chemin dur et abrupt à cause du labeur pour gagner la vertu. Mais quand il est arrivé au pic de la connaissance, il sera accueilli, comme par les pousses les plus blanches du palmier, par la Lumière éclatante de la connaissance divine et la révélation des choses ineffables. Admire avec moi, lecteur, que l'évangéliste n'a pas honte de dévoiler courageusement l'ignorance antérieure des apôtres. Ces choses ne furent pas comprises tout de suite par ses disciples, mais seulement quand Jésus fut glorifié. Par gloire, il entend l'Ascension du Seigneur après la Croix et la Passion. Seulement alors, par la Venue de l'Esprit saint, comprirent-ils que ces choses étaient écrites de Lui. Que ces choses étaient écrites, ils le savaient peut-être ; mais qu'elles concernaient Jésus, ils ne le savaient pas et c'était providentiel. Ils auraient été scandalisés par sa Crucifixion en comprenant que Celui que l'Écriture elle-même avait proclamé Roi a ensuite souffert ces choses.

17-18. Tous ceux qui étaient avec Jésus, quand Il appela Lazare du sépulcre et le ressuscita des morts, Lui rendaient témoignage ; et la foule vint au-devant de Lui, parce qu'elle avait appris qu'Il avait fait ce miracle. Les pharisiens se dirent donc les uns aux autres : Vous voyez que vous ne gagnez rien ; voici, le monde est allé après Lui.


L'évangéliste dit que les gens qui virent le miracle qu'Il avait opéré pour Lazare étaient témoins et hérauts de son Pouvoir. C'est pourquoi Il fut accueilli avec gloire par les gens qui avaient entendu dire et qui crurent qu'Il avait fait ce miracle. S'ils ne l'avaient pas cru, ils ne se seraient pas assemblés si rapidement.

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