mercredi 8 décembre 2021

À PROPOS DE «NOËL»

  «Noël», c’est-à-dire la Nativité du Sauveur, est célébré comme une grande fête dans l’Orthodoxie, mais la plus grande fête c’est Pâque, et selon mon humble avis, l’Annonciation est plus grande que «Noël». C’est à l’Annonciation que notre salut a commencé, comme chante le tropaire de la fête : «Aujourd’hui c’est le commencement de notre salut…» C’est là que la Vierge Marie a donné son «Fiat», sans lequel, ni l’Incarnation, ni notre salut ne se seraient fait. A «Noël», le Christ est seulement sorti du sein de la Vierge Marie, un fait naturel, même si cela s’était fait d’une manière hors du commun, sans douleur, car la Toute-Sainte avait conçu par l’Esprit saint et non par l’union charnelle, par laquelle les conséquences du péché originel se transmettent, comme «Tu enfanteras dans les douleurs «(Gen 3,16).

«Noël» se fête neuf mois après l’Annonciation. J’ignore quelle fête fut fixée par rapport à l’autre, mais à ma connaissance «Noël» remplace une fête païenne, où on vénérait, ou adorait, l’arbre sacré. Les Nordiques rendaient notamment un culte à Ygdrassil, un arbre sacré. Dans les Vies de saints nous voyons plus souvent que le saint abattait miraculeusement un arbre «sacré», comme par exemple dans la vie de saint Nicolas, ou de saint Martin, dont les récits est relaté ci-après.

Dire que «Noël» se fait lors du solstice d’hiver, c’est faux. Le solstice d’hiver tombe lors de la conception de sainte Anne le 9/22 décembre, donc quelques jours avant le «Noël» occidentale. Vouloir coïncider «Noël» avec le solstice d’hiver, c’est de le tirer par les cheveux ! A la conception de sainte Anne, selon le calendrier orthodoxe, les jours commencent de nouveau de se rallonger et donc le salut de l’humanité commence de se faire jour. 

«Noël» se fête le 25 décembre, donc le 7 janvier civile. Cela fut aussi ainsi en Occident jusqu’au changement du calendrier. 

Les historiens considèrent généralement que la tradition de «Noël» a vu le jour au 15e siècle, dans les pays germaniques.

A notre époque, «Noël» est devenue, dans le monde non-orthodoxe, une fête familiale, sentimentale et commerciale, et s’est vidée du contenu théologique, comme d’autres fêtes, par exemple carnaval. 

L’arbre de «Noël» n’est pas connu dans le milieu orthodoxe, juste les néo-calendaristes, commencent de s’y habitués sous l’influence du monde occidental. La crèche est également une tradition occidentale, remontant apparemment à François d’Assise, donc après le schisme de 1054. 

Encore une remarque : Les fidèles orthodoxes se font des cadeaux, non à «Noël», mais pour la fête des saint Basile le Grand, le 1 janvier.

On pourrait encore écrire longuement là-dessus mais je termine en souhaitant à tous les croyants une fête de la Nativité du Sauveur, dans la paix et la joie !


a. Cassien


«Une autre fois, (saint Martin) après avoir détruit un vieux temple, il se mit en devoir d'abattre un pin qui était auprès; mais le prêtre et tous les habitants du village s'y opposèrent : ce fut inutilement que Martin voulut leur persuader que cet arbre n'avait rien de sacré, qu'il fallait le détruire parce qu'il était dédié au démon, qu'ils devaient servir le Dieu qu'il leur annonçait. «Si tu as quelque confiance en ce Dieu, lui dit un homme de la foule plus hardi que les autres, mets-toi sous l'arbre, nous allons l'abattre, et tu le recevras dans tes bras. Si ton Dieu est avec toi, comme tu le dis, cet arbre ne pourra, en tombant, te faire aucun mal.» Martin consent à être placé sous l'arbre, et à cette condition les paysans consentent à l'abattre. Il était incliné d'un côté; croyant tous que c'était par là qu'il tomberait, ils y attachent Martin, et aussitôt de se mettre tout joyeux à couper l'arbre vénéré. Il y avait une foule immense de spectateurs. Bientôt le pin est ébranlé. Les moines qui accompagnaient Martin étaient pâles, tremblants, ils avaient perdu toute foi et toute espérance, ils n'attendaient que sa mort; pour lui, il était calme et plein de confiance dans le Seigneur. Tout-à-coup, un craquement épouvantable se fait entendre, l'arbre tombe et va l'écraser; il lui oppose le signe du salut, et aussitôt, cet arbre, à demi tombé, se redresse comme emporté par une violente tempête, et va tomber du côté opposé, au risque d'écraser tous les spectateurs qui s'y étaient placés comme en lieu sûr. Un grand cri s'élève de la foule, les paysans proclament le miracle, les moines pleurent de joie, tous ensemble exaltent le nom de Jésus Christ.»




Dans la Vie de saint Nicolas :


Un jour les gens d'un village vinrent à lui et se prosternèrent à ses pieds en disant : «Nous demandons à ta Sainteté, ô serviteur de Dieu, d'écouter notre demande et de nous venir en aide. La mort et la ruine nous menacent. Il y a dans notre village un arbre énorme et immense. Un esprit mauvais y habite et cause aux gens un tort considérable. Il a gâté nos cultures, rendu notre lieu inhabitable, et nous supplions ta Sainteté, ô saint du Seigneur, d'avoir pitié de nous. Viens avec nous pour abattre cet arbre par tes prières toujours exaucées, et nous chasserons loin de nous cet esprit impur qui y réside, afin d'être soulagé de nos maux.»

Le saint acquiesça à leur demande. Il partit avec eux à l'emplacement de l'arbre. Il trouva à son pied des traces de coups de hache. Il en demanda la raison, et on lui apprit que chaque fois que quelqu'un voulait abattre l'arbre il en sortait un grand bruit, la hache volait de la main de  celui qui la tenait et le tuait. Il restait là gisant sans sépulcre et personne n'osait l'enterrer. Quand le saint entendit cela, il se mit à genoux pendant deux heures, puis il se releva de sa prière et ordonna à l'assemblée d'aller chercher des haches et de couper l'arbre. Ils eurent très peur et furent saisis de terreur. Le saint vit leur frayeur, il s'empara de la hache, fit sur elle le signe de la sainte Croix et en frappa l'arbre sept fois.

Alors l'esprit mauvais cria très fort : «Malheur à moi, car ce serviteur de Dieu m'a chassé de cet arbre après l'avoir habité si longtemps ! Personne ne m'a vaincu sinon lui.» Ensuite le saint coupa l'arbre et ordonna à l'assemblée de se rassembler du côté de l'ouest car il semblait que l'arbre penchait vers l'est. Mais le démon maudit leur fit croire que l'arbre penchait de leur côté. Ils eurent peur et dirent par la bouche de l'un d'entre eux : «Serviteur de Dieu, sauve nous et viens à notre secours pour que cet arbre ne nous fasse pas périr !» Le saint fit sur lui le signe de la croix par trois fois, ensuite il le prit dans ses bras en disant : «Au nom de notre Seigneur Jésus Christ, je t'ordonne de revenir en arrière, et ne fais de mal à personne.» Alors l'arbre revint de l'autre côté. L'esprit mauvais ne recommença plus à se montrer dans ces parages, et les gens du village louèrent le Dieu bon qui donne à ses élus puissance sur les démons. La hauteur de cet arbre était de quarante coudées et sa largeur de trois. Le saint envoya chercher des scieurs pour débiter l'arbre et il ordonna de le porter à l'église de Sion qu'avait bâtie Nicolas, l'oncle du saint, et ils en surélevèrent l'édifice. 


samedi 13 novembre 2021

HOMÉLIE SUR LE RICHE ET LE PAUVRE

«Le Seigneur dit : Il y avait un homme riche qui s'habillait de pourpre et de lin fin et qui faisait chaque jour des festins somptueux. Et un pauvre, du nom de Lazare, gisait près de son portail, tout couvert de plaies. Il aurait bien voulu se rassasier de ce qui tombait de la table du riche, mais c'étaient plutôt les chiens qui venaient lécher ses plaies. Or le pauvre mourut et fut emporté par les anges dans le sein d'Abraham; le riche mourut aussi et fut enseveli. Dans le séjour des morts, en proie aux tourments, il leva les yeux et vit de loin Abraham, et Lazare dans le sein d'Abraham. Alors il s'écria : Père Abraham, aie pitié de moi et envoie Lazare tremper dans l'eau le bout de son doigt pour me rafraîchir la langue, car dans ces flammes je souffre cruellement. Abraham lui répondit : Mon enfant, souviens-toi que tu as reçu tes biens pendant ta vie, et Lazare, ses maux; maintenant donc il trouve ici consolation, et c'est ton tour de souffrir. D'ailleurs entre vous et nous s'est ouvert un abîme profond; et ceux qui voudraient passer d'ici vers vous ne le peuvent, non plus que ceux qui voudraient passer de là jusqu'à nous. Le riche dit alors : Père, je te prie donc d'envoyer Lazare dans la maison de mon père, car j'ai cinq frères; qu'il leur fasse la leçon, de peur qu'ils ne viennent, eux aussi, dans ce lieu de tourments. Et Abraham lui répondit : Ils ont Moïse et les prophètes, qu'ils les écoutent ! Mais le riche reprit : Non, père Abraham, mais si quelqu'un de chez les morts va les trouver, ils se repentiront. Mais Abraham lui dit : S'ils n'écoutent pas Moïse et les prophètes, ils ne croiront pas davantage quelqu'un qui ressusciterait d'entre les morts.»

Luc (16,19-31)



Il est question dans cette parabole de Lazare qui fut emporté par les anges. Donc, cela confirme que les anges emportent l’âme du défunt après le décès, et également que le séjour des morts (enfer, hadès etc.) existe et reçoit les pécheurs en attendant le Jugement dernier. Le riche «fut enseveli.» On ne parle pas des anges ! Les flammes dont il est question figurent les souffrances que le pécheur endure toute l’éternité. Évidemment, l’eau ne pourra pas le soulager, ce n’est qu’une image. 

Un autre aspect : le riche ne fut pas condamné à cause de sa richesse mais à cause de sa dureté de cœur, car il ne partagea pas avec le pauvre qui était devant sa porte. «Dans le présent passage, on blâme le mauvais riche, non pour avoir pris le bien d’autrui, mais pour ne pas lui avoir donné du sien,» dit saint Grégoire le Dialogue (hom. 40 sur les Evang.) Plus bas il continue : «Le riche, en effet, n’est pas puni pour avoir volé les biens d’autrui, mais parce qu’il s’est livré à un mauvais usage de ses propres biens.»

«Toute pauvreté n’a pas le privilège de la sainteté, comme aussi toute richesse n’est pas nécessairement criminelle, mais de même que c’est la vie molle et sensuelle qui déshonore les richesses, c’est la sainteté qui rend la pauvreté recommandable,» dit saint Ambroise de Milan.

Le riche ne s’inquiétait, après sa mort, que de ses parents. Ni le pauvre Lazare, ni le reste de l’humanité ne l’intéressaient. Apparement les cinq frères ne vivaient pas mieux que lui-même, car il est bien dit : «ils se repentiront,» dans le cas où…

L’abîme profond indique bien la séparation définitive entre les justes et les pécheurs. Il ne s’agit pas seulement du fait qu’on ne peut se rejoindre, mais que même le souvenir des damnés est effacé chez les justes, sinon ils souffraient encore en y pensant.

Il est écrit aussi : L’abîme «s'est ouvert». L’abîme définitif ne se fera qu’après le dernier Jugement.» Entre-temps, l’âme peut encore migrer de l’hadès, grâce aux prières de l’Église et de chacun, sans pourtant ne rien faire d’elle-même.

Si les âmes des justes sont portées à la miséricorde par leur bonté naturelle, une fois qu’elles sont unies à la justice de leur Créateur, elles sont dotées d’une si grande rectitude de jugement qu’elles n’éprouvent plus aucune compassion pour les réprouvés. (Je plagie cela de chez saint Grégoire).

Le sein d’Abraham n’est qu’une image du paradis céleste bien sûr. Dieu dit à Abraham : «Je te rends père d’une multitude de nations.» (Gen 17,5) Il faut le comprendre dans ce sens et non le prendre à la lettre.

«Beaucoup viendront du levant et du couchant, et auront place dans le royaume des cieux avec Abraham, Isaac et Jacob, tandis que les fils du royaume seront jetés dans les ténèbres extérieures.» (Mt 8,11-12)

«Il y avait,» et non : il y a, car il a passé comme une ombre fugitive,» dit saint Jean Chrysostome (hom. sur les riches), pour indiquer que les richesses de cette vie terrestre sont passagères et caduques.

Le pauvre porte un nom tandis que le riche est anonyme. Dans l’Apocalypse est écrit : «À celui qui vaincra je donnerai de la manne cachée, et je lui donnerai un caillou blanc; et sur ce caillou est écrit un nom nouveau, que personne ne connaît, si ce n’est celui qui le reçoit.» (2,17) Celui qui vaincra recevra donc un nom nouveau, et pas les damnés. Saint Ambroise dit : «Il semble que ce soit ici une histoire plutôt qu’une parabole, puisqu’il y a désignation précise du nom.» De son côté, saint Jean Chrysostome remarque : «Dans la parabole, au contraire, on propose un exemple et on passe les noms sous silence. Le mot Lazare signifie qui est secouru; en effet, il était pauvre et il avait Dieu pour soutien.» (hom. sur les riches) Il dit «au contraire»; cela confirme ce que saint Ambroise remarque. Saint Cyrille, de son côté, indique «une tradition juive rapporte qu’il y avait alors à Jérusalem un homme nommé Lazare, accablé tout à la fois sous le poids de l’indigence et de la maladie, et c’est lui que notre Seigneur prend ici pour exemple pour donner plus de clarté à ses divins enseignements.» «Remarquez encore que dans le peuple on connaît bien mieux le nom des riches que celui des pauvres; or notre Seigneur nous fait connaître ici le nom du pauvre et passe sous silence le nom du riche, pour nous apprendre que Dieu connaît et chérit les humbles, tandis qu’il ne connaît point les superbes,» dit saint Grégoire le Grand (hom. 40 sur les Evang.)

  «Souviens-toi,» dit la parabole. Cela indique nettement qu’on savait bien dans cette vie comment vivre, et qu’il n’y aura pas d’excuse.

Il est bien dit que le pauvre était couché devant la porte. Donc le riche le voyait bien chaque jour et n’a par conséquent aucune excuse pour sa dureté.

Lazare cherchait en cette vie à ramasser les miettes tombant de la table du riche, et le riche damné désire que Lazare lui laisse tomber du bout du doigt une goutte d’eau dans la bouche. L’un souffrit dans cette vie passagère et l’autre souffre dans la vie future pour toute l’éternité ! Pensons donc que nos souffrances ici-bas passent et que les récompenses seront éternelles !

Cet évangile est très riche d’enseignement, et je laisse pour une autre fois – si Dieu me prête vie – d’autres explications, en terminant maintenant avec ce que dit le Seigneur : «Et moi, je vous dis : Faites-vous des amis avec les richesses injustes, pour qu’ils vous reçoivent dans les tabernacles éternels, quand elles viendront à vous manquer.» (Luc 16,9)


archimandrite Cassien




mardi 2 novembre 2021

LE BON LARRON

Le bon larron, du nom de Disme, est vénéré dans l’Église le 12 octobre. Étonnante est sa vie : de voleur, il est devenu, en quelques instants, un saint. D’un extrême il tomba dans l’autre, comme d’autres saints (sainte Marie l’Égyptienne, saint Moïse l’Ethiopien et tant d’autres). Ils agirent entièrement, soit en bien, soit en mal. Ils ne furent pas des «tièdes», que le Seigneur aurait vomit. Disme, toute sa vie, a volé, et on pourrait même dire qu’il a volé le paradis, car il n’a rien fait de bon dans sa vie, si on ne compte ce que relate la légende que je citerai après ce texte. C’est sa foi ardente seule, sans les œuvres, qui l’a sauvé. De toute façon, sur la croix, il avait les mains clouées et ne pouvait plus faire ni bien ni mal.

Dans son agonie sur la croix, il confessa la divinité du Christ, agonisant également. «Il dit à Jésus : Souviens-toi de moi, quand tu viendras dans ton royaume.» (Luc 23,42) Comment a-t-il pu croire que le Sauveur reviendra, comme roi, dans son royaume ? Lui-même était en train de mourir et demanda de se souvenir de lui. Quelle foi en la résurrection, tandis que les apôtres tous troublés s’étaient enfuis !

Il réprimanda Gestas, l’autre larron, en disant : «Pour nous, c’est justice, car nous recevons ce qu’ont mérité nos crimes; mais celui-ci n’a rien fait de mal.» (Luc 23,41) Il confessa ses méfaits, qu’il avait commis durant sa vie par ces mots – une confession générale avec un vrai repentir. 

Disme n’est même pas mort en martyr, car il fut crucifié pour ses crimes et non pour sa croyance ! Donc, quelles bonnes œuvres eut-il à montrer ? Ce n’est que sa foi qui l’a sauvé, comme dit maintes fois le Christ lors des guérisons : «ta foi t’a sauvé.»

Le Sauveur est mort avant les deux larrons, car «les soldats vinrent donc, et ils rompirent les jambes au premier, puis à l’autre qui avait été crucifié avec lui. S’étant approchés de Jésus, et le voyant déjà mort, ils ne lui rompirent pas les jambes; mais un des soldats lui perça le côté avec une lance, et aussitôt il sortit du sang et de l’eau.» (Jn 19,32-34)

Quand le larron traversa les péages de l’air, les démons réclamèrent certainement son âme, et à juste titre, car ses crimes furent nombreux. Pourtant sa foi ardente en la miséricorde de Dieu, et peut-être aussi l’épisode relaté dans la légende, ont fait basculer la balance de la justice, et il a pu traverser sans obstacle les péages de la mort.

Donc le larron a rejoint le Sauveur, alors que celui-ci était déjà descendu en enfer et il est remonté avec lui au paradis, selon sa promesse.

«Aujourd’hui» avait dit le Christ. C’est donc bien le jour même de la crucifixion que Jésus est monté au paradis avec son âme en compagnie du larron et tant d’autres sauvés. À Pâque, il est ressuscité avec son corps, et à l’Ascension, avec son corps glorifié, il est monté au ciel, où il règnera pour toute l’éternité avec ceux qui ont cru en lui.

Quelle leçon en tirer ? D’abord vivre entièrement notre foi, et ne pas être tiède, afin de ne pas être vomi par la bouche du Seigneur, et ensuite de ne jamais désespérer de notre salut avant que nous n’ayons croisé nos bras sur la poitrine et fermé nos yeux.

a. Cassien



«Disme vivait dans une forêt près de l'Egypte, lorsque Marie, fuyant la colère d'Hérode, sy rendit elle-même, portant avec elle Jésus enfant. Il était assassin de profession, et fils du chef d'une troupe de malfaiteurs. Or, un jour qu'il était en embuscade, voyant arriver un vieillard, une jeune femme et un petit enfant, jugeant avec raison qu'ils ne pourraient opposer aucune résistance, il se dirigea vers eux avec ses compagnons, dans l'intention de les maltraiter; mais il fut tout à coup ravi par la grâce surnaturelle qui embellissait le visage de Jésus, de sorte qu'au lieu de leur faire aucun mal, il leur donna l'hospitalité dans la caverne qu'il habitait, et leur prépara tout ce qui leur était nécessaire. Marie était heureuse en voyant les caresses et les soins que ce voleur prodiguait à son Fils bien-aimé; elle lui en rendit grâces de tout son coeur, et elle l'assura qu’il en serait récompensé avant sa mort. La promesse de la très sainte Vierge se réalisa plus tard : Disme fut crucifié avec le Rédempteur du monde, et il obtint à son dernier moment la grâce de se repentir de ses fautes, et, ayant confessé publiquement la divinité de Jésus Christ pendant que les apôtres avaient pris la fuite, il eut le bonheur de recevoir les prémices de la rédemption, et d’entrer, peu de temps après avec Jésus Christ, en possession du royaume du ciel».

 

samedi 30 octobre 2021

HOMÉLIE POUR LE TROISIÈME DIMANCHE DE LUC

 «En ce temps-là, Jésus se rendit dans une ville appelée Naïm; plusieurs de ses disciples et une foule nombreuse faisaient route avec lui. Or, quand il fut près de la porte de la ville, voilà qu'on transportait un mort pour l'enterrer : c'était un fils unique dont la mère était veuve; et il y avait avec elle une foule considérable de gens de la ville. A sa vue le Seigneur fut touché de compassion pour elle et lui dit : Ne pleure pas ! Puis, s'approchant, il toucha le cercueil et les porteurs s'arrêtèrent. Alors il dit : Jeune homme, je te l'ordonne, lève-toi ! Et le mort se dressa sur son séant et se mit à parler. Puis Jésus le rendit à sa mère. Tous furent saisis de crainte, et ils rendaient gloire à Dieu en disant : Un grand prophète a surgi parmi nous, et Dieu a visité son peuple.» Luc (7,11-16)



«Que la simplicité de l'Ecriture ne vous inspire pas de mépris pour elle. Nous n'étudions pas le choix des mots; nous ne cherchons pas à les arranger avec art; nous sommes moins jaloux de belles expressions et de discours harmonieux que de paroles simples qui énoncent clairement ce que nous voulons faire comprendre.» saint Basile le Grand (Hexaimeron, chap. 6)

Juste quelques mots donc – des miettes du festins – concernant cet épisode de l’évangile d’aujourd’hui.

«Une foule nombreuse faisaient route avec» Jésus, quand il se rendit dans la ville de Naïm, qui est une ville de Galilée, située à deux milles du mont Thabor. Egalement «une foule considérable de gens de la ville,» suivaient le cercueil qu’on menait à l’enterrement. Deux processions, pour ainsi dire, – une de la vie et une de la mort. 

C’était un jeune homme, fils unique d’une veuve. Saint Grégoire de Nysse dit : «En l’appelant jeune homme, notre Seigneur nous apprend qu’il était à la fleur de l’âge, dans la première jeunesse. Il y a quelques heures encore, il était la joie et le bonheur des regards de sa mère, peut-être déjà il soupirait après le temps, où uni à une tendre épouse, il deviendrait le chef de sa famille, la souche de sa postérité, et le bâton de vieillesse de sa mère.»

En voyant ce jeune homme mort dans la fleur de son âge, et sa mère veuve, le Seigneur fut touché de compassion. Peut-être pensa-t-il à sa propre mère qui pleura, le voyant suspendu à la croix, lui aussi le fils unique ?

«Le Seigneur fut touché de compassion.» Comme Dieu, il ne pouvait avoir de compassion, car Dieu est sans passions; mais en tant qu’homme, le Christ connaissait toutes nos passions naturelles, hormis les vices, – qu’on appelle aussi passions, mais passions déréglées. Si l’on prête à Dieu des sentiments humains : colère, jalousie etc. ce n’est qu’une façon humaine de parler et non la réalité divine qui dépasse nos compréhensions. 

«Ne pleure pas,» dit-il alors à cette pauvre veuve, qui avait perdu son fils unique – toute sa joie et tout son bonheur. Il ne se contenta pourtant pas de la consoler par ses paroles, comme nous le faisons, impuissants à aider autrement; mais il traduisit sa compassion en acte. 

Tite de Bostra, ou Bostre, dit : «Le Sauveur ne ressemble point ici au prophète Élie, qui pleure le fils de la femme de Sarepta (III R 17), ni au prophète Élisée, qui étendit son corps sur le cadavre du fils de la Sunamite (IV R 4), ni à l’apôtre saint Pierre, qui prie Dieu de rendre la vie à la pieuse Thabitha (Ac 9); mais il est celui qui appelle ce qui n’est pas comme ce qui est, et qui peut faire entendre sa parole aux morts aussi bien qu’aux vivants : «Et il dit : Jeune homme, je te le commande, lève-toi.» 

Le Christ commande aux morts, lui le Maître de la vie et de la mort. Il est ressuscité aussi par sa propre puissance mais ne fut pas ressuscité !

Tite, évêque de Bostre en Syrie, écrit ensuite : «Ce jeune homme obéit aussitôt à l’ordre qui lui est donné, et se lève sur son séant, car rien ne peut résister à la puissance divine, elle ne souffre aucun retard, elle n’a besoin d’aucune instance : Aussitôt le mort se leva sur son séant et commença à parler, et Jésus le rendit à sa mère

«Tous furent saisis de crainte, et ils glorifiaient Dieu, en disant : un grand prophète a surgi parmi nous, et Dieu a visité son peuple

Quand Dieu fait un miracle, le but principal est toujours de nous amener à la foi, en vue de notre salut éternel, et non la guérison, le soulagement dans cette vie, qui en eux-mêmes ne nous rapprochent pas nécessairement de Dieu.

Espérons que l’évangile, que nous venons d’entendre, ne flatte pas seulement nos oreilles mais réveille notre conscience, stimule notre zèle et fasse de nous, – morts par nos péchés – de vrais ressuscités !

a. Cassien

samedi 23 octobre 2021

MON DIEU, MON DIEU, POURQUOI M’AS TU ABANDONNÉ ?

 


L’Église confesse que le Christ est entièrement Dieu et entièrement homme. Il n’est pas seulement homme en apparence et son humanité ne fut pas absorbée par sa divinité comme le confessent certains hérétiques.

Il a eu aussi deux volontés – divine et humaine, et non une seule volonté comme le confesse le monothélisme, qui fut condamné au troisième concile de Constantinople en 681.

Sa volonté humaine s’est entièrement soumise au jardin des Oliviers, quand il dit : «Mon Père, s’il n’est pas possible que cette coupe s’éloigne sans que je la boive, que ta volonté soit faite !» (Mt 26,42; Lc 22,42) 

Sur la croix, la divinité se cacha et seule l’humanité du Sauveur souffrit la passion, car Dieu est impassible.«Vers la neuvième heure, Jésus s’écria d’une voix forte : Eli, Eli, lama sabachthani ? c’est-à-dire : Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ?» (Mt 27,46 et Mc 15,34) Il citait ainsi le psaume 21 : «Mon Dieu ! mon Dieu ! pourquoi m’as-tu abandonné, et t’éloignes-tu sans me secourir, sans écouter mes plaintes ?»

«Or, Jésus cite ces paroles du prophète, pour rendre hommage jusqu’au dernier moment, à l’Ancien Testament, et pour faire voir qu’il honore son Père, et ne lui est pas opposé, et il prononce ces paroles en hébreu, pour être compris des Juifs qui l’entendent,» dit saint Jean Chrysostome (hom. 88)

Saint Hilaire de Poitiers dit : «De ces paroles, les hérétiques veulent conclure ou que le Verbe de Dieu s’est comme anéanti en prenant la place de l’âme unie au corps, et en lui donnant la vie qu’il reçoit de l’âme, ou bien que Jésus Christ n’était pas un homme véritable, parce que le Verbe de Dieu n’habitait en lui que comme il était autrefois dans l’esprit des prophètes. Il semble, d’après ces hérétiques, que Jésus Christ ne soit qu’un homme ordinaire, composé d’un corps et d’une âme comme nous, et qu’il ne date son existence que du jour où il a été fait homme, lui qui, dépouillé de la protection de Dieu qui se retire de lui, s’écrie : Mon Dieu ! mon Dieu ! pourquoi m’as-tu abandonné. Ou bien encore, ajoutent-ils, la nature humaine s’étant comme confondue avec l’âme du Verbe, Jésus Christ a été secouru en tout par la puissance de son Père, et maintenant qu’il est privé de ce secours, et abandonné à la mort, il se plaint de cet abandon, et en appelle à celui qui l’a délaissé. Mais au milieu de ces opinions aussi faibles qu’impies, la foi de l’Église, toute pénétrée de la doctrine des apôtres, ne divise point Jésus Christ, et ne laisse point à penser qu’il ne soit pas à la fois Fils de Dieu et Fils de l’homme. En effet, la plainte qu’il fait entendre dans son délaissement, c’est la faiblesse de l’homme qui va mourir, et la promesse qu’il fait du paradis au bon larron, c’est le royaume du Dieu vivant. En se plaignant d’être abandonné au moment de sa mort, il vous prouve qu’il est homme, mais tout en mourant, il assure qu’il règne dans le paradis, et vous montre ainsi qu’il est Dieu. Ne soyez donc pas surpris de l’humilité de ses paroles et des plaintes qu’il fait entendre dans son délaissement, lorsque sachant bien qu’il a revêtu la forme d’esclave, vous êtes témoin du scandale de la croix.» (Liv. 10 sur la Trinité)

Raban Maur, de son côté dit : «Ou bien le Sauveur jette ce cri, parce qu’il s’était comme revêtu de nos sentiments, et que lorsque nous sommes dans le danger, nous nous croyons abandonnés de Dieu. En effet, Dieu avait abandonné la nature humaine par suite du péché, mais comme le Fils de Dieu est devenu notre avocat, il pleure la misère de ceux dont il a pris sur lui les fautes, et il nous apprend par là combien les pécheurs doivent verser de larmes, en voyant ainsi pleurer celui qui n’a jamais commis le péché.»

«Ne soyez point surpris de l'humilité de ses paroles, de ce qu'il se plaigne d'être abandonné; la forme de serviteur qu'il a prise, vous le savez, est la cause du scandale de la croix. La faim, la soif, la fatigue, n'étaient pas les propriétés de sa divinité, mais les infirmités de la nature humaine; ainsi ce cri : «Pourquoi m'as-tu abandonné;»  c'est la plainte du corps, parce que le corps a une horreur souveraine et naturelle pour sa séparation d'avec la vie qui lui est unie. Sans doute, c'est le Sauveur lui-même qui parle ici, mais eu égard à la faiblesse de son corps, il parle comme homme et laisse la nature humaine en proie à ces agitations qui nous font craindre à nous-mêmes que Dieu nous abandonne au milieu des dangers.» (Bède le Vénérable) 

«Le disciple n’est pas plus que le maître, ni le serviteur plus que son seigneur.» (Mt 10,24) Si donc nous pensons que Dieu nous abandonne dans nos épreuves, songeons au Seigneur qui a déjà subi cela en tant qu’homme.

Terminons avec un épisode dans la Vie de saint Antoine le Grand (chap. 5) :

«Soudain tous les démons disparurent, toutes ses douleurs cédèrent, et le bâtiment fut rétabli en son premier état. Antoine connut aussitôt que le Seigneur étant venu pour l'assister remplissait ce lieu-là de sa présence, et ayant encore davantage repris ses esprits et se trouvant soulagé de tous ses maux, il dit en adressant sa parole à cette divine lumière : «Ou étais-tu mon Seigneur et mon Maître ? Pourquoi n’es-tu pas venu des le commencement, afin d'adoucir mes douleurs ?» Alors il ouït une voix qui lui répondit : «Antoine, j’étais ici; mais je voulais être spectateur de ton combat; et maintenant que je vois que tu as résisté courageusement sans céder aux efforts de tes ennemis, je t'assisterai toujours et rendrai ton âme célébré par toute la terre.» Ayant entendu ces paroles il se leva pour prier et sentit en lui tant de vigueur qu'il connut que Dieu lui avait rendu beaucoup plus de force qu'il n'en avait auparavant.» 


a. Cassien




vendredi 22 octobre 2021

BAPTÊME DE MAXIME

 Samedi le 3 (16) octobre fut baptisé, dans la chapelle de saint Maurice, à Saxon (Suisse) Maxime, le fils de Gaian et Marie Monnet. Le dimanche nous avons célébré dans la chapelle la divine liturgie.



mercredi 22 septembre 2021

TOGO

 Je viens de renter du Togo, où j’étais pendant trois semaines. Lors du séjour, on a pu célébrer deux liturgies dominicales; il y a eu deux baptêmes, et la construction de la chapelle a pu avancer, tant que les moyens financiers le permettaient.

Pour plus de détail.



Le bulletin 189 est prêt.



vôtre a. Cassien

mardi 24 août 2021

AFRIQUE

 Plaise à Dieu, je partirai demain le 12 (25) août pour trois semaines en Afrique. Pendant ce temps, nos "bureaux" seront fermés ici  à Clara. Pas de téléphone, juste peut-être des émails. 

vôtre a. Cassien

samedi 17 juillet 2021

HOMÉLIE SUR LE CENTURION

 «En ce temps-là, comme Jésus entrait à Capharnaüm, un centurion vint le trouver et lui fit cette prière : Seigneur, j'ai à la maison un serviteur atteint de paralysie, et il souffre beaucoup. Jésus lui dit : Je vais aller le guérir. Le centurion répondit : Seigneur, je ne suis pas digne que tu entres sous mon toit, mais dis seulement une parole et mon serviteur sera guéri. Car moi, qui ne suis qu'un subalterne, j'ai sous moi des soldats, et je dis à l'un : Va ! et il va, à un autre : Viens ! et il vient, et à mon serviteur : Fais ceci ! et il le fait. A ces mots, Jésus fut dans l'admiration et il dit aux assistants : En vérité je vous le dis, chez personne en Israël je n'ai trouvé pareille foi. Aussi, je vous le dis, beaucoup viendront de l'orient et de l'occident et prendront place au festin avec Abraham, Isaac et Jacob dans le royaume des cieux, tandis que les fils du royaume seront jetés dans les ténèbres extérieures, où il y aura des pleurs et des grincements de dents. Puis il dit au centurion : Va, et qu'il t'advienne selon ta foi ! Et sur l'heure le serviteur fut guéri.» (Mt 8,5-13)



Voici quelques mots sur l’évangile d’aujourd’hui, le quatrième dimanche de Matthieu.

L’évangéliste Matthieu dit simplement : «un centurion vint le trouver et lui fit cette prière.» Luc par contre est plus explicite : «Ayant entendu parler de Jésus, il lui envoya quelques anciens des Juifs, pour le prier de venir guérir son serviteur. Ils arrivèrent auprès de Jésus, et lui adressèrent d’instantes supplications, disant : Il mérite que tu lui accordes cela; car il aime notre nation, et c’est lui qui a bâti notre synagogue. Jésus, étant allé avec eux, n’était guère éloigné de la maison, quand le centenier envoya des amis pour lui dire : Seigneur, ne prends pas tant de peine; car je ne suis pas digne que tu entres sous mon toit.» (Luc 7,3-6)

Ces deux récits semblent être en désaccord, ce qui ne peut se résoudre que si l’on admet qu’il y a trois étapes : d’abord Jésus fut abordé par des anciens des Juifs, et en s’approchant de la maison, le centurion envoya des amis pour lui dirent : «Seigneur, ne prends pas tant de peine …» Mais finalement le Seigneur continua quand même son chemin en se dirigeant vers la maison et c’est finalement le centurion qui lui-même parla : «C’est aussi pour cela que je ne me suis pas cru digne d’aller en personne vers toi.»

Par contre Matthieu raconte ce que Luc omet : «En vérité je vous le dis, chez personne en Israël je n'ai trouvé pareille foi. Aussi, je vous le dis, beaucoup viendront de l'orient et de l'occident et prendront place au festin avec Abraham, Isaac et Jacob dans le royaume des cieux, tandis que les fils du royaume seront jetés dans les ténèbres extérieures, où il y aura des pleurs et des grincements de dents.»

Il est connu que lors de tout événement, chaque témoin le raconte à sa manière et que chacun développe plus en détail ce qui lui semble plus important. Par conséquent, les deux évangélistes se complètent et ne se contredisent nullement.

Un détail : Le centenier avait cent soldats sous ses ordres et il servait dans l’armée romaine qui occupait Israël.

Ce que les deux évangélistes relatent pareillement me semble le plus important : «…dis seulement une parole et mon serviteur sera guéri !» C’est cette foi du le centenier qu’admira même le Christ et qui lui fit dire : «En vérité je vous le dis, chez personne en Israël je n'ai trouvé pareille foi.» Luc dit : «Je vous le dis, même en Israël je n’ai pas trouvé une aussi grande foi.»

Saint Ambroise explique : «Si vous lisez : Je n’ai trouvé chez personne autant de foi dans Israël, le sens est simple et facile, mais si vous lisez selon le texte grec : Je n’ai pas trouvé une si grande foi, même dans Israël, la foi de cet homme est mise au-dessus même des élus et de ceux qui voient Dieu.»

Pourquoi l’admiration du Sauveur qui sait tout ? Bède le Vénérable dit : «Si donc le Seigneur se laisse aller à l’admiration, c’est pour nous faire partager le même sentiment, car toutes ces émotions de l’âme, lorsqu’on les attribue à Dieu, ne sont point un signe de trouble intérieur, mais une leçon salutaire qu’il nous donne.»

«De retour à la maison, les gens envoyés par le centenier trouvèrent guéri le serviteur qui avait été malade,» conclut Luc. Cela suppose que le centenier s’approcha de Jésus, qui était encore en chemin, – pour lui parler. Matthieu dit : «Va, et qu'il t'advienne selon ta foi !» «Va», cela veut dire : retourne dans ta maison.

«Et sur l'heure le serviteur fut guéri.» C’est donc à distance que la guérison a eu lieu, sans que le Christ ait vu ou touché le serviteur. C’est cette foi admirable du centenier qui suppléa à la foi du serviteur, comme nous le voyons également dans la guérison du paralytique : «Jésus, voyant leur foi, dit au paralytique : Mon enfant, tes péchés sont pardonnés.» (Mc 2,5) Il est dit : «leur foi,» donc celle «des gens qui vinrent à lui, amenant un paralytique porté par quatre hommes.» 




De ceux qui «viendront de l'orient et de l'occident et prendront place au festin avec Abraham, Isaac et Jacob dans le royaume des cieux,» nous en parlerons une autre fois, si Dieu nous prête vie.


a. Cassien


mercredi 14 juillet 2021

LA TOUR À CONSTRUIRE

 


«Lequel de vous, s’il veut bâtir une tour, ne s’assied d’abord pour calculer la dépense et voir s’il a de quoi la terminer, de peur qu’après avoir posé les fondements, il ne puisse l’achever, et que tous ceux qui le verront ne se mettent à le railler, en disant : Cet homme a commencé à bâtir, et il n’a pu achever ?» (Luc 14,28)


Ces paroles du Christ – relatées seulement par l’évangile de Luc – sont de prime abord faciles à comprendre; mais cherchons à approfondir un peu plus, car l’Évangile a toujours des sens cachés, des mystères. 

Pourquoi est-il question d’une tour et pas seulement d’une simple maison ? Une tour signifie la solidité et l’endurance. Elle sert pour observer et pour se protéger et non uniquement pour y habiter.

Il s’agit de construire avec un but précis. Notre vie terrestre n’est-elle pas visée avec cela, ou vivons nous uniquement au jour le jour, à manger, à boire et à dormir,  jusqu’à ce que la mort nous surprenne ? Ceux qui n’ont pas la foi vivent ainsi, sans but précis, mais pour un croyant, cette vie-ci n’est qu’une préparation pour l’autre vie – la vraie vie. Donc il s’agit de construire cette «tour» qui symbolise la vie éternelle. 

Si le Seigneur parle d’une tour, il ne parle pas d’une tour en pierres, bien sûr, pas plus que lorsqu’il est écrit dans la loi de Moïse : «Tu n’emmuselleras point le boeuf quand il foule le grain. Dieu se met-il en peine des boeufs, ou parle-t-il uniquement à cause de nous ? Oui, c’est à cause de nous qu’il a été écrit que celui qui laboure doit labourer avec espérance, et celui qui foule le grain fouler avec l’espérance d’y avoir part.» (I Cor 9,9-10)

Il est également question de «calculer la dépense.» Calculer veut dire prévoir et ensuite économiser afin de réussir. Un peu plus bas le Christ dit de quoi il s’agit : «Quiconque d’entre vous ne renonce pas à tout ce qu’il possède ne peut être mon disciple.» Il faut donc abandonner, renoncer à nos «richesses» terrestres pour réaliser cette «tour» éternelle !

Les «fondements» : À quoi cela servira t-il si l’on commence bien dans la vie spirituelle et qu’ensuite on se relâche et abandonne ? Qui nous empêche de terminer la construction ? Notre volonté versatile étouffée par nos passions, dont parle la parabole des semences, dont une partie tombe sur le sol aride, l’autre dans les ronces etc. 

Le jeune homme riche de l’évangile possédait beaucoup de richesses mais ce ne sont pas ces richesses-là qui faisaient obstacle mais l’attachement passionné. Il mettait ces richesses au-dessus de la vraie richesse – l’amour de Dieu, en lequel consiste la vie éternelle. 

On ne peut pas servir Dieu et Mamon, comme disait l’évangile de dimanche passé : «Nul ne peut servir deux maîtres. Car, ou il haïra l’un, et aimera l’autre; ou il s’attachera à l’un, et méprisera l’autre. Vous ne pouvez servir Dieu et Mamon.» (Mt 6,24) Mamon c’est le dieu de l’argent, de cette richesse pernicieuse qui nous perd. D’ailleurs tout l’Évangile tourne autour de ces deux réalités : la vie viciée et la vie éternelle. Il faut renoncer au première pour acquérir la seconde !

Il n’est pas seulement question des richesses matérielles, certes, mais psychiques, spirituelles, comme l’ambition, la gloire etc.

Pour construire cette tour, il faut prévoir, renoncer, économiser; de même pour la vie éternelle il faut thésauriser, calculer, se priver en d’autres termes.  

Qui va nous «railler» si nous ne réussissons pas ? N’est-ce pas le malin, qui n’est autre que ce dieu Mamon ?

L’évangile termine – et moi de même – : «Que celui qui a des oreilles pour entendre entende.»


a. Cassien 

dimanche 4 juillet 2021

Dormition de soeur Paula

 Notre sœur Paula vient de partir pour l'autre vie, après avoir porté une croix lourde (parkinson).

Mémoire éternelle ! 

 Là voici sur un photo ancien :




mardi 29 juin 2021

MISSION EN MARTINIQUE

 Je reviens de Martinique, où étais quelques jours afin d’y aider la mission naissante. On a pu célébré deux dimanches de suite la divine liturgie et il y a eu trois baptêmes.

Me voici avec les baptisées.



Pour le 2 e dimanche de Matthieu 21 juin (4/7) une liturgie est prévue à Mirabeau.


Pour le 3 e dimanche de Matthieu 28 juin (11/7), plaise à Dieu il y aura une liturgie en Suisse.


Bon carême des apôtres !


vôtre a. Cassien

samedi 29 mai 2021

HOMÉLIE POUR LE DIMANCHE DE LA SAMARITAINE

 Cet évangile, que nous entendons chaque année, à la même époque, fut maintes fois commenté et expliqué. Moi-même je l’avais déjà fait dans le bulletin n° 142. Sans vouloir répéter ce que j’ai déjà écrit, ni plagier d’autres, allons méditer sur cet épisode qui est un trésor inépuisable, comme tout l’évangile.

Seul l’évangéliste Jean en parle, ayant écrit son évangile en dernier afin de compléter les évangélistes synoptiques, c’est-à-dire ceux de Matthieu, Marc et Luc (Synoptique veut dire : ayant les mêmes regards sur un événement, tout en s’exprimant chacun à sa manière).

«Il quitta la Judée, et retourna en Galilée. Comme il fallait qu’il passât par la Samarie,» dit l’évangile. (Jn 4,3-4) Le chemin pour aller de Judée en Galilée passait inévitablement par la Samarie. Pendant les trois ans de son ministère, Jésus parcourut sans cesse ces deux contrées pour évangéliser les juifs. Sa mission n’était pas de prêcher aux non-juifs, ce qui était réservé à ses disciples. «Je n’ai été envoyé qu’aux brebis perdues de la maison d’Israël,» disait-t-il. (Mt 15,24) Ce n’était qu’exceptionnellement qu’il prêchait aux autres ou les guérissait.

Là, au puits de Jacob, – lieu historique qui remontait au patriarche Jacob – il s’assit fatigué du chemin parcouru et de la chaleur du midi. «C’était environ la sixième heure,» donc vers midi. En tant qu’homme, Jésus avait faim et soif et se fatiguait.

Une femme samaritaine vient alors puiser de l’eau – tâche réservée aux femmes et aux enfants. Les hommes ne le faisaient qu’exceptionnellement comme on le voit ailleurs dans l’évangile : «Vous rencontrerez un homme portant une cruche d’eau.» (Mt 14,13 et Luc 22,10) Si cela avait été une tâche commune aux hommes, les disciples auraient rencontré d’autres hommes portant de l’eau, mais alors lequel aurait été le bon indiqué par le Christ ?

Ce n’était pourtant pas tellement la soif qui incita le Messie à demander de l’eau, – c’était plutôt un prétexte – mais l’intention de sauver cette femme pécheresse. Elle avait eu cinq maris, ce qui était toléré par la Loi de Moïse, mais le sixième n’était pas son mari, car considéré comme une transgression de la Loi.   

Il parla donc à cette femme bien que les juifs n’avaient pas de relations avec les samaritains, les considérant comme hérétiques. Pour les purs, pourtant, tout est pur, comme dit l’Écriture : «Tout est pur pour ceux qui sont purs; mais rien n’est pur pour ceux qui sont souillés et incrédules.» (Tite 1,15) Les disciples, encore imparfaits, s’étonnèrent de le voir parler à une femme (samaritaine). «Ils étaient surpris de le voir parler à une femme.»

Quand le Christ lui révéla ce qui était caché, ses yeux spirituels s’ouvrirent, ne songeant auparavant qu’à des choses terre à terre : Comment peut-t-il parler à elle, une samaritaine ? Comment peut-il puiser de l’eau, n’ayant pas de cruche ? Comment peut-il donner une eau qui étanche la soif pour toujours etc. ? «Seigneur, je vois que tu es prophète,» dit-elle, et plus tard même, elle entrevit qu’il était le Messie que les samaritains attendaient aussi. «Ne serait-ce point le Christ ?» 

Est-ce que le Seigneur a bu finalement l’eau et mangé avec ses disciples ? L’évangile n’en dit rien. Des questions futiles qui ne servent à rien pour notre salut – juste à satisfaire notre curiosité. Le Christ parla de l’eau vive, qui étanche la soif pour toujours et qui jaillit dans la vie éternelle. Quelle est cette eau vive ? C’est cela qu’il est important de chercher à savoir, bien sûr pas seulement de savoir, mais d’en trouver et d’en boire. On sait abstraitement que c’est la grâce de l’Esprit saint qui vivifie, mais ayant tourné nos yeux vers le bas, comme cette samaritaine, on n’y songe que rarement et l’on s’en occupe peu. Que le Christ ouvre donc aussi nos yeux spirituels, et que nous devenions saint comme la samaritaine qui est devenue sainte Photinie.


a. Cassien




«Lorsque l'homme s'est désaltéré dans les jouissances charnelles, sa soif sera-t-elle apaisée pour toujours ? Il est donc vrai que celui qui boira de cette eau aura encore soif. Mais s'il boit de l'eau que je donne, il n'aura jamais soif; car comment ceux qui seront enivrés de l'abondance de la maison de Dieu (cf.Ps 35), pourraient-ils encore éprouver le besoin de la soif ? Ce que le Sauveur promettait donc à cette femme, c'était l'effusion surabondante de l'Esprit saint qui devait rassasier son âme.» 

(vénérable Augustin, traité 15)


mercredi 12 mai 2021

LE CHEMIN ET LA PORTE DU SALUT

 «Entrez par la porte étroite. Car large est la porte, spacieux est le chemin qui mènent à la perdition, et il y en a beaucoup qui entrent par là. Mais étroite est la porte, resserré le chemin qui mènent à la vie, et il y en a peu qui les trouvent.» (Mt 7,13-14)


Il est question dans ce passage de l’évangile de deux portes et de deux chemins. Cette réalité exprimée par les portes et les chemins est la même que celle exprimée par les vaches et les épis des songes de Pharaon que le prophète Daniel interpréta. «Si Pharaon a vu le songe se répéter une seconde fois, c’est que la chose est arrêtée de la part de Dieu, et que Dieu se hâtera de l’exécuter.» (Gen 41,32)

Pourquoi une porte par où il faut entrer ? Le salut ne nous est pas donné automatiquement mais il y a un choix à faire qui dépend de notre libre arbitre. Cette porte resta fermée aux cinq vierges folles qui n’avaient pas préparé leurs lampes pour entrer dans la salle de noces (cf. Mt 25,1-13) Il est question aussi d’une porte que les gens de Sodome ne trouvèrent pas (cf. Gen 19,1-11) car «les gens de Sodome étaient méchants, et de grands pécheurs contre le Seigneur.» (Ge 13,13)

Il y a un chemin à parcourir dans cette vie pour arriver à la vie éternelle. Il ne s’agit pas seulement de manger, de boire, de dormir etc., – comme les bêtes, dont la vie se termine avec les mort, – mais d’œuvrer à notre salut, sinon le Seigneur nous dira : «Je ne sais d’où vous êtes. Alors vous vous mettrez à dire : Nous avons mangé et bu devant toi, et tu as enseigné dans nos rues. Et il répondra : Je vous le dis, je ne sais d’où vous êtes; retirez-vous de moi, vous tous, ouvriers d’iniquité.»  (Luc 13,25-27) L’évangéliste Matthieu dit : «Ceux qui me disent : Seigneur, Seigneur ! n’entreront pas tous dans le royaume des cieux, mais celui-là seul qui fait la volonté de mon Père qui est dans les cieux.» (Mt 7,22) La foi en Dieu seul ne suffit pas mais nos œuvres doivent y correspondre. «Tu crois qu’il y a un seul Dieu, tu fais bien; les démons le croient aussi, et ils tremblent. Veux-tu savoir, ô homme vain, que la foi sans les oeuvres est inutile ?» dit l’apôtre Jacques, (2,19-20) et plus loin : «Comme le corps sans âme est mort, de même la foi sans les œuvres est morte.» (2,26)

Pourquoi est-t-il écrit que la porte est étroite et le chemin resserré ? Tout simplement pour exprimer qu’un effort nous est demandé pour sauver nos âmes. Par contre, large est la porte et spacieux le chemin qui mènent à la perdition, car descendre la pente du péché se fait tout seul.

C’est donc plutôt une sente qu’un chemin à parcourir pour aller vers la vie éternelle. Cette sente nous semble impossible mais c’est bien l’impossibilité qui en est le chemin; pourtant comme dirait le psalmiste : «Avec mon Dieu, je franchis la muraille.»

«Notre Seigneur tient un langage distinct en parlant de ces deux voies. Il dit qu’il en est beaucoup qui marchent par la voie large, et qu’il en est peu qui trouvent la voie étroite. En effet, nous ne cherchons pas la voie large, et nous n’avons aucune peine à la trouver; elle se présente d’elle-même, et c’est le chemin de ceux qui s’égarent. Tous au contraire ne trouvent pas la voie qui est étroite, et ne la suivent pas aussitôt qu’ils l’ont trouvée, car il en est beaucoup qui après avoir trouvé la voie de la vérité, se laissent séduire par les voluptés de la terre, et reviennent sur leurs pas alors qu’ils étaient au milieu de leur course.» (saint Jérôme)

Il est question aussi que peu se sauvent et beaucoup se perdent, ce qui choque et répugne nos raisonnements. Nous avons plutôt tendance à pencher vers l’apocatastasis, qui prétend que tout sera restauré et que tous seront sauvés à la fin. Les écrits d’Origène, – qui soutiennent cette croyance, – furent condamnés comme hérétiques. Qui sera condamné et qui sera sauvé, Dieu seul en jugera, mais la possibilité de refuser le salut nous est donnée, et beaucoup refusent le salut, hélas, comme dit clairement l’évangile.

Terminons cette explication avec des paroles de saint Jean Chrysostome : «Mais comment le Sauveur qui bientôt nous dira : Mon joug est doux, et mon fardeau léger, peut-il appeler étroite et resserrée la voie qui conduit au ciel ? Pour comprendre cette douceur et cette suavité, il faut remarquer que notre Seigneur parle ici d’une voie et d’une porte, que ce qu’il appelle large et spacieux est aussi une voie et une porte. Ni l’une ni l’autre ne doivent toujours durer, et elles ne sont que passagères. Or la pensée qu’on ne fait que passer par les travaux et les peines pour arriver au bonheur, c’est-à-dire à la vie éternelle, ne suffit-elle pas pour adoucir toutes les souffrances de la vie ? Car si l’espérance seule d’une récompense périssable rend les tempêtes légères au matelot, et les blessures douces au combattant, à plus forte raison la vue du ciel qui nous est ouvert, et ses récompenses immortelles doivent-ils nous faire oublier les dangers qui nous menacent. D’ailleurs notre Seigneur n’appelle cette voie «étroite» que pour la rendre plus douce; par là, en effet, il nous avertit d’être sur nos gardes, et il dirige nos désirs vers le but qu’il nous propose. N’est-il pas vrai que celui qui combat dans l’arène puise un nouveau courage quand il voit son souverain admirer ses généreux efforts ? Ne nous laissons donc pas abattre sous le poids des afflictions qui viendront fondre sur nous : la voie est étroite, mais non pas la cité. Ne cherchons pas le repos ici-bas, et ne redoutons pas de tribulations dans l’autre vie. En ajoutant : Car il y en a peu qui la trouvent, notre Seigneur fait allusion à la lâcheté d’un trop grand nombre, et il nous avertit de fixer nos regards non pas sur la prospérité de la multitude, mais sur les travaux du petit nombre.» (homélie 24 sur saint Matthieu)


a. Cassien


mardi 4 mai 2021

PÂQUE 2021

 Christ est ressuscité !

vôtre en Christ,

a. Cassien





dimanche 18 avril 2021

LES FRERES DE JESUS

     Par où commencer et comment conclure concernant les frères et sœurs de Jésus ?     Expliquons d’abord la croyance orthodoxe. La sainte Vierge Marie fut fiancée (non mariée !) à Joseph, car autrefois, en Israël c’était un opprobre pour une fille de rester célibataire et de ne pas se marier. Donc Joseph, déjà âgé, fut choisi par les grands-prêtres pour la prendre sous sa protection. Il était veuf et avait cinq fils et trois filles du premier mariage; ses fils s’appelaient : Juste, Simon, Jude et Jacques. L'une de ses deux filles avait le nom d'Asia. Il y a aussi un autre Jacques, fils d'Alphée, qui est un cousin de Jésus. Il y a aussi Jacques, le fils de Joseph – et donc le demi-frère de Jésus – qui est celui qui fut plus tard le premier évêque de Jérusalem et que la Tradition appelle le «frère de Dieu». Quand il est dit : «La mère et les frères de Jésus vinrent le trouver,» (Lc 8,19) il est donc question des enfants de Joseph. Voici ce qu’en dit la sainte Tradition qui complète la Bible.

    Dans le langage de la sainte Ecriture, les mots et expressions n’ont pas toujours le même sens que dans nos langages modernes, dans lesquels le mot «frère» signifie qu’il est sorti de la même matrice. Frère peut être un demi-frère, un frère de lait, un frère adoptif, etc. En Afrique, je constate cela souvent. Si quelqu’un dit «c’est mon frère», cela peut être simplement quelqu’un du même village.

Il est écrit de Ruth «elle le suivit en silence et elle leva ce qui couvrait ses pieds.» (Ruth 3,7) Cela veut dire, dans notre langage actuel, qu’elle a couché avec Boos, son parent. Parfois il est dit dans la Bible qu’il a connu une femme. Cela veut dire qu’il a couché avec elle et non pas qu’il l’a connu intellectuellement. Par exemple dans : «Voici, j’ai deux filles qui n’ont point connu d’homme.» (Gen 19,8) Ou : «qui a connu la couche d’un homme.» (Judith 21,11)

Isaïe dit : «C’est pourquoi le Seigneur lui-même vous donnera un signe. Voici, la vierge deviendra enceinte, elle enfantera un fils, et elle lui donnera le nom d’Emmanuel.» (Is 7,14) Grammaticalement on peut traduire «vierge» ou «jeune fille». Le mot hébreu peut dire soit l’un, soit l’autre. Marie était une jeune fille mais également vierge. Sur les icônes on peint trois étoiles sur la robe de la Toute-Sainte pour symboliser qu’elle est vierge, avant, pendant et après l’enfantement. Théologiquement, il faut donc traduire par «vierge», et non simplement «jeune fille» comme le font les «évangélistes» qui ne croient pas à la virginité de Marie. 

D’ailleurs, les protestants, ou, si on veut, les évangélistes, rejettent certains écrits de la Bible, pensant que de sont les papistes qui les ont introduits. Ils se sont fiés aux écrits juifs d’après le Christ, où ces textes ne figurent plus, car ils stigmatisaient trop ce qui se rapporte au Messie, qu’ils ont rejeté également. Cela entre parenthèse. Revenons à nos moutons.

S’il est dit de Joseph : «Mais il ne la connut point jusqu’à ce qu’elle eût enfanté un fils,» (Mt 2,25) cela ne veut pas dire qu’il l’a connue après l’enfantement, mais uniquement qu’il ne l’a pas connue avant l’enfantement. Le prophète Michée dit : «C’est pourquoi il les livrera jusqu’au temps où enfantera celle qui doit enfanter.» (Mich 5,3) Qu’il ne les livrera plus après cet enfantement à la punition, explique bien la suite : «Et le reste de ses frères reviendra auprès des enfants d’Israël.» Si je dis de ne pas faire ceci ou cela, avant le coucher du soleil, cela ne veut pas nécessairement dire que je le ferai après. 

Saint Jérôme dit : «On ne peut donc pas conclure qu’ils se soient unis plus tard, car l’Écriture sainte se contente de dire ce qui n’est pas arrivé.»

«Elle enfanta son fils premier-né,» dit l’évangéliste Luc (2,7) «Le premier engendré est dit premier-né : qu'il soit seul-engendré ou le premier parmi d'autres frères», dit saint Jean Damascène.

Que Joseph n’a pas connu Marie, c’est bien clair. D’abord, il n’était que fiancé avec elle, et autrefois, les fiancés n’avaient pas le droit de coucher ensemble. «Joseph, son époux, qui était un homme de bien et qui ne voulait pas la diffamer, se proposa de rompre secrètement avec elle.» (Mt 1,19) Pourquoi Joseph, un homme de bien, aurait-il répudié la Toute-Sainte s’il avait eu des rapports sexuels avec elle, étant en ce cas le vrai père du Christ ? Si Marie avait couché avec quelqu’un d’autre – quel blasphème ! – elle aurait commis la fornication et l’adultère. On l’aurait lapidée selon la Loi ! Il est bien dit : «car l’enfant qu’elle a conçu vient du saint Esprit,» et non d’un homme. (Mt 2,20)

Si Joseph avait été le père naturel de Jésus, alors celui-ci aurait subi les conséquences du péché originel qui se transmet par le rapport sexuel. Comment le Dieu par nature aurait-Il pu être l’esclave du Malin ? Il a bien démontré, en allant aux enfers, et en brisant ses portes, en libérant les captifs, qu’il est le Tout-Puissant qui a vaincu la mort et le péché.

Saint Jean Chrysostome (sur saint Matthieu) : «Cela s’est fait pour que le Christ ne dût pas sa naissance aux inclinations de la chair et du sang, lui qui venait détruire l’empire de la chair et du sang.»

Saint Augustin. (Du mariage et de la concupisc. liv. 1, chap. 12) «Il n’y eut point ici de relation conjugale, parce qu’elle ne pouvait avoir lieu dans une chair de péché sans être accompagnée de la concupiscence de la chair qui vient du péché. Celui qui devait être sans péché voulut être conçu en dehors de la concupiscence, pour nous apprendre que toute chair qui naît de l’union de l’homme et de la femme est une chair de péché, puisque la seule chair exempte de cette origine est la seule qui n’eût pas été une chair de péché.»

La Bible ne contient qu’une partie des événements qui ont eu lieu, et l’apôtre Jean dit bien : «Jésus a fait encore beaucoup d’autres choses; si on les écrivait en détail, je ne pense pas que le monde même pût contenir les livres qu’on écrirait.» (Jn 21,25) Si l'Écriture ne dit pas tout, à plus fort raison ma médiocrité reste limitée dans ce que je peux dire sur ce sujet. D’ailleurs j’avais déjà écrit sur ce sujet dans le bulletin n° 17.

Prendre simplement la Bible et vouloir l’expliquer et la comprendre sans plus de connaissance et d’expérience, ce serait comme prendre un livre technique d’aviation par exemple, et penser qu’on peut piloter un avion immédiatement après l’avoir lu. Ne serait-ce qu’en ce qui concerne le vocabulaire technique, il diffère souvent avec le vocabulaire de la vie courante. Avoir passé l’épreuve théorique du permis de conduire n’est pas suffisant pour conduire une voiture, il faut aussi la pratique.

L’Écriture sainte ne se comprend bien que dans la sainte Tradition, qui en est la clé, après le baptême dans l’Église qui donne le saint Esprit, et de mieux en mieux lorsque nous avançons par la pratique dans la vie spirituelle.


A. Cassien


Voici le bulletin 187.