dimanche 31 décembre 2023

MESSAGE DE LA NATIVITÉ DU SAUVEUR

     Les Israélites demandaient un «Dieu qui marche», comme avaient les autres nations, des dieux en bois et en pierre. «Or ils m’ont dit (à Aaron) : «Fais-nous un dieu qui marche devant nous !» (Ex 32,23) Aaron leur fabriquât un veau d’or que Moïse indigné détruisît.  

Quelques siècles après Dieu a eu pitié, en s’incarnant, est devenu ce Dieu qui marche, qui a vécu parmi nous et nous a sauvé. Celui qui était «inexprimable, inconcevable, invisible, incompréhensible,» (prière secrète de la divine liturgie) est devenu exprimable, concevable, visible, compréhensible.

«Voici que la Vierge sera enceinte et enfantera un fils et on lui donnera pour nom Emmanuel ce qui se traduit Dieu avec nous». (Mt 1,23)

«Ce que nous avons entendu, ce que nous avons vu de nos yeux, ce que nous avons contemplé et que nos mains ont touché,» dit saint Jean l’apôtre bien-aimé (I Jn 1,1)

Toute l’iconographie est basé sur cette réalité. Le Dieu inexprimable se laisse figurer dans son humanité.

Le Sauveur, Lui, le roi des rois, ne s’est pas incarné comme un prince, avec sceptre et couronne, – de nouveau difficile à aborder, – mais comme simple homme humble et plus qu’humble. Né dans une grotte entre bœuf et âne, comme leur semblable, pourrait-on dire, il a dû ensuite se réfugier avec ses parents, lui l’Innocent, en Égypte, pour ne pas être massacré par Hérode. «Tu as transporté d’Egypte un cep; tu as chassé les nations, et tu l’as planté. Tu as préparé une place devant lui, il a poussé des racines, et a rempli le pays.» (Ps 80,8-9) «Et il fut là jusqu’à la mort d’Hérode, afin que fût accompli ce que le Seigneur avait dit par le prophète, disant, j’ai appelé mon fils hors d’Egypte.» (Mt 2,15) «J’ai appelé mon fils hors d’Egypte.» (Os 11,1)

Une fois Hérode mort, («car ceux qui cherchaient la vie du petit enfant sont morts.» Mt 2,20) il s’installa à Nazareth. «Il se retira dans les quartiers de la Galilée, et alla et habita dans une ville appelée Nazareth; en sorte que fût accompli ce qui avait été dit par les prophètes, il sera appelé Nazaréen.» (Mt 2,22-23) Nazareth était un village diffamé. «Peut-il venir quelque chose de bon de Nazareth,» demanda Nathanaël à Philippe. (Jn 1,46) 

Après avoir vécu 30 ans inconnu à Nazareth il se laissa baptiser par Jean dans le Jourdain, pour la rémission des péchés, Lui l’Immaculé ! «Jean vint, baptisant dans le désert, et prêchant le baptême de repentance en rémission de péchés.» (Mc 1,4) Un peu plus loin : «Et il arriva, en ces jours-là, que Jésus vint de Nazareth de Galilée, et fut baptisé par Jean au Jourdain.» (Mc 1,9)

Il enseigna ensuite le peuple, marchant à pied et n’ayant pas de demeure où loger. «Le fils de l’homme n’a pas où reposer sa tête.» (Lc 9,58)

Finalement il finit sa vie par une mort infâme, crucifié entre deux malfaiteurs. (Il n’y avait rien de plus scandaleux comme supplice autrefois que la crucifixion !) 

Dans l’icône dont le titre est «Extrême humilité,» on voit le Sauveur nu dans le tombeau. Les soldats avaient tiré au sort ses vêtements et sa tunique. «Les soldats, donc, quand ils eurent crucifié Jésus, prirent ses vêtements et en firent quatre parts, une part pour chaque soldat. Ils prirent aussi la tunique.» (Jn 19,23). Nu le Christ vint au monde et nu il le quitta. Parfois, sur des icônes anciennes, on voit le Crucifié nu.

«Comme un Agneau sans tache devant celui qui le tond, Il n’ouvre pas la bouche. Dans son humiliation, son jugement a été exalté, qui racontera sa génération, car sa vie a été élevée de terre,» dit le prêtre lors de la prothèse.

En résumé : L’orgueil qui avait fait chuter les protoplastes, et avant eux déjà Lucifer, fut vaincu par le Sauveur dans son abaissement, celui qui est aujourd’hui né de la Vierge Marie, elle qui par son humilité permit que Jésus s’incarnât, Lui le nouvel Adam et elle la nouvelle Ève.

Est-ce que le Seigneur aurait pu s’abaisser davantage pour sauver les brebis égarés, dont je suis le premier, ou plutôt le bouc ? C’est difficile à concevoir.

Ecoutons encore ce que disent les pères de ce grand événement que nous célébrons :

«À quels admirables abaissements se réduit, à quels voyages lointains s’assujettit celui qui contient le monde entier dans son immensité ! Dès son entrée dans le monde, il recherche la pauvreté et la rend honorable dans sa personne,»  dit un père.

«Sans doute, s’il eût voulu, il pouvait venir en ébranlant les cieux, en faisant trembler la terre, en lançant la foudre; il a rejeté tout cet appareil, car il venait, non pour perdre, mais pour sauver l’homme, et, dès sa naissance, fouler aux pieds son orgueil. Il ne lui suffit donc pas de se faire homme, il se fait homme pauvre, et il choisit une mère pauvre, qui n’a point même de berceau pour y déposer son enfant nouveau né : «Et elle le coucha dans une crèche.» (saint Jean Chrysostome, homélie sur la Nativité du Sauveur).

«Celui qui est assis à la droite de Dieu le Père, manque de tout dans une pauvre retraite, pour nous préparer plusieurs demeures dans la maison de son Père (Jn 14,2) : «Car il n’y avait point de place pour eux dans les hôtelleries.» Il naît, non dans la maison de ses parents, mais dans un lieu étranger, et en voyage, parce que dans le mystère de son incarnation, il est devenu la voie qui nous conduit à la patrie (où nous jouirons pleinement de la vérité et de la vie).» saint Bède le Vénérable

« «Celui qui revêt la nature de sa parure si variée, est enveloppé dans de pauvres langes, afin que nous puissions recouvrir la robe première de notre innocence; celui par qui tout a été fait, voit ses mains et ses pieds comme enchaînés, afin que nos mains soient libres pour toute sorte de bonnes œuvres, et que nos pieds soient dirigés dans la voie de la paix.» saint Bède le Vénérable

«C’est pour vous qu’il s’abaisse à cet état d’infirmité, lui qui est en lui-même toute puissance; pour vous, qu’il se réduit à cette pauvreté, lui qui possède toute richesse. Ne vous arrêtez point à ce que vous voyez, mais considérez que c’est par là que vous êtes racheté. Seigneur Jésus, je dois plus à vos humiliations qui m’ont racheté, qu’aux œuvres de votre puissance qui m’ont créé. Que m’eût-il servi de naître sans le bienfait inestimable de la rédemption ?» saint Ambroise de Milan

Tâchons d’être dignes pour célébrer cette grande fête, en brisant notre orgueil, qui est l’origine de tous maux et la racine de tous les vices !

Je parle de manière concise et maladroite, – n’ayant pas la facilité de la parole, comme Moïse, – ce que d’autres, tel Aaron, diront bien mieux de façon détaillée.

a. Cassien




La bulletin 205 est disponible :

http://orthodoxievco.net/bul5/205.pdf

jeudi 28 décembre 2023

Communiqué

 


Notre fidèle Jean Sciboz, de Suisse, vient de nous quitté pour l’autre vie.

Il y fêtera la Nativité là-bas avec les anges, après avoir passé ce dernier temps bien souffrant.

Je ne sais pas encore pour la célébration de la Nativité. Peut-être en Suisse.




en Christ,
a. Cassien

mercredi 20 décembre 2023

LA CONCEPTION DE SAINTE ANNE

 La conception de sainte Anne, que nous fêtons aujourd’hui le 9 décembre, se célèbre le jour du solstice d’hiver, quand les jours rallongent à nouveau. C’est là que se situe la préparation du salut, et lors de l’Annonciation débute le salut, comme chante l’Église ce jour-là : «Aujourd'hui, c'est le commencement de notre salut…» 

L'équinoxe de septembre, de son côté, qui a lieu le 9 septembre orthodoxe, marque le début de l’automne. C’est là que se situe la synaxe des saints Joachim et Anne.

Les papistes prétendent que leur Noël tombe le jour du solstice d’hiver. C’est tiré par les cheveux ! Lors de l’invention de leur calendrier en 1582, où il n’y avait encore que 9 jours de décalage, et non 13 jours, avec le calendrier orthodoxe, c’était encore moins vrai. Dans quelques siècles, leur Noël tombera enfin juste sur le solstice d’hiver, le même jour que la conception de sainte Anne. Mais laissons là leur radotage et voyons le contenu de la fête de ce jour.

Les parents de la Toute Sainte, saints Joachim et Anne, étaient avancés en âge lors de la conception de sainte Anne. Sainte Anne avait déjà bien dépassé la ménopause et était en plus stérile. C’était considéré chez les juifs comme une malédiction qu’un couple n’ait pas d’enfant. Dans leur tristesse, Joachim et Anne décidèrent de prier intensément le Seigneur de leur accorder un enfant bien que les règles de la nature ne le permettaient plus. Saint Joachim se retira dans le désert face à son troupeau pour prier dans cette intention. Le protévangile de Jacques (écrit apocryphe) dit : «accablé de tristesse, Joachim ne reparu pas devant sa femme, et il se rendit dans le désert; il y planta sa tente et, quarante jours et quarante nuits, il jeûna, se disant : Je ne descendrai plus manger ni boire, avant que le Seigneur mon Dieu m'ait visité. La prière sera ma nourriture et ma boisson. Et sa femme Anne avait deux sujets de se lamenter et de se marteler la poitrine. J'ai à pleurer, disait-elle, sur mon veuvage et sur ma stérilité !» Ce protévangile décrit en détail ce qui se passa, mais passons outre.

Sur l’icône de la fête nous voyons quand les parents de Marie se rencontrèrent enfin à la porte de Jérusalem et s’embrassèrent. Ensuite eut lieu la conception miraculeuse mais selon la façon humaine, par l’accouplement. La Vierge Marie fut conçue sans péché mais avec les conséquences du péché originel, qui se transmirent par l’accouplement. «L’Immaculée conception» n’a pas eu lieu à ce moment-là, comme prétendent les susmentionnés dans leur radotage, (quelle bourde théologique !), mais au moment de l’Annonciation, quand la Toute Sainte a conçu, non selon les lois de la nature, mais par l’Esprit saint. *

Le tropaire de la fête chante : « En ce jour sont brisées les chaînes de la stérilité, car Dieu exauce la prière d’Anne et de Joachim…» La malédiction de l’Ancien Testament fut pour ainsi dire ôtée et le chemin vers le salut préparé. 

Voici quelques chants de la fête qui illustrent le dit précédent :

«Le nouveau ciel, c'est Anne qui dans son sein le construit sur l'ordre du Dieu Créateur : de lui s'est levé le Soleil sans couchant illuminant de ses rayons divins le monde entier dans son amour du genre humain et sa miséricorde infinie.» (Matines, cathisme 1)

«En ce jour le voile est déchiré, celui qui de son ombre recouvrait la Loi; grâce et bénédiction sont prêtes à sortir, leur clarté rayonne en la proclamation du futur enfantement de la servante du Seigneur.» (Matines ode 4)

«Du salut voici qu'est affermi le fondement, la base de la grâce, c'est la présente Conception : en elle naît le merveilleux espoir des hommes qui sans cesse chantent pour le Christ : À toi bénédiction et haute gloire !» (Matines ode 7)

J’en avais déjà écrit quelques mots dans le bulletin n°146 et je ne fais que détailler l’ancien texte. Une autre fois, j’écrirai peut-être un livre sur cette belle fête, quand ma langue sera déliée comme la stérilité de sainte Anne. 

a. Cassien


* Je mâche : La Vierge est née comme tous les hommes (hormis le Christ et les protoplastes); c'est-à-dire par l'accouplement qui transmet les conséquences du péché originel. Les papistes prétendent qu'elle fut déjà libérée au moment de la conception par sainte Anne de ces conséquences (éloignement du paradis, mort). En ce cas le Christ ne serait pas mort pour elle ! Par acrobatie, ils veulent qu'elle en fut exempte déjà au moment de sa conception par sa mère. Nous orthodoxes croient qu'elle fut libérée au moment de l’Annonciation par l'Esprit saint. En deux mots : Elle ne fut pas conçu immaculée mais elle a connu immaculé ! 




samedi 2 décembre 2023

HOMÉLIE SUR L’APÔTRE

 «Frères, marchez comme des enfants de lumière ! Car le fruit de la lumière consiste en toute sorte de bonté, de justice et de vérité. Examinez ce qui est agréable au Seigneur; et ne prenez point part aux œuvres infructueuses des ténèbres, mais plutôt condamnez-les. Car il est honteux de dire ce qu'ils font en secret; mais tout ce qui est condamné est manifesté par la lumière, car tout ce qui est manifesté est lumière. C'est pour cela qu'il est dit : Réveille-toi, toi qui dors, relève-toi d'entre les morts, et Christ t’éclairera. Prenez donc garde de vous conduire avec circonspection, non comme des insensés, mais comme des sages; rachetez le temps, car les jours sont mauvais. C'est pourquoi ne soyez pas inconsidérés, mais comprenez quelle est la volonté du Seigneur. Ne vous enivrez pas de vin : c'est de la débauche. Soyez, au contraire, remplis de l'Esprit; entretenez-vous par des psaumes, par des hymnes, et par des cantiques spirituels, chantant et célébrant de tout votre cœur les louanges du Seigneur.» (Éph 5,8-19)


Pour une fois, au lieu d’expliquer l’évangile du dimanche, j’essaie de dire quelques mots sur l’épître de l’Apôtre.

L’apôtre Paul nous y donne des conseils moraux, comment nous comporter, quoi éviter, etc. Voyons ce qu’il dit, une chose après l’autre.

Il veut que nous soyons des enfants de lumière. À chacun d’examiner sa conscience, s’il l’est vraiment ou s’il ne marche pas dans les ténèbres. Cela se montre à nos fruits, et ces fruits, ce sont, entre autres, la bonté, la justice et la vérité.

C’est le Christ lui-même qui est la lumière, comme il le dit maintes fois, comme ici : «Moi, je suis la lumière du monde; celui qui me suit ne marchera point dans les ténèbres, mais il aura la lumière de la vie.» (Jn 8,12) 

Les œuvres des ténèbres, qui sont du diable, sont nommées infructueuses. Elles ne portent pas de fruits mangeables, et elles sont à condamner. Certaines, il ne faut même pas les nommer ! Elles se pratiquent en secret, dans les ténèbres.

Il est question de la circonspection, signe de sagesse, et il nous est demandé de racheter le temps, c’est à dire de ne pas le gaspiller, car les jours sont mauvais, et ils sont comptés. Racheter, cela veut dire de ne pas perdre nos jours comptés, en des œuvres mondaines, qui ne font qu’alimenter nos passions sans les satisfaire. Bien au contraire, l’Apôtre nous conseille d’être remplis de l’Esprit saint et de nous appliquer à ce qui est spirituel. «Priez sans cesse,» est-t-il dit ailleurs par le même apôtre (I Th 5,19).

Etre inconsidéré. Cela veut dire de marcher sans viser le but, être chancelant, hésitant, juste considérer ce qui est immédiat mais malheureusement passager, futile, et sans fruits pour l’autre vie, – la vraie.

«Ne vous enivrez pas de vin : c'est de la débauche,» dit l’apôtre Paul. Dans le même épître, un peu avant, il s’explique : «Voici donc ce que je dis et témoigne dans le Seigneur, c’est que vous ne marchiez plus comme le reste des nations marche, dans la vanité de leurs pensées,

leur entendement obscurci, étant étrangers à la vie de Dieu à cause de l’ignorance qui est en eux, à cause de l’endurcissement de leur cœur;

et qui, ayant perdu tout sentiment moral, se sont livrés à la débauche, pour pratiquer avidement toute impureté.» (Eph 4,17-19)

L’épître du jour termine : «de tout votre cœur.» Cela veut dire de le faire avec piété et dévotion, non machinalement, en hâte, juste par devoir.

a. Cassien

jeudi 16 novembre 2023

HOMÉLIE DU 7e DIMANCHE DE LUC

 Luc (8,41-56)



«En ce temps-là, un homme du nom de Jaïre, qui était chef de la synagogue, s'approcha de Jésus. Tombant à ses pieds, il le suppliait de venir chez lui, parce qu'il avait une fille unique, âgée d'environ douze ans, qui se mourait. Et tandis qu'il s'y rendait, la foule le serrait à l'étouffer. Or une femme atteinte d'un flux de sang depuis douze années et qui avait dépensé tout son avoir en médecins, sans que nul d'entre eux n'ait pu la guérir, s'approcha par derrière et toucha la frange de son manteau; et à l'instant même son flux de sang s'arrêta. Et Jésus demanda : Qui m'a touché ? Comme tous s'en défendaient, Pierre et ses compagnons lui dirent : Maître, c'est la foule qui te presse et t'écrase, et tu demandes qui t'a touché ! Jésus reprit : Quelqu'un m'a touché; j'ai senti qu'une force était sortie de moi ! Se voyant découverte, la femme vint toute tremblante et, se jetant à ses pieds, raconta devant tout le monde pour quelle raison elle l'avait touché et comment elle avait été guérie à l'instant. Jésus lui dit : Ma fille, ta foi t'a sauvée; tu peux aller en paix ! Il parlait encore, quand de chez le chef de la synagogue arriva quelqu'un qui lui dit : Ta fille est morte à présent, ne dérange plus le Maître ! Mais Jésus, qui avait entendu, lui répondit : Ne crains pas; crois seulement, et elle sera sauvée ! Arrivé à la maison, il ne laissa personne entrer avec lui, si ce n'est Pierre, Jean et Jacques, ainsi que le père et la mère de l'enfant. Tous pleuraient et se lamentaient sur elle, mais Jésus leur dit : Ne pleurez pas, elle n'est pas morte, elle dort ! Et ils se moquaient de lui, sachant bien qu'elle venait de mourir. Mais Jésus, les ayant tous fait sortir et l'ayant prise par la main, lui dit à haute voix : Enfant, lève-toi ! L'esprit lui revint et à l'instant même elle se leva. Puis il ordonna de lui donner à manger. Ses parents furent saisis de stupeur, mais Jésus leur enjoignit de ne dire à personne ce qui était arrivé.»

Par deux fois le chiffre douze se trouve dans cet évangile : La fille avait douze ans et l’hémoroisse souffrait depuis autant d’années.

Sur le chemin vers la maison du chef de la synagogue, la guérison de la femme «atteinte d'un flux de sang» a eu lieu. 

«D’après la loi, cette maladie était regardée comme une des plus grandes souillures,» (cf. Lev 15) précise saint Jean Chrysostome (hom. 32 sur saint Matthieu) C’est pour cela que cette femme a eu peur et était «toute tremblante». – «Car il était défendu à ceux qui étaient souillés de quelque impureté, de toucher ceux qui étaient purs, ou de s’approcher de ceux que la loi réputait pour saints,» dit saint Cyrille.

Elle avait touché les vêtements du Christ et à cause de sa foi elle fut guérie. Les soldats, lors de la crucifixion, les tirèrent au sort entre eux, sans éprouver rien de semblable. Donc sans la foi, toutes nos œuvres sont stériles !

Dans son Histoire ecclésiastique, Eusèbe de Césarée relate : «On rapporte que cette femme fit ériger dans la ville de Panéade (Césarée de Philippe), d’où elle était originaire, un monument remarquable, en souvenir du bienfait qu’elle avait reçu du Sauveur. On voyait à l’entrée de la porte de sa demeure, sur un piédestal élevé, une statue d’airain, représentant une femme à genoux, les mains jointes, dans l’attitude de la prière; de l’autre côté se dressait une autre statue de même matière, représentant un homme vêtu d’un manteau, la main étendue vers cette femme; à ses pieds, sur la base, on voyait une plante exotique, qui montait jusqu’au bord du manteau d’airain, et à laquelle on attribuait la propriété de guérir toutes les douleurs. Cette statue, disait-on, représentait Jésus Christ, et l’empereur Maximin la fit détruire.»

Revenons à la fille qui se mourrait, ou était déjà morte, selon les évangélistes. 

Matthieu précise que la fille était déjà morte quand son père aborda Jésus : «Ma fille vient de mourir, mais viens et pose ta main sur elle, et elle vivra.» (Mt 9,18) Marc dit : «Ma fille est à l’extrémité; je te prie de venir et de lui imposer les mains, afin qu’elle soit sauvée, et qu’elle vive.» (Mc 5,23)

Matthieu dit également : «Jésus, étant arrivé à la maison du chef de synagogue, et voyant les joueurs de flûte et la foule qui faisait un grand bruit.» Ce tumulte se faisait puisque tous croyaient la fille définitivement morte.

«Arrivé à la maison, il ne laissa personne entrer avec lui, si ce n'est Pierre, Jean et Jacques, ainsi que le père et la mère de l’enfant.» 

Ces sont ces mêmes apôtres que le Seigneur prit avec lui lors de sa Transfiguration. L’hémorroïsse retrouva la santé devant beaucoup de témoins – toute la foule – tandis que, lorsque le Christ ressuscita la fille, il ne prit que ces témoins nommés plus haut. Pourquoi ainsi ? Question inutile, sinon l’évangéliste l’aurait dit. «Ceux qui étaient avec lui,» (Mc 5,40) dit Marc; donc les autres apôtres étaient absents. Encore : pourquoi ? demandent les curieux.

«Cette jeune fille n’est pas morte, mais elle dort.» On parle de dormition pour ceux qui croient. Ce ne sont que les incroyants qui meurent vraiment d’une mort éternelle !

Quant le Sauveur ressuscita cette fille, il les fit tous sortir, vu leur incrédulité. «Et ils se moquaient de lui,» même les apôtres qui avaient encore une foi chancelante ! «Ils se riaient de lui, car quand on ne croit pas, on devient nécessairement moqueur,» selon saint Ambroise.

Cette fille ne pouvait pas toucher le vêtement du Christ, mais, lui, «l'ayant prise par la main», «l'esprit lui revint.»

«L'ayant prise par la main, lui dit-il à haute voix : Enfant, lève-toi !» Marc dit : «Talitha coumi», ce qui se traduit par Enfant, lève-toi. 

La fille se leva toute seule, ayant repris vie. Pour reprendre ses forces, le Seigneur «ordonna de lui donner à manger».

À l’homme «infirme depuis trente-huit ans», Jésus dit : «Lève-toi, prends ton petit lit, et marche,» (Jn 5,8) tandis qu’à la fille il ne dit que «Lève-toi !» Il est évident que les deux sea déplacèrent, une fois guéris, et qu’ils ne restèrent pas couchés sur leurs grabats. On peut aussi dire que dans le premier cas, c’était un paralytique et qu’il y avait le problème du sabbat, pendant lequel il était interdit de porter son lit, ce qui scandalisa les pharisiens à cause de leur esprit borné.

Le problème de cet homme était sa paralysie. Donc le Christ l’enjoignit : «Lève-toi, prends ton grabat, et marche !» La fille n'avait pas le même syndrome. Elle «se mourrait». Cela suppose qu’elle souffrait depuis un moment et qu’elle avait perdu ses forces. C’est pour cela le Sauveur «ordonna de lui donner à manger».

L’évangile termine : «Ses parents furent saisis de stupeur, mais Jésus leur enjoignit de ne dire à personne ce qui était arrivé.»

Pour ne pas me borner au récit historique de l’évangile, précisons quelle leçon en tirer pour nous. Tout tourne, dans cet évangile, autour de la foi. Si nous avons la foi «grosse comme un grain de sénevé» comme il est dit ailleurs, tout nous est possible avec l’aide de Dieu. Si pourtant notre foi est chancelante et semée de doutes, alors il ne nous reste qu’à jouer de flûte et à faire un grand bruit, comme cette foule incrédule, en d’autres termes, à pleurer notre état spirituel décadent. 

Sur cette belle fresque, le récit évangélique n’est pas trop pris à la lettre, pourrait-on dire. Ce n’est pas une représentation chronologique, mais selon la manière iconographique, plusieurs épisodes, – qui se sont déroulés à des moments et endroits différents, – peuvent figurer sur la même représentation.


a. Cassien





samedi 11 novembre 2023

Sermon pour le 5ème dimanche de Luc

 L'homme riche et Lazare


Par le moine Agapios Landos de Crète (1585-1657)


Le Seigneur dit : «Il y avait un homme riche, vêtu de pourpre et de lin fin, qui faisait chaque jour des festins somptueux. À sa porte se trouvait un pauvre, Lazare, couvert d'ulcères, qui demandait à manger ce qui tombait de la table du riche».

Voulant nous rendre généreux et charitables, nous aimer les uns les autres et apprendre aux méchants et aux durs à cuire quels périls les attendent et aussi enseigner à ceux qui ont de la peine et qui souffrent ici quelle joie et quelle allégresse ils hériteront, le Seigneur a sagement décrit pour nous l'homme riche comme étant très dur et inhumain au-delà de toute mesure et le pauvre comme possédant une force d'âme et une patience merveilleuses. Il laisse le riche dans l'anonymat, comme étant indigne d'un nom, comme le dit le prophète : «Je ne mentionnerai pas leur nom sur mes lèvres» (Ps 16,4) et «son souvenir a disparu avec bruit» (Ps 9,6). Le nom du pauvre est donné parce que les noms des justes sont inscrits dans le livre de vie. La tradition juive veut qu'à l'époque du Christ, il y ait eu à Jérusalem un certain Lazare qui a enduré une grande pauvreté avec une force d'âme agréable à Dieu. Le Seigneur le mentionne comme étant vertueux et saint, puisque l'Écriture dit : «Heureux ceux qui craignent le Seigneur», «leur souvenir demeure dans les siècles des siècles» et «vous serez dans la mémoire éternelle».

L'homme riche était bien habillé, avec des vêtements coûteux, et il festoyait somptueusement chaque jour, célébrant avec splendeur et jouissant des biens de la terre et de la mer, comme c'est la coutume de ces gens qui gaspillent leur argent en musique, en danse et en vêtements somptueux. Mais il y avait beaucoup d'autres personnes qui étaient nues, pieds nus, affamées, tourmentées par le froid glacial. En particulier, il y avait le très pauvre Lazare qui gisait nu et angoissé à la porte de cet homme riche injuste, au cœur dur et peu charitable. Lazare endurait toutes les souffrances de la pauvreté et de la maladie et désirait ardemment manger les miettes qui tombaient de la table de l'homme riche. Mais on ne lui en donna pas et il resta couché, couvert de plaies, sans personne pour l'aider ou même le réconforter dans son besoin. L'homme riche, quant à lui, passait son temps dans la prodigalité, mangeant, buvant et s'amusant. Quelle dureté de cœur et quelle cruauté ! Son cœur n'a pas été adouci par sa prospérité pour devenir plus aimable envers le pauvre, mais il est resté, pour ainsi dire, une bête sauvage. En fait, il était pire que la bête la plus sauvage.

De plus, «les chiens venaient lécher ses plaies». Quelle merveille ! Les chiens eux-mêmes étaient plus gentils et plus doux que l'homme riche. Ils léchaient les plaies du pauvre avec leur langue, sans le mordre, absorbant simplement le sang et tout autre liquide qui coulait des blessures, comme s'ils compatissaient à sa douleur. L'homme riche, quant à lui, était si insensible et inhumain qu'il ne regardait même pas le pauvre avec bonté, ne lui parlait pas, ne lui jetait pas quelque chose à porter ou ne lui donnait pas un morceau à manger, mais engloutissait tout dans sa propre gorge, dans son estomac et le digérait. Cependant, malgré ses souffrances, Lazare n'a jamais blasphémé ni protesté contre la providence divine. Il n'a jamais désespéré, ne s'est jamais plaint, n'a jamais envié le luxe de l'homme riche, n'a jamais critiqué personne d'autre, mais a supporté sa condition avec joie. C'est pourquoi, lorsqu'il est mort, les saints anges l'ont pris et l'ont emmené au paradis. S'il s'était plaint et avait blasphémé, il n'aurait pas été digne d'un tel honneur et d'une telle compagnie. Le pauvre homme mourut et fut emmené par les anges dans le sein d'Abraham. Lazare a été libéré des tourments de la misère et de la maladie et a atteint un port accueillant et sûr, car ceux qui espèrent en Dieu ne meurent pas éternellement, mais sont rachetés de la douleur des peines et entrent dans la joie et les délices, comme Salomon nous l'enseigne lorsqu'il dit : «Aux yeux de ceux qui ne sont pas sages, ils semblent mourir, et leur départ est pris pour une misère, et leur éloignement de nous pour une perte totale…»

Les anges emportèrent donc Lazare dans le sein d'Abraham. Les pauvres et les indigents qui se plaignent et blasphèment parce qu'ils n'ont pas de force d'âme ne sont pas seulement privés de la gloire des justes, mais ils sont condamnés au feu de l'enfer éternel où leurs âmes misérables seront châtiées à jamais. Écoutez, vous qui avez des malheurs, ne soyez pas amers si vous êtes pauvres ou si vous souffrez d'autres tristesses et épreuves passagères, mais réjouissez-vous et soyez dans l'allégresse, car c'est à travers de nombreuses douleurs que vous jouirez du royaume des cieux. Il sera cependant difficile aux riches d'y accéder, à moins qu'ils ne soient mis à l'épreuve et privés de leurs richesses ou qu'ils les donnent aux pauvres par charité. Heureux les riches qui ont été appauvris et qui sont frappés par des peines et des épreuves, pourvu qu'ils les supportent sans se plaindre et qu'ils remercient le Seigneur pour tout, même s'ils ont faim, s'ils sont tristes et s'ils sont inquiets. Puisque nous ne connaissons pas les jugements de notre Dieu tout-puissant et tout-sage, nous ne devons pas les examiner, mais croire simplement que tout ce qui nous arrive de mal tournera au mieux, par la providence de Dieu. Ceux qui ont peu de foi et qui sont amers de ne pas avoir échappé à la pauvreté devraient écouter le Seigneur, qui a dit : «Regardez les oiseaux du ciel : ils ne sèment ni ne moissonnent, ils n'amassent rien dans des greniers, et votre Père céleste les nourrit»(Mt 6,26). Notre Sauveur et Bienfaiteur sait parfaitement ce dont nous avons besoin et ce qui est bon pour notre âme. Il nous donne toujours ce dont nous avons le plus besoin et nous devrions toujours le remercier, que ce soit dans la douleur ou dans la souffrance.

L'homme riche mourut et fut enterré. Il n'a pas été entouré d'une compagnie d'anges, comme Lazare, parce qu'ici sur terre il avait eu tant d'assistants et de serviteurs, mais quand la fin est arrivée, il n'a plus eu personne et a été abandonné. Après cette brève période d'aisance et de confort, il s'est retrouvé dans l'enfer éternel. C'est un fait : ceux qui ont des joies et des plaisirs ici seront tourmentés là-bas. Malheur donc à vous, riches au cœur dur, car votre plaisir sera de courte durée, mais l'enfer sera sans fin, alors considérez ce que le Seigneur dit au sujet de l'homme riche qui est enterré en relation avec ce que David dit : que les tombes des riches sont leur lieu de résidence pour toujours. Mais même lorsque l'homme riche était en vie, son âme était enterrée, son corps faisant office de tombeau. C'est pourquoi le bienheureux David nous dit de ne pas nous inquiéter si les gens deviennent riches et que la gloire de leur maison augmente, car toutes leurs richesses matérielles resteront ici. Ils partiront nus et sans ressources et seront livrés à l'enfer.

Dans le séjour des morts, où il était tourmenté, il leva les yeux et vit Abraham au loin avec Lazare à ses côtés. Il s'écria : «Père Abraham, aie pitié de moi, et envoie Lazare tremper le bout de son doigt dans l'eau et rafraîchir ma langue, car j'agonise dans ces flammes.»(Lc 16,23-24) Lazare s'est élevé à des hauteurs sublimes, tandis que le riche est tombé dans les profondeurs du chaos et des ténèbres dévastatrices. Il a vu Lazare, parce que ce dernier était en pleine lumière, mais Lazare ne l'a pas vu parce que l'homme riche était en pleine lumière. 

Le malheureux riche ne comprenait pas ce qui s'était passé et était tourmenté. En proie à une grande douleur et conscient de son sort, il supplie Abraham de lui envoyer Lazare pour lui rafraîchir la langue… (Abraham dit qu'il n'est pas en mesure de le faire). Voyez la bonté du patriarche. Il ne dit pas : «Personne impitoyable et inhumaine. N'as-tu pas honte de demander la charité et la sympathie alors que tu n'en as pas fait preuve ?» Au contraire, il l'appelle son fils, tout en lui rappelant que les bonnes choses dont il a bénéficié sont la récompense des quelques bonnes actions qu'il a accomplies de son vivant. Et en plus de tout cela, entre nous et vous, un grand abîme s'est creusé. (cf. Lc 16,24) Cet abîme n'est pas à comprendre en termes de terre et de rocher, mais c'est la différence des actions. Ceux qui ne savent pas garder les commandements divins sont indignes d'être unis aux justes et ne peuvent accéder à ce lieu de joie et d'allégresse, parce qu'ils ont préféré la fange et la boue, vivant en prodigues et suivant leurs désirs charnels…

Il répondit : «Je te prie donc, père, d'envoyer Lazare dans ma famille, car j'ai cinq frères. Qu'il les avertisse, afin qu'ils ne viennent pas, eux aussi, dans ce lieu de tourments». Abraham répondit : «Ils ont Moïse et les prophètes; qu'ils les écoutent». «Non, père Abraham, dit-il, mais si quelqu'un d'entre les morts va vers eux, ils se repentiront.» Il lui dit : «S'ils n'écoutent pas Moïse et les prophètes, ils ne seront pas convaincus, même si quelqu'un ressuscite d'entre les morts».

Abraham dit que si les gens ne croient pas les Ecritures, ils ne croiront pas non plus une personne revenue d'entre les morts, ce qui était le cas des Juifs : ils ne croyaient pas le Seigneur notre Sauveur, ni ceux qui étaient ressuscités lors de sa crucifixion. Ils voulaient tuer Lazare et les apôtres pour les empêcher de prêcher la vérité. Si cela avait été bénéfique pour nous, le Seigneur aurait ressuscité d'autres personnes. Mais il ne l'a pas fait, afin que les démons ne sèment pas la mauvaise herbe et ne prêchent pas des mensonges et des dogmes néfastes sur l'enfer, pour tromper les simples, les écervelés et ceux qui sont enclins à avoir de mauvaises pensées. Si les docteurs s'étaient penchés sur les Ecritures et les avaient étudiées avec soin, le malin n'aurait pas pu inventer ce stratagème. Car les Ecritures sont légères et révèlent le criminel, où qu'il se cache.

Évitons donc l'insensibilité de l'homme riche et adoptons la résignation et la force d'âme patiente de Lazare. C'est ce que le Seigneur nous exhorte à faire, afin de ne pas être condamnés comme l'a été le riche. Réveillons-nous du sommeil de la négligence, rejetons tous nos péchés et purifions-nous par le repentir. En regardant vers la fin de cette vie et le début de la suivante, vivons vertueusement. Si des peines et des désastres nous arrivent, ne nous plaignons pas, mais supportons-les courageusement dans l'espoir d'une riche récompense au paradis. Nous pouvons être sûrs que le Seigneur nous envoie des tentations pour nous purifier de tout péché, afin que nous soyons trouvés sans reproche et que notre accusateur ne trouve rien à nous reprocher. Au contraire, nous entrerons dans le sein d'Abraham, nous réjouissant éternellement, avec le pauvre Lazare et le reste des justes, et glorifiant toujours le Père, le Fils et le saint Esprit, le Dieu unique et consubstantiel, à qui reviennent la gloire, l'honneur et l'adoration. Amen.



mercredi 8 novembre 2023

La vie et le martyre du saint Dimitri le Myroblyte

fêté le 26 octobre



Saint Dimitri vécut à Thessalonique sous le règne de Dioclétien et Maximien (284-305). Il descendait de l'une des plus nobles familles de la province de Macédoine et était admiré de tous, non seulement pour la noblesse de son origine et la grâce de son apparence physique, mais aussi pour sa vertu, sa sagesse et sa bonté, qui le rendaient supérieur aux vieillards. Expert en l'art militaire, il avait été nommé, malgré son jeune âge, général des armées de Thessalie et proconsul de Grèce par Maximien Galère, le César pour la Grèce et la Macédoine. Mais ces honneurs ne parvinrent pas à faire perdre à Dimitri le sens des réalités les plus essentielles. Le cœur touché par la foi au Christ et comptant pour rien toute la gloire de ce monde, il passait le plus clair de son temps à enseigner et à interpréter publiquement la parole de Dieu. Sa parole était si convaincante et sa vie toute de justice, de paix et d'amour pour ses frères en était une telle application pratique, qu'un grand nombre de païens s'étaient convertis, malgré la persécution lancée par l'empereur contre les chrétiens.

Comme l'empereur Maximien venait de remporter de brillantes victoires contre les Scythes, de retour vers Rome, il s'arrêta à Thessalonique pour se faire acclamer par la foule et offrir des sacrifices d'action de grâces aux idoles. Certains païens de la ville, jaloux des succès de Dimitri, profitèrent de la présence de l'empereur pour le dénoncer comme chrétien. L'étonnement du tyran se changea en violente colère lorsqu'il apprit que Dimitri ne se contentait pas de partager la foi des disciples du Christ, mais qu'il la propageait avec succès en profitant de sa place dans les assemblées officielles. Il fit comparaître Dimitri et le fit enfermer dans un cachot situé dans les sous-sols malsains d'un bain qui se trouvait à proximité. Lorsque Dimitri pénétra dans sa cellule, un scorpion approcha de son pied, se préparant à le piquer mortellement; mais, d'un simple signe de croix, le saint le fit disparaître. On le laissa alors seul, dans l'humidité et les odeurs nauséabondes. Mais Dimitri n'y prêtait pas attention, empli de joie qu'il était à la pensée de communier bientôt pleinement à la Passion salutaire du Seigneur; sa seule tristesse étant de devoir attendre la fin des festivités organisées pour le triomphe de l'empereur, pour accomplir son martyre.

Comme il était de coutume en de telles circonstances, Maximien avait organisé dans l'amphithéâtre de Thessalonique des jeux et des combats de gladiateurs. Il avait emmené avec lui une sorte de géant, à la force herculéenne, nommé Lyaios, de la tribu des Vandales. Celui-ci était si fort et si habile dans le combat singulier, que personne ne pouvait lui résister. Un jeune garçon chrétien de la ville nommé Nestor, voyant le vain orgueil que tirait l'empereur à la vue des victoires de son protégé, décida de lui montrer que c'est au Christ seul qu'appartient la vraie puissance. Il courut vers le bain où était enfermé Dimitri et lui demanda la protection de sa prière pour aller affronter le géant. Le martyr fit le signe de Croix sur le front et le cœur du jeune garçon et l'envoya, tel David au-devant de Goliath (cf. I Sam 17). Il arriva à l'amphithéâtre au moment où les hérauts criaient partout à qui voudrait affronter Lyaios. Nestor s'avança alors devant l'empereur et jeta sa tunique à terre en criant : «Dieu de Dimitri, viens à mon aide !» Dès le premier engagement, alors que le géant se ruait sur le frêle garçon, celui s'esquiva et le perça mortellement au cœur avec son couteau. Tous furent saisis de stupeur à la vue de ce prodige et se demandaient comment l'invincible barbare était si soudainement tombé sous les coups d'un enfant qui ne se confiait pas en sa force ni en ses armes. En fait celui-ci avait mis toute son espérance dans le Seigneur, le «Maître du combat», Lui qui livre leurs ennemis aux mains de ses fidèles. Au lieu de se soumettre à ce signe de la puissance souveraine de Dieu, l'empereur éclata de colère et ordonna qu'on se saisisse sur le champ de Nestor et qu'on aille lui trancher la tête en dehors de la ville. Comme il avait entendu Nestor invoquer le Dieu de Dimitri, Maximien soupçonna ce dernier d'avoir usé de quelque sortilège et il donna l'ordre à ses soldats d'aller le tuer avec leurs lances au fond de son cachot, sans autre forme de procès. Quelques chrétiens, qui étaient présents lors de l'exécution du saint, attendirent le départ des soldats et ensevelirent son corps avec dévotion.

Lupus, le serviteur de saint Dimitri, était lui aussi présent. Avant qu'on l'ensevelisse, il prit la tunique du martyr baignée de son sang et mit à son doigt la bague royale que celui-ci portait. Par l'intermédiaire de ces deux trophées, Lupus accomplit un grand nombre de miracles et de guérisons. Lorsque Maximien l'apprit, il envoya aussitôt ses soldats trancher la tête du fidèle serviteur.

Dieu ne voulut pas laisser inerte après sa mort, la grâce dont il avait rempli saint Dimitri; c'est pourquoi il fit couler de son corps un délicieux liquide parfumé, qui avait la propriété de procurer la guérison à tous ceux qui s'en oignaient avec foi dans l'intercession du saint. A maintes reprises depuis mille six-cent ans, saint Dimitri a manifesté sa bienveillante protection sur la ville et les habitants de Thessalonique. Il les a protégés des assauts des barbares, combattant pour eux sur les remparts; les a sauvés des épidémies et des famines; a guéri les malades et consolé les affligés. Ses miracles sont si nombreux que celui qui voudrait les dénombrer ressemblerait à l'insensé qui désire compter les grains de sable.