vendredi 15 août 2014

LES MARCHANDS CHASSÉS DU TEMPLE

A l’hermitage, je viens de terminer la fresque qui représente le Christ qui chasse les marchants du temple, – fresque que j’ai commencée il y a au moins vingt ans. Pendant la peinture, j’ai eu assez de loisir pour méditer sur cette scène.
Voici d’abord ce qu’en dit l’évangile :
«Ils arrivèrent à Jérusalem, et Jésus entra dans le temple. Il se mit à chasser ceux qui vendaient et qui achetaient dans le temple; il renversa les tables des changeurs, et les sièges des vendeurs de pigeons; et il ne laissait personne transporter aucun objet à travers le temple. Et il enseignait et disait : N’est-il pas écrit : Ma maison sera appelée une maison de prière pour toutes les nations ? Mais vous, vous en avez fait une caverne de voleurs.» (Mt 21,12-13 et Mc 11,15-17)
«Il trouva dans le temple les vendeurs de boeufs, de brebis et de pigeons, et les changeurs assis. Ayant fait un fouet avec des cordes, il les chassa tous du temple, ainsi que les brebis et les boeufs; il dispersa la monnaie des changeurs, et renversa les tables; et il dit aux vendeurs de pigeons : Otez cela d’ici, ne faites pas de la maison de mon Père une maison de trafic. Ses disciples se souvinrent qu’il est écrit : Le zèle de ta maison me dévore.» (Jn 2,14-17)
Sur la fresque on voit donc le Seigneur, aux portes du sanctuaire, un fouet dans sa droite, poursuivant les marchands en fuite. L’argent par terre, la table renversée et les bêtes effrayés. 
(Cette fresque narrative est plutôt rare et ne figure pas sur les icônes portatives car ce sujet n’est pas pour la vénération.)
Pourquoi le Christ agit-Il ainsi, Lui qui est impassible et la douceur même ? Dans le cas présent, la gloire de Dieu, son Père, était en question et rien ne peut être au-dessus de cela. La profanation et le mépris de ces vendeurs méritaient cette réaction violente. Pourtant ce qu’ils vendaient était pour les offrandes du temple, mais cela devait se faire en dehors, en un endroit profane.
Déjà Néhemias , dans l’Ancien Testament, rencontra le même problème : «Or, avant cela, Eliasib, le prêtre, très proche allié de Tobias, demeurait dans le trésor du temple de notre Dieu. Et il s'était fait faire un vaste magasin dans le lieu où l'on déposait jadis les offrandes, l'encens, les vases, la dîme du blé, du vin et de l'huile, ce qui était dû aux lévites, aux chantres et aux portiers, et les prémices destinées aux prêtres. … et je reconnus le mal qu'avait fait Eliasib avec Tobias en lui faisant un magasin dans le parvis du temple de Dieu. Et cela me parut très mal; et je jetai hors du magasin tous les meubles de la maison de Tobias. Et je parlai, et on purifia le magasin, et j'y fis replacer les vases du temple, les offrandes et l’encens.» (Nehemias 13,4-10)
Donc Néhemias également usa de la violence. Saint Nicolas, en face des blasphèmes d’Arius, ne gifla t-il pas cet impie ? Les autres hiérarques enfermèrent le saint en prison, selon les canons de l’Église qui interdissent qu’un clerc frappe autrui. («Si un évêque, un prêtre ou un diacre frappe les fidèles pécheurs, ou les infidèles qui ont fait du mal, et veut par là leur faire peur, nous ordonnons que celui-là soit déposé; car le Seigneur ne nous a nulle part enseigné cela, bien au contraire, frappé, il n'a pas rendu les coups, insulté, il n'a pas insulté en retour, soumis à des souffrances, il n'a pas menacé de les rendre.» (Canon 27 des apôtres)
Pourtant la nuit même le Christ et la Toute-Sainte remettaient saint Nicolas dans ses fonctions, ce qui persuada les autres pères de l’innocence et du bien agir du saint.
Le prêtre Éli fut puni par Dieu à mort, ainsi que ses fils, pour ne pas avoir châtié ses fils pervers qui profanèrent le Temple. «Pourquoi foulez-vous aux pieds mes sacrifices et mes offrandes, que j’ai ordonné de faire dans ma demeure ? Et d’où vient que tu honores tes fils plus que moi, afin de vous engraisser des prémices de toutes les offrandes d’Israël, mon peuple ?» (I Sam 2,29)

Dans l’Ancien Testament se trouve aussi l’histoire d’Uzza, qui, mu par une bonne intention, voulut secourir l’Arche de l’Alliance et qui fut frappé à mort : «Lorsqu’ils furent arrivés à l’aire de Nacon, Uzza étendit la main vers l’arche de Dieu et la saisit, parce que les boeufs la faisaient pencher. La colère de l’Eternel s’enflamma contre Uzza, et Dieu le frappa sur place à cause de sa faute. Uzza mourut là, près de l’arche de Dieu. David fut irrité de ce que l’Eternel avait frappé Uzza d’un tel châtiment. Et ce lieu a été appelé jusqu’à ce jour Pérets-Uzza.» (II Sam 6,6)
On voit que David avait des sentiments purement humains; on dirait aujourd’hui humanistes, où Dieu n’est plus au centre mais l’homme.
Sur l’icône de la Dormition de la Vierge Marie, – qui est «le Temple très pur du Sauveur … le Tabernacle céleste», (Kontakion de la fête) dont le temple juif n’est qu’une figure, – on voit parfois le juif qui toucha le cercueil de manière sacrilège et l’ange lui trancha les mains.
En face de cette fresque, en question, se trouve une fresque de l’Entrée de la Toute-Sainte au Temple. Chaque fois, il s’agit du temple mais une fois le temple est profané et les profanateurs punis, et l’autre fois c’est le temple qui sanctifie et qui est sanctifié par la Vierge toute pure.

archimandrite Cassien

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