mardi 2 septembre 2014

HOMÉLIE SUR LE JEUNE HOMME RICHE

De ce jeune homme riche, dont parle l’évangile d’aujourd’hui, nous ne savons pas le nom, mais nous le connaissons tous, puisque nous avons déjà entendu maintes fois cet évangile. Cette histoire nous concerne-t-elle, puisque personne parmi nous n'a de grands biens ? 
    Ce ne sont pas de grands biens matériels qui nous hantent mais nos passions coupables. Pour l’un c’est l’orgueil, pour l’autre l’attachement à la nourriture, tandis qu'un troisième rêve de beautés vaines. D’ailleurs le fait d’avoir de grands biens n’est pas mauvais en soi, mais cet attachement passionnel, dont la tristesse est témoin chez le jeune homme. Il «s’en alla tout triste; car il avait de grands biens.» (Mt 19,22) On appelle cela des biens. Ils sont des biens en eux-mêmes, mais ils deviennent mauvais dès que notre cœur s’y attache passionnément. Être content d’une vertu ou d’un talent que Dieu nous a donnés, c’est louable, mais le considérer comme venant de nous, c’est de l’orgueil. Manger avec appétit n’est pas répréhensible, mais la gourmandise l’est. Regarder une femme n’est pas un péché, mais qui la regarde «pour la convoiter a déjà commis un adultère avec elle dans son cœur.» (Mt 5,28)
    Toutes ces «richesses» coupables sont comme des lacets qui nous retiennent sur notre chemin et nous rendent tristes chaque fois que nous tombons dans le péché. Certes, Dieu ne nous condamnera pas à l'enfer pour cela, pourvu que ce ne soient que de «petits» péchés, car Il est miséricordieux et Il connaît la fragilité humaine. Pourtant une chose est d’être sauvé par miséricorde et une autre d’être aimé par Dieu. «Qui aime les justes et fait miséricorde aux pécheurs,» disons-nous chaque jour dans la prière «Toi qui en tous temps…»
    Qui était finalement le plus heureux ? Ce jeune homme riche avec ses grands biens ou les apôtres qui avaient tout quitté ? De toute façon, un jour il devra quitter ses richesses et peut-être cette nuit même, comme dit un autre évangile : «Mais Dieu lui dit : Insensé ! cette nuit même ton âme te sera redemandée; et ce que tu as préparé, pour qui cela sera-t-il ?» (Lc 12,20) Et Luc continue : «Il en est ainsi de celui qui amasse des trésors pour lui-même, et qui n’est pas riche pour Dieu.» C’est ce repliement, cet égocentrisme qui est mauvais, qui rend notre âme malade, c’est-à-dire viciée.
    Il ne s’agit pas nécessairement de quitter physiquement, comme pour ce jeune homme, mais avec le cœur. C’est du cœur que viennent les mauvaises pensées, c'est là que sont nichés les vices. C’est plus radical de quitter matériellement ces biens, comme font les moines et les moniales, mais chacun doit le faire selon les circonstances dans laquelle il vit. Que sert-il aux moines d’avoir quitté le monde s’ils n’arrivent pas à se détacher de ce monde avec le cœur ? Bienheureux, par contre, celui qui, étant dans le monde, se purifie spirituellement, comme tant de saints l’ont fait, qui étaient mariés, rois ou autres. 
    L’année prochaine, quand nous entendrons de nouveau cet évangile, si Dieu nous prête encore vie, nous ferons le bilan pour voir si nous avons piétiné encore sur place ou si nous avons vraiment fait des progrès.


archimandrite Cassien

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