samedi 25 mai 2013

LA PRIÈRE DU COEUR

«L’art nait par la contrainte et meurt par la liberté,» disait quelqu’un. En écrivant un article, j'éprouve toujours la même sensation. Je cherche les mots, les juxtapose, essaie de trouver une tournure correcte, etc. Et tant bien que mal j’arrive finalement à exprimer ce que je veux dire.
       Un certain David me demande, par internet,  de lui expliquer comment apprendre la prière du coeur – prière de Jésus. C’est comme apprendre à nager ou faire du vélo. Avec de belles théories on n’avance pas loin. C’est par la pratique qu’on peut y arriver. Cela ne veut pas dire qu’on y arrive sans difficultés. En apprenant à nager on évite difficilement d’avaler de l’eau et en apprenant à faire du vélo, on se retrouve parfois sur ses fesses.
       La prière du coeur doit se faire dans un contexte, un environnement qui lui est propice. Elle fait partie d’un ensemble : direction spirituelle, lecture, jeûne, prière liturgique etc. En dehors de cela, elle en restera au premier stade, c’est-à-dire à l’exercice physique. C’est comme quelqu’un qui veut faire du yoga en dehors du contexte dans lequel le yoga fut créé et pour lequel il fut créé. Cela devient de la gymnastique et sert tout au plus à se calmer un peu. Un autre exemple : Quelqu’un qui veut peindre des icônes en dehors de l'Orthodoxie dans laquelle pour laquelle l’iconographie fut crée. Cela devient de la caricature pour ne pas dire de la singerie, pour m’exprimer crûment.
       Pendant la prière du coeur, il importe surtout de la dire calmement, d'arrêter les flux de pensées, de faire descendre l’intellect dans le coeur, comme disent les pères. Bien  sûr cela est difficile, et plus que difficile, tant que nous sommes passionnés, car nos passions nous agitent et nous font penser sans arrêt à la marmite, la gloire et j'en passe pour ne pas rougir. La prière du coeur nous aide précisément à nous purifier de nos passions et à fur et à mesure qu’on avance, nos pensées et le coeur se calment et finalement la prière se fait sans difficulté. Pour y arriver il faut lutter, se forcer, patienter. Rien ne se fait sans effort dans la vie spirituelle, hormis le péché, c’est-à-dire la descente. Pour remonter la pente, dans laquelle nos péchés nous ont entrainés, il faut transpirer. Bref il n’y a pas une méthode «Assimil» pour apprendre cette prière en quelques leçons, mais on en a pour toute la vie. Sans persévérance, on n’y arrive pas non plus, pas plus qu’une poule qui quitte sans arrêt ses oeufs à couver. Ils vont pourrir, c’est tout, et nous, de notre côté, arriverons à la fin de notre vie avec «des oeufs pourris», c’est-à-dire sans avoir fait fructifier nos talents, comme ce serviteur inutile dont parle l’évangile.
       Revenons un peu en arrière pour compléter. Le fait que les pensées vagabondent, pendant la prière, ne doit pas trop nous inquiéter. La grâce peut agir et même les larmes peuvent couler, tout en étant distrait, pourvu qu’on ne se laisse pas aller exprès aux distractions, contre lesquelles un débutant ne peut pas faire grand chose, pas plus que contre le vent qui souffle. On peut juste s’accrocher, pour ne pas être emporté. D'un enfant, on n’exige pas autant que d'un adulte et d’un débutant on n’attend pas la même chose que d’un parfait, mais il nous est demandé de devenir parfait ! Là il n’y a pas d’excuse.
       Pas besoin d’être un intellectuel ou d’avoir un diplôme en théologie pour dire la prière du coeur. Une personne simple et même un enfant peut l’apprendre, et même plus facilement. L’illettré et le mal-voyant n’a pas non plus d’excuse pour s’y dérober. Il ne faut ni livre ni lunettes, mais juste un coeur bien disposé qui bat pour le Seigneur. C’est la prière «catholique» qui peut et doit être dite par tous, partout et toujours !
       Voilà brièvement sur ce qui est l’art des arts, qui se fait par la contrainte, comme j’ai dit au début, et qui, comme tout art, dans la vie, ne s’apprend sans effort, à plus forte raison la prière du coeur.

Archimandrite Cassien

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