jeudi 16 novembre 2023

HOMÉLIE DU 7e DIMANCHE DE LUC

 Luc (8,41-56)



«En ce temps-là, un homme du nom de Jaïre, qui était chef de la synagogue, s'approcha de Jésus. Tombant à ses pieds, il le suppliait de venir chez lui, parce qu'il avait une fille unique, âgée d'environ douze ans, qui se mourait. Et tandis qu'il s'y rendait, la foule le serrait à l'étouffer. Or une femme atteinte d'un flux de sang depuis douze années et qui avait dépensé tout son avoir en médecins, sans que nul d'entre eux n'ait pu la guérir, s'approcha par derrière et toucha la frange de son manteau; et à l'instant même son flux de sang s'arrêta. Et Jésus demanda : Qui m'a touché ? Comme tous s'en défendaient, Pierre et ses compagnons lui dirent : Maître, c'est la foule qui te presse et t'écrase, et tu demandes qui t'a touché ! Jésus reprit : Quelqu'un m'a touché; j'ai senti qu'une force était sortie de moi ! Se voyant découverte, la femme vint toute tremblante et, se jetant à ses pieds, raconta devant tout le monde pour quelle raison elle l'avait touché et comment elle avait été guérie à l'instant. Jésus lui dit : Ma fille, ta foi t'a sauvée; tu peux aller en paix ! Il parlait encore, quand de chez le chef de la synagogue arriva quelqu'un qui lui dit : Ta fille est morte à présent, ne dérange plus le Maître ! Mais Jésus, qui avait entendu, lui répondit : Ne crains pas; crois seulement, et elle sera sauvée ! Arrivé à la maison, il ne laissa personne entrer avec lui, si ce n'est Pierre, Jean et Jacques, ainsi que le père et la mère de l'enfant. Tous pleuraient et se lamentaient sur elle, mais Jésus leur dit : Ne pleurez pas, elle n'est pas morte, elle dort ! Et ils se moquaient de lui, sachant bien qu'elle venait de mourir. Mais Jésus, les ayant tous fait sortir et l'ayant prise par la main, lui dit à haute voix : Enfant, lève-toi ! L'esprit lui revint et à l'instant même elle se leva. Puis il ordonna de lui donner à manger. Ses parents furent saisis de stupeur, mais Jésus leur enjoignit de ne dire à personne ce qui était arrivé.»

Par deux fois le chiffre douze se trouve dans cet évangile : La fille avait douze ans et l’hémoroisse souffrait depuis autant d’années.

Sur le chemin vers la maison du chef de la synagogue, la guérison de la femme «atteinte d'un flux de sang» a eu lieu. 

«D’après la loi, cette maladie était regardée comme une des plus grandes souillures,» (cf. Lev 15) précise saint Jean Chrysostome (hom. 32 sur saint Matthieu) C’est pour cela que cette femme a eu peur et était «toute tremblante». – «Car il était défendu à ceux qui étaient souillés de quelque impureté, de toucher ceux qui étaient purs, ou de s’approcher de ceux que la loi réputait pour saints,» dit saint Cyrille.

Elle avait touché les vêtements du Christ et à cause de sa foi elle fut guérie. Les soldats, lors de la crucifixion, les tirèrent au sort entre eux, sans éprouver rien de semblable. Donc sans la foi, toutes nos œuvres sont stériles !

Dans son Histoire ecclésiastique, Eusèbe de Césarée relate : «On rapporte que cette femme fit ériger dans la ville de Panéade (Césarée de Philippe), d’où elle était originaire, un monument remarquable, en souvenir du bienfait qu’elle avait reçu du Sauveur. On voyait à l’entrée de la porte de sa demeure, sur un piédestal élevé, une statue d’airain, représentant une femme à genoux, les mains jointes, dans l’attitude de la prière; de l’autre côté se dressait une autre statue de même matière, représentant un homme vêtu d’un manteau, la main étendue vers cette femme; à ses pieds, sur la base, on voyait une plante exotique, qui montait jusqu’au bord du manteau d’airain, et à laquelle on attribuait la propriété de guérir toutes les douleurs. Cette statue, disait-on, représentait Jésus Christ, et l’empereur Maximin la fit détruire.»

Revenons à la fille qui se mourrait, ou était déjà morte, selon les évangélistes. 

Matthieu précise que la fille était déjà morte quand son père aborda Jésus : «Ma fille vient de mourir, mais viens et pose ta main sur elle, et elle vivra.» (Mt 9,18) Marc dit : «Ma fille est à l’extrémité; je te prie de venir et de lui imposer les mains, afin qu’elle soit sauvée, et qu’elle vive.» (Mc 5,23)

Matthieu dit également : «Jésus, étant arrivé à la maison du chef de synagogue, et voyant les joueurs de flûte et la foule qui faisait un grand bruit.» Ce tumulte se faisait puisque tous croyaient la fille définitivement morte.

«Arrivé à la maison, il ne laissa personne entrer avec lui, si ce n'est Pierre, Jean et Jacques, ainsi que le père et la mère de l’enfant.» 

Ces sont ces mêmes apôtres que le Seigneur prit avec lui lors de sa Transfiguration. L’hémorroïsse retrouva la santé devant beaucoup de témoins – toute la foule – tandis que, lorsque le Christ ressuscita la fille, il ne prit que ces témoins nommés plus haut. Pourquoi ainsi ? Question inutile, sinon l’évangéliste l’aurait dit. «Ceux qui étaient avec lui,» (Mc 5,40) dit Marc; donc les autres apôtres étaient absents. Encore : pourquoi ? demandent les curieux.

«Cette jeune fille n’est pas morte, mais elle dort.» On parle de dormition pour ceux qui croient. Ce ne sont que les incroyants qui meurent vraiment d’une mort éternelle !

Quant le Sauveur ressuscita cette fille, il les fit tous sortir, vu leur incrédulité. «Et ils se moquaient de lui,» même les apôtres qui avaient encore une foi chancelante ! «Ils se riaient de lui, car quand on ne croit pas, on devient nécessairement moqueur,» selon saint Ambroise.

Cette fille ne pouvait pas toucher le vêtement du Christ, mais, lui, «l'ayant prise par la main», «l'esprit lui revint.»

«L'ayant prise par la main, lui dit-il à haute voix : Enfant, lève-toi !» Marc dit : «Talitha coumi», ce qui se traduit par Enfant, lève-toi. 

La fille se leva toute seule, ayant repris vie. Pour reprendre ses forces, le Seigneur «ordonna de lui donner à manger».

À l’homme «infirme depuis trente-huit ans», Jésus dit : «Lève-toi, prends ton petit lit, et marche,» (Jn 5,8) tandis qu’à la fille il ne dit que «Lève-toi !» Il est évident que les deux sea déplacèrent, une fois guéris, et qu’ils ne restèrent pas couchés sur leurs grabats. On peut aussi dire que dans le premier cas, c’était un paralytique et qu’il y avait le problème du sabbat, pendant lequel il était interdit de porter son lit, ce qui scandalisa les pharisiens à cause de leur esprit borné.

Le problème de cet homme était sa paralysie. Donc le Christ l’enjoignit : «Lève-toi, prends ton grabat, et marche !» La fille n'avait pas le même syndrome. Elle «se mourrait». Cela suppose qu’elle souffrait depuis un moment et qu’elle avait perdu ses forces. C’est pour cela le Sauveur «ordonna de lui donner à manger».

L’évangile termine : «Ses parents furent saisis de stupeur, mais Jésus leur enjoignit de ne dire à personne ce qui était arrivé.»

Pour ne pas me borner au récit historique de l’évangile, précisons quelle leçon en tirer pour nous. Tout tourne, dans cet évangile, autour de la foi. Si nous avons la foi «grosse comme un grain de sénevé» comme il est dit ailleurs, tout nous est possible avec l’aide de Dieu. Si pourtant notre foi est chancelante et semée de doutes, alors il ne nous reste qu’à jouer de flûte et à faire un grand bruit, comme cette foule incrédule, en d’autres termes, à pleurer notre état spirituel décadent. 

Sur cette belle fresque, le récit évangélique n’est pas trop pris à la lettre, pourrait-on dire. Ce n’est pas une représentation chronologique, mais selon la manière iconographique, plusieurs épisodes, – qui se sont déroulés à des moments et endroits différents, – peuvent figurer sur la même représentation.


a. Cassien





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