lundi 13 avril 2009

LE NOMBRIL D’ADAM



    L’Église est composée d'hommes et non d'anges, soyons donc réalistes et acceptons chacun comme il est avec ses faiblesses et limites. D’ailleurs, comme dit l’évangile : «Que celui qui est sans péché jette la première pierre.» (Jn 8,7) Voyons plutôt dans notre prochain l’image du Christ, une image peut-être altérée par les vicissitudes de la vie, qui ont laissé des blessures et des cicatrices qui ont du mal à guérir.


    L’Église est un champ de bataille et c’est donc normal que les choses débordent parfois et ne peuvent pas être comme pendant un temps de paix où tout s’écoule selon un rythme harmonieux.


    Il ne s’agit pas d’être fataliste, non. On peut et on doit changer les choses mais en commençant d’abord par enlever la poutre qui est dans notre œil. Changer le monde sera bien plus facile ensuite.


    L’austérité, qui nous anime souvent en voyant la situation dans l’Église, n’est pas une vertu mais la compassion. Quand le bon Samaritaine rencontrait sur le chemin de Jéricho celui qui était tombé entre les mains de brigands, il fut ému de compassion. Il aurait pu agir autrement, se dire par exemple que c’est un Juif qui gît par terre (Samaritains et Juifs n’avaient pas de relations entre eux). Le Christ dans cette parabole n’a pas par hasard pris ce Samaritain et ce Juif : Il l’a fait afin de nous montrer qu’il faut dépasser notre étroitesse d’esprit et notre dureté, notre attachement exagéré à ce qui est secondaire et qui n’est là que pour aller vers l’essentiel – l’amour du Dieu et du prochain. La suite de la parabole le montre bien avec ce prêtre et ce lévite qui donnaient plus d’importance à leur devoir dans le Temple, qu’à l’amour du prochain. (cf. Lc 10,30 et la suite).


    «Ma puissance s’accomplit dans la faiblesse», (II Cor 12,9) dit l’Apôtre, c’est-à-dire, à travers nos faiblesses, l’Œuvre de Dieu, l’économie du salut, s’accomplira. Le même apôtre dit ailleurs : «la loi établit souverains sacrificateurs des hommes sujets à la faiblesse» (Heb 7,28) Sachons-le : plus haut on est élevé en grade et dignité, plus on a de charges à porter; donc soyons indulgents avec nos jugements si nous ne sommes pas capables de les éviter complètement. D’ailleurs, ces sont ceux qui ne font rien qui ne se trompent jamais, mais toute leur vie est un échec.


    Au temps des apôtres, la situation était loin d’être idéale. Il y avait le traître, Pierre renia par trois fois le Christ, Jacques et Jean demandèrent les premières places et au moment de la Passion, seuls Jean et les faibles femmes se tenaient près de la croix. Leur incrédulité faisait gémir le Seigneur qui se demandait : «…jusqu’à quand serai-je avec vous, et vous supporterai-je ?» (Luc 9,41)


   L’Église est construite sur le sang des martyrs, les privations, l’ascèse, les larmes et non sur la facilité, qui est l’apanage du monde qui va à sa perte. À travers tout ce que nous estimons comme négatif, le dessein de Dieu se réalise, même si c’est incompréhensible pour nous et dépasse notre vision myope. N’essayons pas de vouloir toujours tout comprendre, sinon on finira, comme les Juifs, de se demander si Adam a eu un nombril ou non puisqu’il n’avait pas de mère !


Archimandrite Cassien


Il me semble voir l’Église poursuivre sa course formidable à travers les siècles, les mornes hérésies prostrées et rampantes, mais la vérité farouche, chancelante, mais debout.

G.K Chesterton

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