vendredi 9 février 2024

DIMANCHE DE ZACHEE

 En ce temps-là, Jésus traversa la ville de Jericho; et voici qu'un chef des publicains, un homme riche du nom de Zachée, essayait de voir qui était Jésus, mais ne pouvait y parvenir à cause de la foule et de sa taille, car il était petit. Il courut donc en avant et monta sur un sycomore, afin de voir Jésus qui devait passer par là. Arrivé à cet endroit, Jésus leva les yeux, l'aperçut et lui dit : Zachée, hâte-toi de descendre, car il faut qu'aujourd'hui je demeure en ta maison. Il se hâta de descendre et le reçut avec joie. Ce que voyant, tous murmuraient et disaient : C'est chez un pécheur qu'il est allé loger ! Mais Zachée, résolument, dit au Seigneur : Voici, Seigneur, la moitié de mes biens, je la donne aux pauvres, et si j'ai fait du tort à quelqu'un, je lui rendrai quatre fois plus. Et Jésus lui dit : Aujourd'hui le salut est entré dans cette maison, puisque c'est aussi un fils d'Abraham. Car le Fils de l'homme est venu chercher et sauver ce qui était perdu.  (Luc (19,1-10)


Cet évangile précède le triode qui gravite autour de la conversion, et qui est le thème central du Carême, notre vrai but de la vie – le salut, la vie éternelle, et non la recherche des plaisirs passagers et des valeurs périssables.

On pourrait nommer cet évangile : Conversion de Zachée. Zachée était un  publicain, c’est-à-dire un collecteur d’impôts. En lui se réalisa ce que disait Jésus aux pharisiens : «en vérité, je vous dis que les publicains et les prostituées vous devancent dans le royaume de Dieu.» (Mt 21,31)

Les publicains étaient connus pour leurs injustices et Zachée ne faisait pas exception puisqu’il avait bien dit : «si j'ai fait du tort à quelqu'un, je lui rendrai quatre fois plus.» Il avait également dit : «la moitié de mes biens, je la donne aux pauvres.»

Voici ce qu’en dit le grand Chrysostome : «Il faut avoir soin de remarquer que les richesses de Zachée n’étaient pas toutes le fruit de l’injustice, mais qu’elles provenaient aussi de son patrimoine. Comment aurait-il pu sans cela rendre le quadruple de ce qu’il avait acquis injustement ? Il savait que la loi prescrit de rendre le quadruple de tout bien mal acquis (cf. Ex 22), afin que si l’on ne craint pas de violer la loi, on soit au moins arrêté par l’obligation onéreuse qu’elle impose. Mais Zachée n’attend pas la condamnation de la loi, il se fait lui-même son propre juge.» Voilà pour cet aspect de l’évangile.

«Dans le sens figuré, Zachée, veut dire justifié,» dit Bède le Vénérable. Zachée s’est bien justifié par son action de donner de son bien et de restituer ce qu’il avait mal acquis. Ce n’est pas pour rien qu’il était riche, comme indique l’évangile, et comme chef des publicains il avait plus de facilité à extorquer des impôts aux gens.

Inspiré, Jésus appela Zachée par son nom. Il ne le connaissait pas et Zachée ne connaissait pas non plus le Christ, car il est écrit : «il essayait de voir qui était Jésus.»

Zachée voulait voir le Christ. Il n’y arrivait pas à cause de la foule et de sa petite taille, dit l’évangile. Il eut donc l’idée de courir en avant, de monter sur un sycomore, et de voir ainsi le Seigneur. Pourquoi essaya-t-il de voir le Christ ? L’évangile n’en dit rien. Par simple curiosité ? Une chose est sûre; c’est la grâce qui agissait en lui, qui sait rendre pur ce qui est impur et droit ce qui est tordu. Avant la grâce de sa rencontre avec Jésus et comme pour la préparer, pour s’y disposer, il y a un désir, obscur et tâtonnant, il y a une quête un peu indécise, une fente dans l’armure, une mince ouverture du cœur – il chercha à voir. Mais ce désir qui précède la grâce et qui l’appelle, la provoque en quelque sorte, c’est déjà un don de Dieu, c’est déjà la grâce du Christ qui opère dans l’homme.

Le Christ s’invita lui-même dans la maison de Zachée, non pour simplement «aller loger», mais pour amener un pécheur sur le bon chemin, une brebis à la bergerie.

«Sans être invité, il s’invite lui-même à descendre chez lui : «Et l’ayant vu, il lui dit : hâte-toi de descendre,» etc. Il savait que l’hospitalité qu’il demandait serait largement récompensée, et bien qu’il n’eût pas encore entendu Zachée lui adresser d’invitation, il voyait les sentiments de son cœur.» (saint Ambroise de Milan)

Saint Cyrille écrit : «Zachée, de son côté, n’a point mis le moindre retard, et s’est ainsi montré digne de la miséricorde de Dieu, qui rend la vue aux aveugles, et appelle ceux qui sont éloignés.»

Tous murmuraient que Jésus était rentré dans la maison d’un pécheur. Parmi ces « tous », il y avait certainement les pharisiens. Ils se scandalisaient déjà de ce que le Christ était allé chez Matthieu, lui aussi un péager, comme Zachée. Ces mêmes avaient fait des remarques désobligeantes quand cette «femme connue dans la ville pour sa vie dissolue,» (Luc 7,37) s’approcha du Christ pour oindre ses pieds.

Qu’est-ce que le Christ aurait pu faire dans les maisons de Pharisiens et de scribes, qui dans leur endurcissement ne croyaient pas à ses paroles et ni même à ses miracles ?

«Hâte-toi de descendre,» dit le Christ, et non simplement descends ! En d’autres termes : ne tarde pas ! «Car il faut qu’aujourd’hui,…» Hic et nunc (ici et maintenant). Ce n’est pas demain, mañana, comme disent les espagnols nonchalants. Le temps de conversion ne dépend pas de nous mais de Dieu. À nous la décision, sans tarder donc, car on ne connait ni l’heure ni le jour… !

Zachée a finalement vu et entendu le Messie, selon son désir, et son cœur fut embrasé par la grâce, et «il se hâta de descendre et le reçut avec joie.» Les Pharisiens avaient maintes fois rencontré le Christ, mais comme on dit : il n’y a pire sourd que celui qui ne veut pas entendre, ou pire aveugle qui ne veut pas voir.

«Celui qui a des oreilles pour entendre, qu’il entende !» (Mc 4,9)


a. Cassien


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