samedi 5 février 2022

LE CHRIST SOUS UNE AUTRE FORME

    Lorsque le Christ ressuscité est apparu après sa Résurrection, ni les apôtres, ni les myrophores ne l’ont reconnu tout de suite. Ce n’est qu’après un certain signe que leurs yeux se sont ouverts. Luc dit, «leurs yeux étaient empêchés de le reconnaître.» (Luc 24,16) Plus loin : «Alors leurs yeux s’ouvrirent, et ils le reconnurent,» (Luc 24,31) quand, devant les disciples d’Emmaüs, il rompit le pain. 

Marc écrit : «Après cela, il apparut, sous une autre forme, à deux d’entre eux qui étaient en chemin pour aller à la campagne.» (Mc 15,12) 

«Ils le reconnurent non pas des yeux du corps, mais des yeux de l’âme,» dit saint Jean Chrysostome. 

Marie Madeleine «se retourna, et elle vit Jésus debout; mais elle ne savait pas que c’était Jésus.» (Jn 20,14) Après : «Elle, pensant que c’était le jardinier.» Ce n’est que quand «Jésus lui dit : Marie ! qu’elle se retourna, et lui dit en hébreu : Rabbouni ! c’est-à-dire, Maître !» (Jn 20,16) 

«Après l'avoir d'abord appelée de son nom de femme sans en avoir été reconnu, le Sauveur l'appelle par son nom propre : Jésus lui dit Marie, comme s'il lui disait : Reconnaissez celui qui vous reconnaît. Marie, en s'entendant appeler par son nom, reconnaît son divin Maître, car celui qu'elle cherchait extérieurement, était le même qui lui inspirait intérieurement le désir de le chercher : Elle, se retournant, lui dit : Rabboni, c'est-à-dire Maître.» (saint Grégoire) 

Lors de la pêche, «Jésus se trouva sur le rivage ; mais les disciples ne savaient pas que c’était Jésus.» (Jn 21,4) Ce n’est qu’après la pêche miraculeuse que «le disciple que Jésus aimait dit à Pierre : C’est le Seigneur !» (Jn 21,7) Et encore, aucun des autres apôtres «n’osait lui demander : Qui es-tu ? sachant que c’était le Seigneur.» (Jn 21,12) 

Revenons à Matthieu. Pendant que le Christ monta aux cieux «sur la montagne que Jésus leur avait désignée, ils le virent, ils se prosternèrent devant lui. Mais quelques-uns eurent des doutes.» (Mt 28,16-17) Ces quelques-uns eurent des doutes, pourquoi ? Du fait qu’ils ne Le voyaient plus comme avant, mais sous cette autre forme

Quand le Sauveur, «le premier de la semaine,» apparut aux disciples «les portes du lieu, où ils se trouvaient étant fermées», ils Le reconnurent lorsqu’Il «leur montra ses mains et son côté.» (Jn 20,20) Ce n’est donc qu’après qu'Il avait traversé les portes closes et montré ses stigmates, qu’ils L’ont reconnu. 

Thomas de même, ayant vu ses stigmates s’écria, effrayé : «Mon Seigneur et mon Dieu !» (Jn 20,28) Est-ce qu’il a finalement touché les plaies ? L’évangile n’en dit rien, mais il a reconnu qu’Il est vraiment Dieu. 

Voici ce qu’en disent les évangélistes, de l’autre forme, ou l'aspect, sous laquelle le Sauveur se montra après sa Résurrection. Il était toujours le même mais son Corps n’était plus sou- mis aux lois de la nature. Il pouvait traverser les portes closes, manger, sans être contraint par la nature, juste pour montrer qu’Il n’était pas un fantôme. «Il leur dit : Pourquoi êtes-vous troublés, et pourquoi pareilles pensées s’élèvent-elles dans vos cœurs ? Voyez mes mains et mes pieds, c’est bien moi; touchez-moi et voyez : un esprit n’a ni chair ni os, comme vous voyez que j’ai. Et en disant cela, il leur montra ses mains et ses pieds. Comme, dans leur joie, ils ne croyaient point en- core, et qu’ils étaient dans l’étonnement, il leur dit : Avez-vous ici quelque chose à manger ? Ils lui présentèrent du poisson rôti et un rayon de miel. Il en prit, et il mangea devant eux.» (Luc 24,39- 43) 

«Notre Seigneur s’exprime de la sorte pour nous donner une image de la résurrection ; en effet, ce qui peut se toucher, est nécessairement un corps, nous ressusciterons donc dans notre corps, la seule différence est qu’il sera subtil, tandis qu’il est maintenant épais et grossier, parce qu’il est composé d’éléments infirmes et terrestres. Ce n’est donc point en vertu de sa nature in- corporelle et divine, mais par suite des propriétés de son corps ressuscité, que Jésus-Christ a pénétré dans le cénacle, les portes demeurant fermées», dit saint Ambroise quelque part. Et saint Grégoire le Grand : «Lorsque notre corps aura part à la gloire de la résurrection, il ne sera pas im- palpable, ni plus subtil et plus délié que le vent ou l’air ; mais il sera tout à la fois subtil en vertu de sa nouvelle puissance spirituelle, et palpable par une conséquence de la nature corporelle.» 

«De même qu'il était quelquefois présent au milieu des Juifs, sans qu'il en fût reconnu, ainsi même en parlant, il ne se faisait connaître que lorsqu'il le voulait.» (saint Jean Chrysostome) 

Cela est bien clair aussi au jardin de Gethsémané, lors de la trahison de Judas : «Celui qui le livrait leur avait donné ce signe : Celui que je baiserai, c’est lui; saisissez–le.» (Mt 26,47) Donc les Juifs ne l’avaient pas reconnu; uniquement Judas, selon la bonne volonté du Seigneur, afin d’être livré en vue de sa passion. 

Le Seigneur avait la faculté, déjà avant sa résurrection, de changer son aspect, pour ne pas être reconnu, mais, une fois ressuscité, sa forme fut pour toujours autre, comme ce sera aussi pour nous. 

Sous une autre forme, Jésus est apparu donc, mais toujours avec ses stigmates. Ils sont resté pour l’éternité, je pense, car ils sont les signes de sa victoire sur la mort et le diable. Voici ce qu’en dit Bède le Vénérable : «C’est donc par un dessein plein de miséricorde, que celui qui a triomphé de la mort n’a point voulu détruire les signes que la mort avait imprimés sur son corps : premièrement pour rendre plus ferme dans ses disciples la foi à sa résurrection ; secondement, afin qu’en intercédant pour nous près de son Père, il pût lui montrer toujours le genre de mort qu’il avait souffert pour le salut des hommes ; troisièmement, pour rappeler à ceux qu’il a rachetés par sa mort, quels secours miséricordieux il leur a aménagés en leur mettant sous les yeux les signes visibles de sa mort; quatrièmement enfin, pour faire comprendre aux impies, au jour du jugement, la justice de leur condamnation.» 

Avec ces stigmates le Christ est aussi représenté sur les icônes; le larron, par contre, sans ses plaies, car le Christ seul est vainqueur. 

Sur les icônes, – où le Seigneur est figuré après sa résurrection, – on Le représente généralement sous sa forme habituelle. On pourrait Le représenter aussi «sous une autre forme». D’ailleurs, il existe une icône, intitulé «sous une autre forme», (en grec : étera morphi). J’ai cette reproduction quelque part dans un de mes livres, mais où exactement... ? J’ai beau le chercher... 

archimandrite Cassien 

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