lundi 30 décembre 2024

LE BON PASTEUR

 «Je suis le bon pasteur. Le bon pasteur donne sa vie pour ses brebis,» dit le Christ. (Jn 10,11) Ses paroles, il les a mises aussi en acte en donnant sa vie pour nous, sur la croix. Durant sa vie, pourtant, il se plaignait de ses disciples : «Gens incrédules ! Jusqu’à quand devrai-je encore rester avec vous ? Jusqu’à quand devrai-je vous supporter ?» (Mc 9,19) Il voyait aussi tous ceux qui le quittaient : «Plusieurs de ses disciples dirent : Ce langage est bien difficile à accepter ! Qui peut continuer à l’écouter ?» (Jn 6,60) Plus loin : «À partir de ce moment-là, beaucoup de ses disciples l’abandonnèrent et cessèrent de l’accompagner.» (Jn 6,66)

Ma petitesse n’a pas encore donné sa vie pour les brebis, que le Seigneur m’a confiées, loin s’en faut ! Je fais ce que je peux, mais pas ce que je devrais. Je supporte patiemment les faiblesses des fidèles, sans parler de mes supérieurs, et je prie pour l’ignorance du peuple, comme dit saint Jean Chrysostome, dans une prière secrète du prêtre, lors de la divine liturgie : «Toi qui nous fais la grâce de nous tenir en ce moment devant ton saint autel pour implorer tes Miséricordes pour nos propres péchés et pour les ignorances du peuple.» Je n’ignore pas non plus, hélas, ceux qui ont apostasié et qui ont pris le chemin large et spacieux. Ils étaient parmi nous, mais pas de nous, comme dit l’Apôtre quelque part.

L’image du bon pasteur a bien sûr ses limites, car ce ne sont pas des animaux irraisonnables, qui suivent leur instinct, mais des hommes raisonnables et conscients, qu’il faut guider. Ce n’est pas avec un bâton en bois qu’il faut les mener sur le bon chemin, mais avec discernement, fermeté et douceur à la fois. Parfois ils prennent des décisions, en ne voyant que le bout de leur nez, et ne pensant pas que le prêtre voit plus loin. Il faut accepter leur liberté, prier pour eux et réparer ensuite les dégâts. Bref.

Au soir de ma vie, je me rends compte de mes faiblesses et manquements durant ma vie de prêtre, et l’expérience m’a rendu un peu plus compréhensif et sage. Pourtant l’idéal du bon pasteur est encore devant moi, et ce sont plutôt les paroles du psalmiste qui se réalisent : «Les jours de nos années montent à soixante-dix ans, et si, et pour les plus robustes, à quatre-vingt, leur surplus n’est que peine et misère; car notre vie s’en va bientôt, et nous nous envolons.» (ps 90,10)

Voilà quelques réflexions, qui valent aussi bien pour moi que pour les fidèles, pour lesquels je dois un jour rendre compte.

A. Cassien 


mercredi 25 décembre 2024

211

 Le bulletin 211 vient de sortir.

Bonne fête de saint Spyridon !

vôtre en Christ,

a. Cassien

dimanche 15 décembre 2024

HOMÉLIE SUR L’AVEUGLE DE JÉRICHO

 En ce temps-là, comme Jésus approchait de Jéricho, un aveugle était assis au bord du chemin et mendiait. Entendant marcher la foule, il demanda ce que cela signifiait. On lui annonça que c'était Jésus de Nazareth qui passait par là. Alors il s'écria : Jésus, fils de David, aie pitié de moi ! Ceux qui marchaient en tête le menaçaient pour qu'il fasse silence, mais il criait d'autant plus fort : Fils de David, aie pitié de moi ! Jésus s'arrêta donc et ordonna de le conduire vers lui. Quand il fut près de lui, il lui demanda : Que veux-tu que je fasse pour toi ? Il répondit : Seigneur, fais que je recouvre la vue ! Jésus lui dit : Que la vue te soit rendue ! Ta foi t'a sauvé ! A l'instant même il recouvra la vue, et il suivit Jésus en rendant gloire à Dieu; et tout le peuple, voyant cela, célébra les louanges de Dieu. (Luc 18,35-43)




J’avais déjà commenté ce passage de l’évangile dans le bulletin n° 73 et je ne fais donc que compléter. 

Un miracle de plus que Jésus fit lors de sa vie sur terre. Généralement ses miracles avaient comme sujet la guérison d’un malade mais parfois le sujet était bien autre, comme aux noces de Cana, où l’eau fut changé en vin, ou quand le figuier fut desséché. Le but pourtant était toujours le même : amener les gens à la foi, sinon les miracles n’auraient pas servi à grand chose.

En entrant à Jéricho, – dont le nom signifie lune, – une foule nombreuse suivait le Christ, que cet aveugle ne pouvait voir mais bien entendre. «Cet astre par ses décroissances mensuelles représente les défaillances continuelles de notre nature mortelle,» dit saint Grégoire (hom. 2, sur les Evang.) Généralement un aveugle entend mieux que les autres. Si un organe fait défaut un autre organe se développe davantage, afin de suppléer au premier, et aussi par l’usage.

Ne voyant pas le Sauveur, il demanda donc «ce que cela signifiait.» La foule lui dit simplement que c’était Jésus de Nazareth, mais l’aveugle «s'écria : Jésus, fils de David, aie pitié de moi !» Donc, il avait déjà entendu parler du Christ, puisqu’il le reconnaissait comme «fils de David.» Il savait également que Jésus faisait des miracles et guérissait les malades. Plein d’espoir, il cria donc de façon répétée : «Fils de David, aie pitié de moi !»

«Ceux qui l’entendaient voulaient en comprimer les élans et la constance : «Ceux qui marchaient devant, le gourmandaient pour le faire taire,» mais sa pieuse hardiesse ne se laissait pas intimider par ces défenses répétées, c’est que la foi sait résister à tous les obstacles, et triompher de toutes les difficultés. Il est bon de se dépouiller de toute fausse honte, lorsqu’il s’agit du service de Dieu, car si nous en voyons quelques-uns déployer tant d’audace pour acquérir quelques sommes d’argent, ne faut-il pas que nous soyons saintement audacieux lorsqu’il s’agit du salut de notre âme : Voyez en effet cet aveugle : «Mais il criait beaucoup plus encore : Fils de David, ayez pitié de moi.» (saint Cyrille)

Je ne sais, pour le moment, si c’est saint Cyrille de Jérusalem ou celui d’Alexandrie qui a dit cela. Peu importe ! C’est le sens des paroles qui compte et c’est toujours le même Esprit saint qui les a inspirés.

«Jésus s'arrêta donc et ordonna de le conduire vers lui,» en l’entendant crier ainsi. L’aveugle savait bien marcher avec sa canne mais ne savait pas reconnaitre ainsi le Christ dans la foule. Donc il fallut le conduire vers lui. 

Le Seigneur n’ignorait pas ce que cet aveugle désirait mais «il lui demanda : Que veux-tu que je fasse pour toi ?» – «Il lui fait cette question, non par ignorance, mais dans l’intérêt de ceux qui étaient présents, afin de les convaincre que ce pauvre aveugle ne demandait pas d’argent, mais un acte de puissance divine à Jésus comme à un Dieu : «Il lui dit : Seigneur, que je voie,» explique également saint Cyrille. Parfois le Christ posait des questions, tout en sachant la réponse, comme aux disciples sur le chemin d’Emmaüs : «De quoi vous entretenez-vous en marchant, pour que vous soyez tout tristes ?» (Lc 24)

L’aveugle répondit : «Seigneur, fais que je recouvre la vue !» Son grand souci était son aveuglement. Une attitude bien humaine, car maintes fois nous demandons à Dieu de soulager nos peines et de résoudre nos problèmes. Ce ne sont que les parfaits dans la foi qui supportent les travers de la vie patiemment, car ils savent qu’à travers eux, ils avancent spirituellement.

Dieu, le Compatissant, pourtant condescend à nos faiblesses et sait nous soulager comme cet aveugle, à qui Jésus dit : «Que la vue te soit rendue ! Ta foi t'a sauvé !» Sans cette foi pourtant Dieu est limité et ne peut pas nous aider beaucoup, comme autrefois à Nazareth, où le Christ ne pouvait faire beaucoup de miracles : «Aussi ne fit-il là que peu de miracles, à cause de leur incrédulité.» (Mt 13,58)

Jésus lui dit simplement : «Que la vue te soit rendue ! Ta foi t'a sauvé ! L’évangile passe sous silence si le Christ a touché l’aveugle ou lui a mis de la salive sur les yeux, comme pour d’autres aveugles (cf. Mc 8,23 et Jn 9,6) Une simple parole peut suffire à Dieu pour guérir, comme le savait le centurion : «Tu n’as qu’un mot à dire et mon serviteur sera guéri.» (Mt 8,8)

Il bénit donc simplement l’aveugle. On aurait dit, en faisant sur lui le signe de la croix, mais la croix n’était pas encore le signe du salut, le trophée de la victoire sur le mal.

«Il recouvra la vue, et il suivit Jésus en rendant gloire à Dieu; et tout le peuple, voyant cela, célébra les louanges de Dieu», termine l’épisode. «Cet aveugle montra autant de reconnaissance après sa guérison, qu’il avait manifesté de foi avant de l’obtenir,» explique saint Jean Chrysostome, et saint Cyrille de son côté : «Preuve évidente qu’il est délivré d’une double cécité, de celle du corps et de celle de l’âme, car il n’eût point ainsi glorifié Dieu, s’il n’eût véritablement recouvré la vue. Il devient en outre pour les autres une occasion de rendre gloire à Dieu : Et tout le peuple voyant cela, rendit gloire à Dieu.» 

«Il suivit Jésus en rendant gloire à Dieu.» Il n’avait plus besoin de sa canne car il trouva la vue du corps et celle de l’âme.

Saint Cyrille encore : «Preuve évidente qu’il est délivré d’une double cécité, de celle du corps et de celle de l’âme, car il n’eût point ainsi glorifié Dieu, s’il n’eût véritablement recouvré la vue. Il devient en outre pour les autres une occasion de rendre gloire à Dieu : Et tout le peuple voyant cela, rendit gloire à Dieu.»   


archimandrite Cassien

vendredi 13 décembre 2024

dimanche 1 décembre 2024

DIEU INCARNÉ

 Par son incarnation, Dieu nous a sauvé, à travers sa mort sur la croix et sa résurrection. Il s’est rendu également visible, Celui qui était «inexprimable, inconcevable, invisible, incompréhensible», comme dit une prière secrète de la divine liturgie, pendant que le cœur chante : «Saint Dieu…» «Nous l’avons entendu, nous l’avons vu de nos propres yeux, nous l’avons contemplé et nos mains l’ont touché», dit l’apôtre Jean. (I Jn 1,1) Les apôtres l’ont ainsi vu, entendu etc. dans sa chair mortelle et aussi dans sa chair transfigurée sur le Thabor et après sa résurrection. Nous, de notre côté, nous pouvons donc le contempler dans sa chair transfigurée. En plus, nous pouvons le représenter dans l’iconographie, depuis son incarnation, ce qui était impossible et même interdit avant que le Fils de Dieu se soit revêtu de chair. «Vous ne m’associerez aucune divinité, vous ne vous fabriquerez aucune idole en argent ou en or.» (Ex 20,23)

Le Seigneur avait un corps périssable et mortel. Comment cela se fait-il puisque les corps des protoplastes n’étaient pas ainsi ? Ce n’est qu’après le péché que la mort est entrée dans le monde. C’est par l’accouplement des hommes que les conséquences du péché originel se transmettent, ce qui n’a pas eu lieu chez le Christ puisqu’il fut conçu par l’intervention de l’Esprit saint. C’est un mystère que je laisse résoudre à d’autres, plus futés que moi.

Si l’Emmanuel (Dieu avec nous) ne se serait pas incarné, nous ne pourrions jamais voir les personnes divines, à part dans leurs énergies. Dans la personne humaine du Christ pourtant nous voyons la sainte Trinité comme dans un miroir.

Les prophètes avaient contemplé le Christ prophétiquement dans son incarnation. Abraham avait vu Dieu sous la figure des anges, qui, eux, incorporels, n’ont pas de corps, mais se revêtent d’un corps humain chaque fois qu’ils se rendent visibles aux hommes. Jacob avait lutté avec Dieu, également à travers un ange. (cf. Gen 32,23-32)

Nous pouvons boire et manger la chair et le sang du Christ, depuis qu’il est venu parmi nous et qu’il est devenu l’un des nôtres. «Celui qui mange ma chair et boit mon sang demeure en moi, et moi je demeure en lui.» (Jn 6,56)

Un peu plus loin, dans cette prière secrète, mentionnée plus haut, il est dit : «C’est Toi qui nous as amenés du non-être à l’être, qui nous as relevés après la chute et qui ne cesse de tout faire pour nous ramener au ciel et nous donner ton royaume à venir.»

Qu’est-ce que Dieu peut ou pouvait faire de plus afin de nous sauver après la chute, et de nous accorder le royaume promis ? Il ne me reste qu’à crier avec le psalmiste : «Dieu, tu agis saintement ! Quel Dieu est aussi grand que Dieu ?» (Ps 77,13)


archimandrite Cassien