samedi 22 novembre 2014

HOMÉLIE POUR LE 8ème DIMANCHE DE LUC


«En ce temps-là, un docteur de la Loi se leva et lui dit pour l’éprouver : Maître que dois je faire pour obtenir en partage la vie éternelle ? Et il lui dit : Qu’y a-t-il d'écrit dans la Loi ? Que lis tu ? Il répondit : Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton coeur, de toute ton âme, de toute ta force, de tout ton esprit – et ton prochain comme toi-même. Jésus lui dit : tu as bien répondu. Fais cela et tu vivras. Mais lui, voulant se justifier, dit à Jésus : Oui, mais qui est mon prochain ?Jésus reprit : un homme descendait de Jerusalem à Jericho. Il tomba au milieu de voleurs qui le dépouillèrent, le rouèrent de coups, et s’en allèrent, le laissant à demi-mort. Il se trouva par hasard qu’un prêtre vint à passer par cette route, et quand il le vit, il continua son chemin. Et, tout de même, un lévite arrivant dans cet endroit, le vit et et passa son chemin, lui aussi. Mais un Samaritain en voyage arriva près de lui et à sa vue fut touché de compassion jusqu’au fond de lui-même. Il s'approcha, banda ses plaies, y versant de l'huile et du vin, puis il le hissa sur sa propre monture, et le conduisit dans une auberge où il prit soin de lui. Et le lendemain; en s'en allant, il sortit deux deniers et les donna à l'hôtelier en lui disant : Prends soin de lui, et ce que tu pourras dépenser en plus, je te le rendrai à mon retour. Lequel de ces trois hommes te paraît avoir été le prochain de celui qui était tombé aux mains des voleurs ? Celui qui a fait acte de miséricorde envers lui, répondit le légiste. Eh bien lui dit Jésus, va et toi aussi, fais de même.» 
(Luc 10,25-37)

Mes chers, commençons à observer un par un les différents thèmes de l’évangile d’aujourd’hui.
«Pour l’éprouver», dit l’évangile, donc non pour apprendre. C’est-à-dire que ce docteur qui ne croyait pas à la vie éternelle, – comme généralement les juifs de ce temps-là, mais qui savait que le Christ l’enseignait, – voulait lui tendre un piège.
Celui qui enseignait également qu’il faut être prudent comme un serpent et simple comme une colombe se référa donc à la Loi, qui est la norme pour tout selon les juifs. Elle prime, pour eux, même sur le salut du prochain et c’est pour cela que Jésus leur rétorqua une fois que « le sabbat et là pour l’homme et non l’homme pour le sabbat. » (Mc 2,27) D’ailleurs, on voit bien dans cet évangile cette attitude des juifs qui révèle que le prêtre et le lévite pensaient d’abord à leur devoir envers le Temple et négligeaient l’amour du prochain pour qui le Temple fut construit.
Sur la question du Christ : «Qu’y a-t-il d'écrit dans la Loi ? Que lis-tu ?», le scribe répondit avec les mêmes paroles que le Messie avait dites au jeune homme riche, qu’il faut aimer Dieu et son prochain, «car toute la loi est accomplie dans une seule parole, dans celle-ci : Tu aimeras ton prochain comme toi-même.» (Gal 5,14)
Le résumé de la Loi, l’amour du Dieu et du prochain, ce docteur de la Loi l’avait apprit et il savait également que le Christ insistait sur ce commandement. Il était donc en accord sur ce point avec le Seigneur et ne pouvait pas le piéger. Il continua ensuite en posant la question : « Oui, mais qui est mon prochain ?» Déjà le « Oui, mais… » de sa réponse dit assez son embarras. Le Sauveur lui répondit par une parabole qui avait peut-être un fond historique. Cet homme en question, descendait de Jérusalem, la Ville sainte, vers Jéricho, une ville maudite. «Maudit soit devant l’Eternel l’homme qui se lèvera pour rebâtir cette ville de Jéricho ! Il en jettera les fondements au prix de son premier-né, et il en posera les portes au prix de son plus jeune fils. » (Jos 10,25) Cette marche, de Jérusalem vers Jéricho, c’est l’image de l’homme pécheur qui glisse vers le péché, du haut vers le bas. Ces brigands figurent, pour leur part, les diables qui nous dépouillent de notre richesse spirituelle, et nous laissent à demi-mort, c’est-à-dire l’âme meurtrie. Ils «s’en allèrent,» ces brigands, une fois leur besogne accomplie. Ainsi agissent les esprits malins avec nous : Quand ils nous ont fait tomber dans le péché, ils se retirent jusqu’à la prochain attaque.
Ensuite il est question de ce prêtre qui passait «par hasard». Que veut dire : par hasard ? Il y a des hasards dans la vie si on voit les choses en surface ou qu’on ne regarde que les causes secondaires. Si pourtant on scrute en profondeur, tout a un sens, comme c’est bien le cas pour ce prêtre et ce lévite. Pour eux c’était une épreuve par laquelle Dieu leur donnait l’occasion de faire la charité, mais dans laquelle… ils échouèrent en préférant ce qui est secondaire à l’essentiel. Le Samaritain, de son côté, ne faisait officiellement pas partie du Peuple élu, mais d’un schisme. Pourtant il vivait selon cette Loi que Dieu avait donné à ce même peuple élu. Il était «en voyage», c’est-à-dire occupé par son travail, comme le texte le montre bien. Il aurait pu dire aussi : «Je n’ai pas le temps,» mais il préféra la charité au gain matériel. Il «fut touché de compassion jusqu’au fond de lui-même». Cela veut dire qu’il vivait réellement, non uniquement d’une manière rituelle, ce que la Loi enseigne. Il s’occupa du mieux qu’il pouvait de cet homme blessé. Il le pansa et le mit même «sur sa propre monture», en allant donc lui-même à pied jusqu’à la prochaine auberge. Là, il prit encore soin de lui, puis continua son chemin le lendemain, et au retour acheva son acte de charité en payant à l’hôtelier ce qui manquait.
Ici s’achève la parabole mais le Christ voulait voir si ce légiste avait bien compris la leçon, en lui demandant : qui «te paraît avoir été le prochain de celui qui était tombé aux mains des voleurs ?» Le scribe avait bien compris l’enseignement, car il répondit : «Celui qui a fait acte de miséricorde envers lui,» et il n’osa plus poser d’autres questions pour piéger le Seigneur. Nous, par contre, nous pouvons encore Le questionner afin d’apprendre ce que nous devons faire afin de marcher sur les traces de ce Samaritain, qui fut justifié et qui entra certainement dans la vie éternelle.
Étant à la place de cet homme meurtri (par nos péchés), devenons comme le samaritain et défaisons-nous de cette attitude légaliste qui nous fait ressembler à ce prêtre et ce lévite dont parle l’évangile !


archimandrite Cassien

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