samedi 4 octobre 2014

HOMÉLIE POUR LE PREMIER DIMANCHE DE LUC

HOMÉLIE POUR LE PREMIER DIMANCHE DE LUC

«En ce temps-là, la foule se pressait autour de Jésus pour écouter la Parole de Dieu. Jésus Se trouvant au bord du lac de Genezareth, vit deux barques qui étaient auprès du rivage. Les pêcheurs en étaient descendus et lavaient leurs filets. Jésus monta dans l'une des barques, qui appartenait à Simon, et lui demanda de s'éloigner un peu du bord. Puis Il S'assit et de la barque, Se mit à enseigner les foules. Quand Il eut cessé de parler, Il dit à Simon : Mène ton bateau en eau profonde et lâchez vos filets pour pécher. Simon Lui répondit alors : Maître, voilà une nuit entière que nous avons peiné sans rien prendre ! cependant sur ta Parole, je vais lâcher mes filets ! Quand ils l'eurent fait, ils prirent une telle multitude de poissons que leurs filets venaient à se rompre. Ils firent donc signe à leurs compagnons qui étaient dans l'autre barque de leur venir en aide; ces derniers accoururent et remplirent les deux barques presque à les faire couler à fond. À ce spectacle, Simon Pierre tomba aux genoux de Jésus et Lui dit : Retire-Toi de moi, Seigneur, parce que je suis un pécheur, car la frayeur l'avait saisi comme tous ceux qui se trouvaient avec lui dans cette pêche qu'ils venaient de faire ! et de même Jacques et Jean, fils de Zébédée, qui étaient les associés de Simon. Cependant Jésus dit à Simon : n'aie crainte ! désormais ce sera des hommes que tu prendras ! Et ayant tiré leurs barques sur le rivage, ils quittèrent tout et Le suivirent.» (Luc 5,1-11)



Après l’Exaltation de la sainte Croix, un nouveau cycle liturgique commence, avec l’évangile de Luc. On chante aussi chaque dimanche, à partir de maintenant, le Polyéléos, car les nuits deviennent plus longues et il reste davantage de temps pour prier.
Ce premier dimanche parle de la vocation des premiers disciples du Christ. Commençons à décortiquer un par un l’épisode. 
Le Sauveur est entouré d’une foule avide de L’écouter. Un peu plus loin, au rivage, se trouvent deux barques avec des pêcheurs occupés à leur besogne quotidienne. La pêche était maigre et il ne leur restait qu’à laver les filets, après une nuit où ils avaient peiné en vain. Le Seigneur, pour les prendre dans ses filets, leur demande un service. Sans demander, Il S’assied dans une barque et c’est ensuite qu’Il demande à Simon, le futur Pierre, de s’éloigner un peu du rivage. Cela n’était, en fait, nullement nécessaire. Il aurait pu parler à la foule depuis le rivage, comme Il l’a fait maintes fois par la suite. Le Sauveur l’a fait afin de prendre un premier contact avec ses futurs disciples. «Il S’accommode aux dispositions comme aux diverses occupations des hommes, c’est par une étoile qu’Il avait appelé les mages, c’est par le métier de la pêche qu’Il appelle à Lui les pécheurs,» (saint Jean Chrysostome, homélie 6 sur Matthieu)
Une fois qu’Il a terminé de parler aux gens rassemblés, et forcé les pêcheurs de L’écouter également, eux qui n’étaient occupés qu’à leur besogne terre à terre, Il va un pas plus loin et demande à Simon de retourner à la pêche. Il le faisait afin de faire éclater sa Gloire et leur ouvrir ainsi les yeux. Toute la nuit, ils avaient pêché sans succès. La nuit symbolise l’ignorance. Quand le Seigneur leur parlait, c’était à l’aube, au lever du soleil. La première barque appartenait à Simon et son frère André, comme on voit dans les évangiles de Matthieu et de Marc. L’autre barque appartenait à Jacques et Jean son frère, qui lavaient et réparaient également leurs filets. Certainement eux, ils n’avaient rien pris non plus cette nuit dans leur filet. D’autres fois leur pêche était plus abondante, mais ce jour-là, la Providence avait disposé ainsi non sans raison. 
Le Christ demanda ensuite à Simon de retourner en mer à la pêche, aucunement par souci d’un gain matériel mais en vue de leur salut et d’une multitude d’autres qui seraient, par la suite, sauvés par les apôtres. Simon se plia à la demande du Seigneur, après avoir fait la remarque que leur pêche précédente était un désastre. 
Une autre fois, bien plus tard, après la Résurrection, les apôtres n’avaient rien pris non plus dans leurs filets, et Jésus leur demanda de jeter le filet du côté droit de la barque. «Ils le jetèrent donc, et ils ne pouvaient plus le retirer, à cause de la grande quantité de poissons.» (Jn 21,6) À droite de la barque ou en mer profonde n’a pas d’importance, mais la docilité à la Volonté de Dieu apporte le succès, même si on ne comprend pas et surtout quand on n’y comprend rien, en faisant simplement confiance à Dieu, qui peut tout disposer pour notre bien. 
Donc Simon et son frère André retournaient à la pêche et cette fois-ci elle fut si abondante que leur filet venait de se rompre, comme lors de la pêche après la Résurrection : «Ils ne pouvaient plus le retirer, à cause de la grande quantité de poissons.» (Idem.) Cette abondance les obligea à appeler les deux autres frères, Jacques et Jean, au secours. Cette abondance avait deux buts : d’abord d’attirer Simon et André vers Lui et puis de pousser également les deux autres à Le joindre. La peur les avait saisis tous par suite de ce miracle, que les incrédules taxeraient de hasard. Simon Pierre, par son caractère spontané et intempestif, se jeta aux Pieds du Christ et se reconnaissait comme pécheur en face de la Puissance du Christ. Il demanda même au Christ de Se retirer, tellement la peur l’avait saisi, tels les autres compagnons. Le Seigneur le rassura et lui assura que désormais il ne s’occuperait plus de la pêche de poissons, mais de la pêche d’hommes. Une fois leurs barques retirées sur le rivage, ils abandonnèrent tout et suivirent le Messie. Matthieu complète et dit : «Aussitôt ils laissèrent la barque et leur père (qui s’appelait Zébédée). Il s’agit du père de Jacques et de Jean.
Cela n’était pas la première fois qu’André et Pierre rencontraient le Messie. Comme disciples de Jean le Précurseur, ils avaient déjà fait la connaissance du Christ, sans Le suivre tout à fait. André, le premier-appelé, en avait parlé tout de suite à Pierre.  «Et il le conduisit vers Jésus.» Pourtant ils ne restaient pas encore tout à fait avec le Messie. «Ils restèrent auprès de Lui ce jour-là», seulement. (Jn 1,39)
Quelle leçon en tirer pour nous, également pauvres pécheurs ? D’abord, que sans le Seigneur nous travaillons en vain, comme dit le psaume : «Si le Seigneur ne bâtit la maison, ceux qui la bâtissent travaillent en vain» (Ps 127,1) Ensuite qu’il ne faudra pas seulement nous appliquer aux choses terre à terre, mais – comme les poules, qui picotent par terre et surveillent le ciel en même temps, par crainte des rapaces, – tourner toujours notre esprit vers Dieu, c’est-à-dire de prier «sans cesse», comme dit l’Apôtre (I Th 5,17). Ensuite il faudra écouter docilement la Voix de Dieu, s’y fier et être confiant qu’Il dirige tout pour notre bien. «Au milieu même des occupations de la pêche (et vous savez combien les pêcheurs sont avides du succès de leur pêche), dès qu’ils entendent l’Ordre du Sauveur, sans aucun délai, ils quittent tout, et Le suivent. Telle est l’obéissance que Jésus Christ demande de nous, elle doit être notre premier soin, au milieu même des diverses nécessités de la vie.» (saint Jean Chrysostome, Homélie 14 sur Matthieu). Nous ne voyons que le bout de notre nez, mais Lui, Il voit non seulement ce qui nous attend dans cette vie, mais surtout ce qui se passera dans l’autre vie, que nous oublions trop facilement, absorbés que nous sommes par les soucis terrestres. «Il Se montre plein de condescendance pour tous, afin de tirer le poisson de l’abîme, c’est-à-dire l’homme qui nage pour ainsi dire au milieu des choses inconstantes et mobiles, et parmi les violentes tempêtes de cette vie,» dit saint Grégoire le Théologien (discours 31)
Pensons à la meilleure part, que Marie avait choisie et n’agissons pas comme Marthe qui «était absorbée par les multiples soins du service.» (Lc 10,40) C’est-à-dire, appliquons-nous d’abord aux choses spirituelles, au salut de notre âme, tout en nous occupant des besoins terrestres, qui sont nécessaires mais passagers et caducs. Surtout ôtons cette crainte du lendemain, de quoi nous nourrir et comment nous vêtir. Celui qui a rempli le filet de poissons saura aussi compatir à nos besoins quotidiens. 


archimandrite Cassien

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