samedi 8 février 2014

Dimanche du Pharisien et du Publicain

16e Dimanche de Luc
Dimanche du Pharisien et du Publicain
Luc 18,10-14
De l'Explication de l'évangile de saint Luc
par le bienheureux Théophylacte, archevêque d'Ochrid et de Bulgarie

10-14. Deux hommes montèrent au temple pour prier ; l'un était pharisien, et l'autre publicain. Le pharisien, debout, priait ainsi en lui-même : Ô Dieu, je Te rends grâces de ce que je ne suis pas comme le reste des hommes, qui sont ravisseurs, injustes, adultères, ou même comme ce publicain ; je jeûne deux fois la semaine, je donne la dîme de tous mes revenus. Le publicain, se tenant à distance, n'osait même pas lever les yeux au ciel ; mais il se frappait la poitrine, en disant : O Dieu, sois apaisé envers moi, qui suis un pécheur. Je vous le dis, celui-ci descendit dans sa maison justifié, plutôt que l'autre. Car quiconque s'élève sera abaissé, et celui qui s'abaisse sera élevé.

Le Seigneur ne cesse de purger la passion de l'orgueil de différentes façons. Cette passion, plus qu'aucune autre, trouble nos pensées, et pour cette raison, le Seigneur enseigne toujours et partout à ce sujet. Ici, Il est en train de purger la pire forme de l'orgueil. Car il existe de nombreux rejetons à l'amour-propre. La présomption, l'arrogance et la vaine gloire proviennent toutes de cette racine. Mais la plus destructive de toutes ces sortes d'amour-propre est l'orgueil, car l'orgueil est le mépris de Dieu. Quand un homme attribue ses accomplissements à lui-même et non pas à Dieu, ce n'est rien moins que la négation de Dieu et l'opposition à Lui. Par conséquent, comme un ennemi à l'ennemi, le Seigneur s'oppose à cette passion qui Lui est opposée, et à travers cette parabole, Il promet de la guérir. Il dirige cette parabole vers ceux qui se fient en eux-mêmes, qui n'attribuent pas tout à Dieu, et qui , pour finir, méprisent les autres. Il montre que, quand la justice – qui est merveilleuse à tous les autres égards et qui rapproche l'homme de Dieu – prend l'orgueil pour son compagnon, elle jette l'homme dans les profondeurs les plus basses et rend démoniaque ce qui était divin peu de temps avant.

Au début, les paroles du pharisien ressemblent à celle d'un homme reconnaissant. Car il dit : Ô Dieu, je Te rends grâces. Mais les mots qui suivent sont pleins d'absurdités. Il ne dit pas : "que Tu m'as fait quitter l'extorsion et l'iniquité", mais plutôt : "Je Te rends grâces que je ne suis pas un ravisseur ou un ouvrier d'iniquité". Il attribue cet accomplissement à lui-même, comme quelque chose qu'il aurait fait de sa propre force. Comment un homme, qui sait que ce qu'il a, il l'a reçu de Dieu, peut-il comparer d'autres hommes défavorablement à lui-même et les juger ? Pour sûr, si un homme croyait qu'il avait reçu, comme un don, de bonnes choses qui, en réalité, appartiennent à Dieu, il ne mépriserait pas d'autres hommes. Il se considérerait lui-même, au contraire, aussi nu que ses semblables en matière de vertu, sauf que, par la Miséricorde de Dieu, sa nudité a été couverte d'un habit donné. Le pharisien est fier, il attribue ses œuvres à sa propre force, et c'est pour cela qu'il se met à condamner d'autres. En disant que le pharisien était debout, le Seigneur indique sa superbe et son manque d'humilité. De la même façon qu'un homme humble d'esprit est pareillement humble de son attitude, ce pharisien révèle son orgueil par son allure. Bien qu'il soit dit du publicain aussi qu'il était debout, notez la suite : il n'osait même pas lever les yeux au ciel, il était donc courbé de posture. Mais les yeux du pharisien, de même que son cœur, étaient levés au ciel, dans une exaltation arrogante. Toutefois, la façon même dont le pharisien arrangea les paroles de sa prière peut encore nous instruire. D'abord il dit ce qu'il n'est pas, puis il déclare ce qu'il est. Après avoir dit : Ô Dieu, je Te rends grâces de ce que je ne suis pas comme le reste des hommes, ce qui vise les manquements des autres, il annonce ses propres bonnes œuvres : qu'il jeûne deux fois la semaine et donne des dîmes de tout ce qu'il possède. L'ordre de sa prière nous montre que nous devons d'abord éviter le péché et nous atteler ensuite à la vertu. On ne doit pas seulement se détourner du mal, mais aussi faire le bien (Ps 33,15). C'est pareil pour un homme qui veut tirer de l'eau pure d'une fontaine boueuse : c'est seulement quand il l'a nettoyée de la boue qu'il peut en tirer de l'eau pure.

Considérez aussi ceci : le pharisien ne dit pas : "je Te rends grâces de ce que je ne suis pas un ravisseur ou un adultère comme le reste des hommes". Il ne put supporter l'association même de son nom avec des termes aussi vils, il les emploie donc au pluriel, désignant de la sorte d'autres hommes par ces termes, et évite le singulier, qui pourrait l'associer, lui, avec le péché. Ayant dit : je Te rends grâces de ce que je ne suis pas comme le reste des hommes, il se désigne lui-même par contraste, disant : je jeûne deux fois le sabbath, ce qui veut dire : deux fois la semaine, car la semaine était appelée "le sabbath", tirant son nom du dernier jour de la semaine, le jour du repos. Le jour du repos était appelé sabbat, et la semaine était appelée sabbata, ce qui est le pluriel de sabbat. C'est pour cela que mian sabbatton est le premier jour de la semaine, celui que nous appelons "le Jour du Seigneur" (dimanche). Chez les Hébreux, mian veut dire la même chose que premier.

Il y a aussi une explication plus profonde de cette parabole. Contre la passion de l'adultère, le pharisien se vanta de son jeûne, puisque les désirs lascifs naissent de l'excès de manger et de boire. En restreignant son corps le lundi et le jeudi, comme c'était l'usage des pharisiens, il se tenait éloigné de ces passions-là. Il résistait aussi à l'extorsion et à l'injustice, en donnant des dîmes de toutes ses possessions. "Je suis tellement opposé à l'extorsion et au fait de nuire à d'autres", dit-il, "que je donne des aumônes de tout ce que j'ai". Certains pensent qu'une simple et unique dîme est ce qui est prescrit par la loi ; mais ceux qui examinent attentivement la loi, trouveront que trois formes de dîme sont prescrites. Vous pouvez apprendre cela du Deutéronome si vous vous y appliquez diligemment (Dt. 12,11-17).

Cela pour le pharisien. Tournons-nous maintenant au publicain pour observer qu'il est exactement l'opposé du pharisien. Il se tenait à l'écart et se tenait à une grande distance, non seulement sur le plan physique, mais aussi dans son attitude, dans ses paroles et par la componction de son cœur. Il avait honte de lever les yeux au ciel, car il considérait ses yeux indignes de vision céleste, puisqu'ils désirèrent voir et jouir des bonnes choses de la terre. Et il se frappait la poitrine, battant son cœur, pour ainsi dire, pour ses mauvais desseins, et le réveillant, parce qu'il était endormi. Le publicain ne disait rien d'autre que : Ô Dieu, sois apaisé envers moi, qui suis un pécheur. Ce faisant, il descendit dans sa maison justifié, plutôt que l'autre. Car chaque cœur présomptueux est impur aux Yeux du Seigneur, et Dieu résiste aux orgueilleux, mais Il fait grâce aux humbles (Prov 3,34, I Pi 5,5).


Mais on pourrait se demander pourquoi le pharisien est condamné pour avoir dit quelques mots fanfarons, alors que Job reçoit une couronne pour avoir dit beaucoup de paroles semblables (Job 29). La réponse est que le pharisien était debout à dire ces vaines paroles sans aucune contrainte et qu'il condamnait d'autres sans raison. Mais pour Job, ses amis le pressèrent et l'attaquèrent plus sauvagement que ne l'avaient fait ses propres calamités, lui disant qu'il subissait ces choses à cause de ses péchés. Job fut obligé d'énumérer ses bonnes œuvres, mais il le fit pour la Gloire de Dieu, et afin que les hommes ne s'égarent pas loin du chemin de la vertu. Car si des hommes venaient à entendre que Job souffrait parce que ce qu'il avait fait était pécheur, ils n'agiraient pas comme lui. Pour finir, ils deviendraient haïsseurs des étrangers au lieu d'être hospitaliers, sans merci au lieu d'être miséricordieux et injustes au lieu d'être justes ; car telles étaient les bonnes œuvres de Job. Il énuméra donc ses vertus afin que d'autres ne s'égarent pas et ne soient pas blessés, et c'est pour cela qu'il parla comme il le fit. Ne dirons-nous pas que ses paroles, qui peuvent sembler vantardes, sont en fait radieuses d'humilité ? Oh ! que ne puis-je être comme aux mois du passé, comme aux jours où Dieu me gardait ! (Job 29,2). Voyez-vous qu'il attribue tout à Dieu et ne juge pas d'autres ? Au lieu de cela, il est jugé par ses amis. Mais la condamnation tombe à juste titre sur le pharisien, qui attribuait tout à lui-même et non pas à Dieu, et jugeait d'autres sans aucune raison. Car quiconque s'élève sera abaissé et condamné par Dieu ; et celui qui s'abaisse lorsqu'il est condamné par d'autres sera élevé et compté comme juste par Dieu. Le Seigneur dit : "Toi, ô chrétien, sois le premier à dire tes péchés, pour que tu puisses être compté comme juste".

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